A l’heure où les questions d’indépendance et de transition énergétique sont au cœur des discussions, celle de l’exploitation du gaz de schiste en France pose de nombreux défis. Son exploitation engage un grand nombre d’acteurs, aux intérêts économiques et écologiques divergents, mais pour qui la conquête du grand public est capitale. Il est donc important de comprendre ce qu’est le gaz de schiste, comment est-il défendu ou combattu par les belligérants.
Les enjeux environnementaux face aux enjeux économiques
La problématique du gaz de Schiste est récente en France. Classé parmi les hydrocarbures non conventionnels, c’est un gaz naturel contenu dans des roches marneuses ou argileuses riches en matières organiques, il s’agit de roches non perméables qui sont situées dans les couches profondes du sol. L’exploitation du gaz de schiste à grande échelle a démarré dans les années 2000. Cette dernière est plus complexe puisqu’elle est due à la nature des sols dans lesquels le gaz de schiste se trouve.
Le point clef qui cristallise la controverse est la fracturation hydraulique (ou fracking). Surtout utilisé aux Etats-Unis et mis place de manière opérationnelle depuis 1949, le fracking permet d’optimiser les rendements des puits de pétrole et de gaz naturel. Le principe est de fissurer une roche compacte non perméable en injectant de l’eau dans les couches profondes. L’eau représente 90% des matières injectées, le reste étant constitué de sable et d’additifs. La roche fissurée redevenant perméable laisse passer les gaz, huiles et hydrocarbures qui sont recueillis et dirigés vers la station de collecte.
Le fracking pose des problèmes environnementaux, notamment en raison des questions d’infiltration dans les sols d’une eau polluée avec un risque de contamination des nappes phréatiques, celle d’une utilisation massive et la question de retraitement des eaux. Le risque environnemental est le cheval de bataille des organisations écologiques, des associations et des collectifs anti-gaz de schiste. Ces risques ont été mis en évidence dans le reportage « Gasland », sorti en 2010, qui a été l’un des éléments déclencheur du mouvement.
L’exploitation du gaz de schiste présente des enjeux autant géopolitiques que géoéconomiques. En effet, son exploitation aux Etats-Unis et au Canada a permis à ces deux pays de réduire la capacité de la Russie à peser à la hausse sur les prix. Les Etats-Unis ont aussi réduits leurs importations de gaz et sont désormais exportateurs. En Europe, la France et la Pologne sont considérés comme les pays ou les sols présentent le plus de potentiel en réserve de gaz de schiste (3900 milliards de m3 pour la France et 5300 milliards de m3 pour la Pologne estimations de l’Agence Internationale de l’Energie).
L’intérêt pour l’hexagone de disposer de telles ressources dans son sous-sol est évident, en particulier à l’heure où le nucléaire est remis en question et où l’indépendance énergétique devient un important facteur de puissance. Cependant, si l’exploitation du gaz de schiste représenterait une manne économique considérable pour certains pays, elle va à l’encontre de la transition énergétique. Quant au fracking, il pose de réels enjeux environnementaux qui sont à l’origine de la polémique. Enfin l’exploitation ou non du gaz de schiste pourrait modifier de manière significative les rapports de force que la France entretient avec les autres puissance (Russie en tête). L’économie du pays s’en retrouverait inéluctablement impactée, tant au niveau national que régional. Face à ces enjeux, de nombreux acteurs se sont mobilisés en faveur et contre l’exploitation du gaz de schiste.
La mise en place de l’opposition : Blitzkrieg écologique
La médiatisation des incidents écologiques liés à l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis a été à l’origine du mouvement d’opposition. Notamment grâce au reportage Gasland (lien disponible plus haut). Les opposants se sont rapidement organisés à tous les échelons du territoire, portés par les ONG, les collectifs locaux, les associations et certaines personnalités politiques de premier plan. Ce blitzkrieg écologique a permis de rapidement bloquer la situation pour les partisans et les industriels.
