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Un ancien agent de la CIA coupable d’espionnage pour la Chine

Un ancien agent de la CIA, d’origine chinoise, a plaidé coupable d’avoir transmis des informations relevant de la défense nationale à la République populaire de Chine. Ayant quitté la CIA en 2007, celui-ci vivait depuis à Hong-Kong, où il aurait été approché par les services de renseignement chinois.

En mai 2017, le New York Times rapportait que la CIA rencontrait de grandes difficultés en Chine : ses sources et agents présents dans l’Empire du Milieu avaient été, pour la majorité, neutralisés. Entre 2010 et 2012, une douzaine d’opérations d’espionnage de la CIA auraient été démantelées : près de 20 informateurs auraient été tués ou emprisonnés. Face à l’importance de cette brèche qui leur offrait de précieuses informations sur le Parti communiste chinois, les agents américains ont essayé de comprendre comment Pékin arrivait à contrecarrer leurs opérations : certains pensaient que la Chine avait réussi à pénétrer le système de communication secret avec les sources étrangères, alors que d’autres se tournaient plutôt vers l’option d’une taupe à la CIA.

Jerry Chun Shing Lee, un américain naturalisé de 54 ans, est un ancien agent de la CIA, qui y a servi de 1994 à 2007. Ayant par la suite emménagé à Hong-Kong, c’est en avril 2010 que les choses basculent : il est approché par deux agents du renseignement chinois. Ceux-ci lui proposent 100 000 dollars et de prendre soin de lui « à vie » en échange d’informations acquises durant sa carrière à la CIA. Lee acceptera, et commencera à travailler pour les renseignements chinois en mai de la même année. L’étude de son compte personnel HSBC montre que Lee a accumulé plusieurs centaines de milliers d’euros jusqu’en 2013. Un business fructueux qui a mis la puce à l’oreille des agents américains : ce succès devait être appuyé par les autorités chinoises, d’autant plus qu’il possédait des connaissances sensibles sur les activités de la CIA dans le pays.

 

Plusieurs confrontations avec le FBI

Lee va être interrogé à plusieurs reprises par les services américains. Une première fois en 2012, lors d’un voyage sur le territoire national, les autorités lui faisant croire en l’opportunité d’un contrat avec l’agence. L’ancien agent confirmera que leurs homologues chinois l’ont contacté, mais ne révèlera pas qu’il a obtenu une mission. Il ne sera pas inquiété, du fait du manque de preuve : il faut éviter une nouvelle affaire Kelley[1].

En août 2012, une équipe du FBI dans une chambre d’hôtel à Honolulu (Hawaii) enregistrée au nom de Lee – alors en transit – trouvèrent une clé USB dans ses affaires, contenant dans un espace non alloué – donc supprimé – un document rédigé en mai 2010. Ce dernier regroupait des informations secrètes sur les activités de la CIA, dont les lieux où seraient affectés des agents spécifiques de la CIA, ou encore le lieu et l’échéancier d’une opération sensible de l’agence. L’enquête du FBI permit également de trouver un agenda et un carnet d’adresses avec, à l’intérieur, des notes se rapportant à ses missions d’avant 2004, lorsqu’il était agent de la CIA. Parmi les informations présentes : les identités et numéros de téléphone des sources, les renseignements qu’elles ont apportés, les lieux de rencontres et installations secrètes de la CIA.

À nouveau interrogé à trois reprises en mai 2013, il avoua avoir reçu des demandes de la part des agents chinois. Concernant le fichier de la clé USB, Lee a d’abord nié en être à l’origine ou l’avoir supprimé de la clé. Une semaine plus tard, il admit en être l’auteur et avoir pensé à le donner aux agents chinois, mais précisant ne l’avoir jamais fait.  En janvier 2018, il fut une nouvelle fois interrogé par le FBI, où il revint sur la plupart de ses précédents propos.

 

Un cas grave qui n’est pas isolé

Lee a plaidé coupable le 1er mai 2019 : du fait du caractère extrêmement sensible de l’affaire, il risque la prison à perpétuité. Sa sentence sera connue le 23 août 2019. Le Procureur général adjoint pour la Sécurité nationale, John Demers, n’hésite pas à qualifier les actes de Lee de « trahisons », et rappelle que c’est le troisième cas de ce genre en moins d’une année. Son confrère, le procureur Terwilliger, rajoute : « Lee a vendu son pays, a comploté pour devenir un espion pour un gouvernement étranger, puis a menti à plusieurs reprises au sujet de sa conduite. Cette poursuite devrait servir d’avertissement aux autres qui compromettraient les secrets de notre nation et trahiraient la confiance de notre pays ».

Selon les propos de Michael Collins, sous-directeur adjoint du centre de mission de la CIA pour l'Asie de l'Est, la situation actuelle en matière d’espionnage évolue en une nouvelle « Guerre froide ». Plusieurs affaires de retournement de fonctionnaires américains ont été révélées ces dernières années, comme l’ancien fonctionnaire Kevin Mallory en juin 2017 ou l’employée du Département d’État Candace Marie Claiborne.


[1] Brian J. Kelley était un agent de la CIA suspecté, dans les années 1990, de travailler pour le SVR, le service de renseignement extérieur de la Russie. Il s’avéra finalement que la taupe était un autre agent : Robert Hanssen.