Vers un pétrole français pour nos armées ?

Il y a bientôt 70 ans, le premier gisement pétrolier du lac de Biscarrosse était découvert dans le département des Landes. Alors exploité depuis, il pourrait permettre aujourd’hui de subvenir aux besoins des Forces armées françaises et leur garantir une autonomie stratégique considérable.

En 1954, à Parentis-en-Born, des puits de pétrole sont mis au jour dans le sous-lac de Biscarrosse. Celui qui est rapidement surnommé « le Texas français » par la presse et l’opinion publique, se présente comme l’un des gisements les plus importants d’Europe. Atteignant rapidement jusqu’à 15 % de la production nationale en hydrocarbures, il était exploité par la société Esso Rep jusqu’en 1997, date à laquelle le canadien Vermilion rachète le site d’exploitation. Aujourd’hui, la société centralise les trois quarts de la production nationale et 1 % de la consommation nationale. Elle se positionne comme « le premier producteur de pétrole en France métropolitaine », avec 12 600 barils par jour quand la production nationale journalière est de 20 000 barils. Une conjoncture particulièrement profitable à la commune landaise qui a vu une nouvelle dynamique économique émerger par la création d’un nombre élevé d’emplois, l’utilisation de l’énergie produite pour les cultures ainsi que la perception d’une redevance des mines conséquente.

Cependant, depuis quelques années, cette situation tend à connaître de profonds bouleversements. De fait, la promulgation de la loi Hulot en 2017 vient mettre fin « à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures » par l’interdiction de la délivrance de permis et la limitation du renouvellement des concessions au-delà de 2040. Si la concession de Vermilion – renouvelée en 2006 pour 25 ans – devrait être étendue jusqu’à l’échéance fixée par l’exécutif, le gisement parentissois serait toutefois en capacité de produire « jusqu’en 2055 voire 2060 », selon le PDG de sa branche France, Darcy Kerwin. 

 

« C’est ici qu’il convient de parler de pétrole stratégique et responsable » (Fabien Lainé, commission de Défense – 24 janvier 2023)

 

Une réserve stratégique qui serait donc vouée à rester inexploitée alors même qu’elle pourrait satisfaire de nombreux besoins énergétiques, notamment ceux de l’Armée française. En effet, si 1 % de notre consommation pétrolière est directement produit sur le territoire national, il s’avère que ce même chiffre couvre également le besoin des Forces armées françaises en pétrole, suivant les dires du député Fabien Lainé (MoDem) lors de la commission de Défense du 24 janvier 2023. Ce dernier milite pour un assouplissement de la loi Hulot en vue d’affecter la production landaise au ministère des Armées, au nom des « enjeux d’autonomie stratégique des Forces armées françaises » grâce à un « pétrole stratégique et responsable, car il y a 3 fois moins d’émissions carbone sur le pétrole extrait dans le département par rapport à celui qui est importé »

En plus de gagner en autonomie stratégique sur le plan militaire, cette proposition s’inscrit dans les objectifs énergétiques de la France et ceux de la nouvelle Stratégie énergétique de défense. Adoptée en septembre 2020, son objectif est de sortir de la dépendance pétrolière en matière de mobilité, tant au niveau tactique que stratégique, alors que les trois quarts de la consommation énergétique des armées reposent sur du carburant fossile.

Figure 1 – Répartition des besoins énergétiques des Forces armées françaises

https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/tronc_commun/27.10.2020 Stratégie énergétique de défense.pdf

Bien que les armées françaises tendent – malgré tout – à diminuer leur consommation en énergie fossile pour 2040, il semblerait que la voix de Fabien Lainé ait été entendue : à l’issue de son audition, le SGDSN se serait saisi du dossier. Reste à voir quelle suite sera donnée à cette proposition ambitieuse, qui vise à redonner un minimum d’autonomie stratégique à la France sur le plan militaire.

 

Sixtine de Faletans

 

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