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La Banque du Liban est-elle sous le coup d’une vaste attaque informationnelle ? – 2ème partie : l’attaque de l’Open Society

Sans surprise, l’offensive judiciaire qui avait débuté en mars 2021 s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Une fois de plus la simultanéité des actions plaide pour une attaque coordonnée dont l’effet final recherché semble être plus communicationnel et politique que judiciaire. En outre la nature des nouveaux entrants dans l’offensive fait émerger de forts soupçons quant à l’implication très importante, voire centrale, des réseaux de l’Open Society.

Entamée par Guernica 37 et Accountability Now devant les tribunaux britanniques aux mois de mars et d’avril 2021, quelques mois après un rapport publié par Guernica 37 (octobre 2020), l’offensive judiciaire contre Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban, s’est poursuivie quelques semaines plus tard en France. C’est devant le Parquet National Financier (PNF), le 16 avril, qu’Accountability Now a déposé plainte pour escroquerie et blanchiment d’argent. Elle fut suivie le 30 du même mois par l’association Sherpa, accompagnée du « Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban », par l’entremise de l’avocat William Bourdon, par ailleurs son ancien président-fondateur.

La presse française s’est fait l’écho, à la suite d’une dépêche AFP parue le 6 juin, de l’ouverture d’une enquête préliminaire au PNF, suite au dépôt des deux plaintes. L’orientation de la plupart des articles en question, citant les déclarations triomphales des avocats des plaignants, participe à infuser l’idée de la culpabilité du gouverneur de la Banque du Liban. Pourtant la saisine du PNF, munie d’un dossier rationnel et bien construit, déclenche une enquête dans près de 80% des cas ; sans pour autant qu’une procédure judiciaire soit enclenchée. De plus, ce type d’enquête, complexe, mets en général plusieurs mois avant d’aboutir : rien à ce stade ne peut donc garantir que cette affaire aboutira à un procès. Un aspect qui n’a pas, ou peu, été souligné jusqu’ici.

Comme lors de la première vague de plainte en Grande-Bretagne, peu de mentions sont faites des liens idéologiques et politiques, parfois étroits, qui unissent une grande partie des acteurs de l’offensive. Au profit de la vision, implicitement véhiculée, d’attaques spontanées émanant de la société civile. Alors même qu’un examen minutieux de l’affaire pourrait laisser clairement entrevoir une opération d’influence très coordonnée, menée en réseau, contre la Banque du Liban et son gouverneur.

L’implication de l’Open Society ?

On avait précédemment mis en valeur la présence d’un écosystème d’ONG anglo-saxonnes : Nadim Matta, directeur du Rapid Results Institute, et Guernica 37 ; ainsi que la vraisemblance des liens entre Accountability Now et Guernica 37.  Un constat qui se consolide à l’examen des récents évènements, et qui semble confirmer l’hypothèse d’une coordination entre ces derniers, mais aussi, et surtout, avec les nouveaux entrants : l’association Sherpa et particulièrement William Bourdon.

En effet la cartographie générale, enrichie de ces nouveaux acteurs, fait apparaître une forte implication de la galaxie de l’Open Society à travers un jeu d’acteurs complexe qui se répondent et s’alimentent mutuellement.

Dans un premier temps, on peut observer que l’Association Sherpa1, qui revendique une partie de ses financements par l’Open Society, a officiellement basé les éléments de sa plainte sur les travaux de deux organisations. La première est le média progressiste libanais Daraj, lui aussi financé par l’organisation de George Soros, et qui s’est distingué ces derniers mois par ses attaques répétées contre Riad Salamé. Daraj avait notamment publié un rapport, datant de 2016, portant sur des opérations financières illégales du gouverneur de la Banque du Liban. Très controversé, ce rapport, sur lequel se fonde une partie des accusations de Sherpa, est attribué par Daraj au Cristal Group International, un cabinet d’intelligence économique français. Son dirigeant, Kevin Rivaton, dément pourtant formellement toute implication2. La seconde organisation sur laquelle Sherpa ancre son sa plainte est l’Organization crime and corruption reporting project (OCCRP), une plate-forme de journalistes d’investigation, financée par l’Open Society, mais aussi par le département d’État américain et l’agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID). Cette plate-forme a produit plusieurs études sur la BdL, dont une partie s’inspire explicitement du « rapport Cristal », qui se trouve pourtant sujet à cautions.

