Les ouvrages sur la guerre économique sont rares. En vingt ans, on en dénombre moins d’une dizaine rédigée par des auteurs français. Il manquait un ouvrage fouillé et récapitulatif sur la notion de guerre économique. C’est chose faîte.
Ali Laïdi vient de publier chez Perrin une histoire mondiale de la guerre économique, soit le premier ouvrage à explorer de manière aussi approfondie la problématique de la guerre économique depuis le début de l’organisation des sociétés humaines. C’est un travail de plusieurs années de recherche qui retrace dès le premier chapitre les débats d’idées sur la genèse des rivalités de nature économique. Les communautés primitives sont confrontées à la problématique de l’échange. Ali Laïdi rappelle en revenant sur les analyses de Pierre Clastres et Claude Lévi-Strauss que l’échange est, à l’origine, un mal nécessaire qui peut déstabiliser l’équilibre d’une communauté. Cette interrogation n’a rien perdu de son actualité dans les débats qui entourent la finalité de la mondialisation des échanges. Le village planétaire n’a pas mis fin à la problématique des rivalités économiques.
Ali Laïdi relate comment l’invention des techniques crée de facto une nouvelle dimension dans les rapports de force entre les peuples qui se disputent les secrets de fabrication des produits qui prennent de la valeur dans l’échange. Le commerce de la soie fut une des premières illustrations de cet enjeu récurrent sur les secrets de fabrication. L’auteur souligne ensuite dans sa démonstration les grandes étapes de l’évolution de cette guerre économique marquée par l’émergence des dynamiques impériales, la recherche de la suprématie dans les premiers d’échange, le contrôle des voies de circulation, l’importance de la dynamique coloniale dans la structuration du commerce marchand.
Sur plus de 500 pages, Ali Laïdi démontre avec rigueur et par une accumulation d’éléments historiques très didactiques, que la notion de guerre économique n’est pas l’exception qui confirme la règle. Contrairement aux prédictions des économistes, il est permis d’émettre de nombreuses réserves sur le processus de pacification de l’économie de marché qui serait soutenu par la mondialisation des échanges, le discours sur le progrès et l’innovation technologique. Notons enfin que la démarche d’Ali Laïdi n’est pas isolée. Ce dernier a constaté que des doctorants n’hésitent plus aujourd’hui à faire référence à la guerre économique dans des travaux académiques. A ce titre, l’ouvrage d’Ali Laïdi est une étape importante dans l’émergence d’une culture écrite sur la guerre économique.
Christian Harbulot