Parmi les liens plus faibles, on peut citer Guernica 37, dont certains membres ont collaboré à plusieurs reprises avec l’Open Society en Afrique et au Moyen-Orient. C’est le cas d’Ibrahim Olabi ayant travaillé avec l’Open Society Justice Initiative. Il est par ailleurs le fondateur du Syrian Legal Development Program (SLDP) qui compte dans son directoire des membres (Zahra Albarazi) ayant également collaboré avec l’Open Society. En outre on retrouve le fondateur de Guernica 37, Toby Cadman, dans les signataires d’une lettre ouverte, le 25 mars 2021, au Président de la RDC dans l’affaire de l’Afriland First Bank. Où l’on identifie d’ailleurs une très large partie des protagonistes de l’affaire Riad Salamé dont le PLAAF et Global Witness (et par conséquent William Bourdon et Henri Thulliez).

William Bourdon : militant désintéressé ou relais d’influence ?

La nature et la cartographie de ce réseau s’affirment à l’examen du profil de l’avocat de Sherpa : William Bourdon. Personnalité médiatique très controversée, William Bourdon est notoirement soupçonné d’être un relais de l’Open Society en Afrique (via Sherpa)3 et, par voie de conséquence en France. Ce dernier, qui a récemment lancé une nouvelle plateforme de lanceurs d’alertes contre la corruption (Alerte Liban), est également président de la plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PLAAF). Cette plate-forme a notamment collaboré à plusieurs reprises avec l’ONG Global Witness, qui appartient aussi à la galaxie Open Society, dans des attaques informationnelles et judiciaires en Afrique (RDC, Sénégal, etc).

En outre, la PLAAF a pour directeur Henri Thulliez, avocat français, que l’on retrouve dans le bureau d’Accountability Now. Il ne s’agit d’ailleurs pas du seul directeur de cette fondation à avoir des liens avec William Bourdon. En effet, l’avocat Suisse, Alain Werner, directeur de Civitas Maxima, avait plaidé ces dernières années contre l’ex-président Tchadien, Hissène Habré, aux côtés de William Bourdon parmi le collectif d’avocat des victimes. On retrouve au passage dans cette affaire-ci, Henri Thulliez, à l’époque coordinateur d’Human Right Watch (ONG aussi largement financée par l’Open Society).

Pour rajouter à l’endogamie des acteurs de l’affaire de la Banque du Liban, on peut également citer Khadidja Sharife, rédactrice [Afrique] à l’OCCRP, mais aussi administratrice de la PLAAF. Si elle n’a pas d’empreinte directe dans le cadre de l’affaire de la Banque du Liban, elle témoigne de la proximité humaine et idéologique très importante des organisations qui s’attaquent à Riad Salamé.

 

Typologie de l’offensive

L’historien britannique des réseaux, Niall Ferguson, théorise le monde contemporain comme un nouvel âge des réseaux4, qui remettent en cause la prépondérance des structures hiérarchiques actuelles. L’attaque de la Banque du Liban est, par certains aspects, un cas concret d’attaque d’une hiérarchie (la BdL) par un réseau.

Dans ce contexte, on identifie un « réseau distribué » composé de deux clusters : la galaxie Open Society et un réseau politique libanais apparemment proche des milieux aounistes. Ces deux clusters semblent avoir pour hub William Bourdon, du fait de sa centralité de degrés et de proximité, qui fait le lien via les courroies que semblent être Alain Werner et surtout Henri Thulliez (qui détient une importante centralité d’intermédiarité), membres d’Accountability Now. Cette dernière fondation étant directement partie prenante des réseaux libanais (voir 1er article). Pour rappel, l’une des principales personnalités d’Accountability Now est Zeina Wakim. Elle est directement liée, via la fondation Interpol, à une personnalité libanaise de premier plan, Elias Murr (ancien vice-premier ministre et ministre de la Défense). On associe à ce dernier Alain Bifani (ancien directeur général du ministère des finance libanais), lui-même proche de Gebran Bassil : ancien ministre des Affaires Etrangères, gendre du président Aoun et dirigeant du Courant Patriotique Libre.

La caractérisation de ce réseau met en valeur deux points : le caractère coordonné des acteurs de la polémique, mais aussi un important déséquilibre entre les deux clusters, au détriment des Libanais, qui semblent sous la coupe du premier. Dès lors, il apparaît comme probable que ces derniers soient instrumentalisés, comme caution politique, par les réseaux de l’Open Society. Dans cette optique on note qu’Accountability Now, en plus d’être en partie composée de relais assimilés à l’Open Society (Henri Thulliez notamment) est aussi une organisation créée très récemment (début 2021). Or, sur le fond, elle n’apporte guère de plus-value aux dossiers présentés par les autres ONG (Guernica 37, l’OCCRP, Daraj et Sherpa), très expérimentées et surtout identifiées de longue date dans leur créneau. Si le tempo médiatique semblait lui donner l’initiative, la typologie de son réseau lui donne plutôt un rôle de subordonné.

L’utilité d’Accountability Now semble résider plutôt dans la crédibilité politique « libanaise » qu’elle confère à l’ensemble de cette offensive sur la Banque du Liban. Un rôle similaire, quoique moindre, est joué par le « Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban », qui partage la plainte de Sherpa. Ce collectif est particulièrement jeune, ses statuts ont été déposés le 16 avril 2021 (à Paris) et il figure au journal officiel depuis le 27 du même mois : soit trois jours avant le dépôt de la plainte par Sherpa et William Bourdon. La représentativité effective de cette association, qui semble plus légale que réelle, pose donc quelques questions.

Une offensive plus médiatique que judiciaire

Concernant le modus operandi, on observe des similarités dans les offensives, en France et en Grande-Bretagne : l’exploitation d’une « musique de fond » en provenance de médias locaux (comme Daraj), l’action d’ONG nationales (Guernica 37, Sherpa) articulées officieusement à des ONG identifiées comme libanaises et manifestement créées pour l’occasion. Le tout dans un tempo très rapide afin d’alimenter une campagne de presse intense ayant pour effet de saturer les opinions publiques (Française, britannique, libanaise). Il se crée alors une bulle informationnelle où Riad Salamé semble désigné coupable alors qu’aucune procédure n’a encore été déclenchée (ni même d’enquête, dans le cas des tribunaux britanniques) ; sans compter que la polémique qui le touche s’est déclenchée depuis près d’un an. Mieux, presque aucun commentaire n’a été fait sur l’acquittement de Riad Salamé, par la cour d’appel de Beyrouth, sur le fond comme sur la forme. Il était notamment poursuivi pour mauvaise gestion de la BdL, ingénieries financières illégales sur la monnaie libanaise et in fine sa responsabilité dans la crise qui traverse le Liban. Le caractère artificiel, ou incomplet, des dossiers montés contre le gouverneur de la Banque du Liban, et l’opération d’influence internationale à l’œuvre, commence d’ailleurs à faire jour au Liban, en témoigne la publication d’un article traitant de cette problématique, le 8 juin, sur le site du ministère de l’information du Liban.

Quel mobile pour l’Open Society ?

La mobilisation des réseaux de l’Open Society n’explique pas pour autant les raisons de leur implication dans l’affaire Riad Salamé et en général, dans la situation du Liban. Un début d’hypothèse pourrait résider dans les similitudes importantes de cette opération médiatique avec celles conduites en Afrique. En effet l’activisme de la galaxie Soros a été mis en évidence dans l’ouvrage rédigé par Stéphanie Erbs, Vincent Barre et Olivier Laurent : « Les réseaux Soros à la conquête de l'Afrique: Les réseaux d'influence à la conquête du monde ». Anciens des services de renseignement (pour les deux derniers) et passés par l’Ecole de Guerre Economique (EGE), les auteurs ont mis en évidence les actions de l’Open Society en Afrique. Cet activisme regroupe des réseaux tentaculaires d’ONG (dont celles impliquées ici), de médias (ex : Radio Okapy en RDC, à l’image de Daraj au Liban) et de financement de partis politiques progressistes. Cela dans un but à la fois idéologique, à savoir la création d’un espace libéral selon la doctrine de Karl Popper, revendiquée par George Soros, mais aussi économiques dans les secteurs hydrocarbures, miniers, les énergies renouvelables, l’agriculture OGM, les télécoms, etc. Pour résumer, le moteur idéologique de l’Open Society s’articule directement avec les intérêts du Soros Management Funds LLC et ses investissements. La conséquence résulte dans des attaques directes sur les intérêts d’Etats comme la France, directement pointés par certaines polémiques : comme lors de l’affaire Hissène Habré où Henri Thulliez affirmait clairement la responsabilité de Paris ou dans un autre registre les récentes accusations de corruption, par Sherpa, autour des contrats de vente de rafale en Inde. Les attaques visent aussi des concurrents, comme l’Israélien Beni Steinmetz qui subit une véritable guerre informationnelle depuis plusieurs années : notamment en Guinée-Conakry, depuis l’avènement, favorisé par George Soros, d’Alpha Condé (2010). C’est d’ailleurs un autre avatar de l’Open Society, l’organisation Revenue Watch (aujourd’hui Natural Resource Governance Institute) , qui avait été opportunément chargée de rédiger le nouveau code minier du pays, comme l’avait rappelé en 2013 le journal Le Point.

Or on remarque que l’Open Society est déjà à la manœuvre depuis quelques années au Liban. Dans la sphère médiatique, on a vu que l’organisation soutient le média progressiste Daraj. De plus, lors des élections législatives de 2018, Human Right Watch, avait apporté son soutien envers des formations politiques indépendantes et progressistes comme Libaladi ou YouStink.

De plus on observe un investissement marqué dans le pays du Natural Resource Governance Institute (NRGI), dont l’un des directeurs, Sean Hinton, est co-director de l’Economic Justice Program de l’Open Society et PDG du Soros Economic Developement. Le NRGI s’est récemment prononcé dans le pays avec la publication, en mars 2021, d’un étude sur la gestion du secteur électrique libanais comprenant notamment des prescriptions concernant les ressources gazières présumées du pays (en partenariat avec le Konrad Adenauer Stiftung et l’Université Américaine de Beyrouth). Parmi les intervenants, on trouve Laury Haytayan, experte en géopolitique des hydrocarbures, passée par l’université américaine du Liban (LAU), mais aussi directrice du NRGI pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. En outre Laury Haytayan est aussi une ancienne candidate sur la liste Libaladi (pour les sièges de la minorité Arménienne-Orthodoxe). Cette dernière a récemment déclenché une polémique via Twitter, en dénonçant un contrat d’exploration et d’exploitation offshore syro-russe débordant sur la ZEE libanaise. Il est peut-être utile de rappeler ici les liens tendus qu’entretient George Soros avec la Russie et la Syrie, indépendamment de la justesse de la révélation.

Si on compare cette donne, toute proportion gardée, avec la situation de pays comme le Burkina Faso (avant la chute de Blaise Compaoré) ou actuellement la RDC, le jeu de l’Open Society semble plus clair : à savoir surfer sur la vague contestataire et la crise des élites libanaise, en y insufflant un caractère progressiste conforme à l’idéologie Sorosienne. Un objectif qui permettrait, à l’issue, d’imposer au Liban les institutions clientes de l’Open Society (dont le NRGI), et in fine de favoriser les compagnies portant les intérêts économiques de George Soros. L’attaque de la Banque du Liban, objectivement la dernière institution tenant encore debout dans le pays, prend donc plus de sens. Mais se pose alors la question des réseaux employés à cet effet. Car les cercles d’Elias Murr, d’Alain Bifani et de Gebran Bassil, membres de l’élite traditionnelle, voire proche du Hezbollah pour certains, semblent idéologiquement en porte-à-faux avec les mouvements progressistes portés par l’Open Society. Sans compter qu’on imagine mal le département d’État américain laisser le Hezbollah accroître son influence dans le pays. Il est difficile de décrypter les équilibres politiques libanais, à la confluence de rivalités confessionnelles, claniques et factieuses aboutissant à des alliances souvent contre-intuitives. Cependant, on pourrait faire l’hypothèse que l’Open Society ait choisi de jouer des rivalités politiques aux sommets de l’État libanais afin de faire tomber la dernière digue de stabilité du pays. Pour ensuite favoriser l’émergence de mouvements progressistes, aujourd’hui encore politiquement trop faibles, perméables au programme et aux intérêts de Georges Soros et, par voie de conséquence, à l’influence américaine. Même si on mesure dans le même temps le numéro d’équilibriste très risqué que pourrait impliquer cette stratégie.

Tous ces éléments indiquent donc que la polémique actuelle, en Europe et plus particulièrement en France, n’a rien de fortuit ni de spontané. L’affaire Riad Salamé, indépendamment de savoir si les accusations qui le touchent sont fondées, n’ont rien d’une opération humanitaire destinée à sauver le Liban, mais bien une affaire de nature politique voire géopolitique. Le risque d’instrumentalisation d’instances judiciaires nationales (PNF) semble donc élevé et d’autant plus qu’il provient d’un écosystème d’ONG qui se montre régulièrement hostile aux intérêts et à la réputation de la France, quand il ne favorise pas simplement l’influence américaine à son détriment, en Afrique comme aujourd’hui au Liban. Il apparaît donc nécessaire que la France agisse avec plus de fermeté afin d’éviter de voir tomber progressivement le pays sous la coupe d’acteurs comme George Soros, qui n’a jamais caché qu’il se voyait comme un chef d’État, ou bien du Hezbollah ; des acteurs qui ont en commun leur volonté de voir la France définitivement hors-jeu au Levant.

 

Pierre d’Herbès

 

Lien vers la première partie :

 

 

1 L’association avait vu retirer en mars 2019 , par le ministère de la Justice, son agrément lui permettant de se constituer partie civile dans des affaires de corruption, avant de le récupérer quelques mois plus tard

3 ERBS Stéphanie, BARBE Vincent, LAURENT Olivier, « Les réseaux Soros à la conquête de l’Afrique », VA Edition

4 FERGUSON Niall, La place et la tour : « Réseaux, hiérarchies et lutte pour le pouvoir », Odile Jacob, 2019