Au premier échelon les collectifs ont eu pour objectif d’informer la population sur le terrain, étant donné leur rôle de proximité qui s’avère déterminant pour la cohésion du mouvement d’opposition. Les collectifs font aussi pression sur les représentants de l’Etat, comme les maires ou les préfets. Enfin leurs actions se dirigent aussi contre les entreprises et leurs installations, avec l’organisation de manifestations et de blocages.
Concernant le second échelon des partisans, les ONG et les associations diffusent du contenu sur internet, notamment des reportages, des communiqués à destination du grand public. Ils jouent le rôle de coordinateurs et amplifient au niveau national le message des collectifs. Le second échelon opposant fait pression directement sur le premier et second échelon des partisans. Soit sur les instances et personnalités politiques mais aussi sur les industriels contre lesquels il est mené une guerre de l’information.
Enfin le premier échelon représenté par les instances et hommes politiques se charge de légiférer sur la question et provoquent le débat. Ils suivent la tendance marquée par les deux échelons partisans inférieurs et influencent à leur niveau pour stopper les demandes d’exploitation. Les opposants politiques sous sont le coup d’une intense campagne de lobbying provenant du camp des partisans.
Les actions des partisans : informer et convaincre
Directement concernés par l’exploitation du gaz de schiste, les industriels, qu’ils soient français, européens ou américains ont commencés par déposer des permis d’exploration, souvent sans en informer les locaux. Cette approche a été très mal perçue par ces derniers. Face à la levée de boucliers contre le gaz de schiste ils ont dû changer leur stratégie au cours de la polémique.
Dans un premier temps les industriels (échelon 2) ont donc axé leurs actions d’influence et de lobbying sur les acteurs politiques. Avant de se rendre compte que l’acquisition des locaux était vitale. Leur objectif était de limiter l’impact de l’exemple Américain. Pour contrer cela ils communiquent sur leur responsabilité écologique et plaident pour une exploitation propre du gaz de schiste. L’aspect économique est aussi mis en avant par ces derniers. Les industriels sont appuyés par divers syndicats et fédérations (comme le MEDEF) qui usent de leur influence auprès des acteurs politiques.
Le premier échelon, politique donc, tente d’influencer le premier et troisième échelon opposant. Soit en participant au débat, en diffusant de l’information ou en tentant des actions d’influence au niveau national et local. Les besoins en énergie, les revenus et les créations d’emplois liés à ces activités sont systématiquement mis en avant.
La polémique s’est déroulée sur une période relativement courte. Cela a été en partie dû à la rapide mobilisation des opposants et de l’alignement idéologique des politiques (même si ces derniers étaient parfois mitigés quant à la décision à prendre). La polémique s’est déroulée en 4 phases clefs :
- Phase 1 : Neutre, avec la mise en place des permis d’exploration
- Phase 2 : Offensive, avec la réaction immédiate et massive des opposants
- Phase 3 : Bras de fer, avec les débats entre Pro et Anti, les manifestations et affrontements divers influençant le débat politique
- Phase 4 : Arbitrage, l’état promulgue la loi Anti-fracturation Hydraulique.
Il serait possible d’y inclure une 5éme phase, qui correspondrait à la poursuite de l’affrontement entre les deux camps sur le terrain informationnel. Cet affrontement est toujours en cours et des débats sont fréquemment provoqués pour faire évoluer dans un sens ou dans l’autre la situation.
Le résultat final : Une interdiction mais…
Face à une forte mobilisation nationale et à la présence d’acteurs clefs au sein du gouvernement, l’Assemblée Nationale vote la loi du 14 juillet 2011. Elle ordonne l’interdiction d’exploitation des mines d’hydrocarbure par fracturation hydraulique et abroge dans le même temps tous les permis liés à cette activité. Il s’agit donc d’un succès pour les opposants qui poursuivent leur stratégie d’information et de sensibilisation, avec un réseau de collectifs concentrés dans les zones d’exploitations et de décisions.
Les partisans continuent les opérations de séduction en créant des sites d’information destinés au grand public. En particulier sur la fracturation hydraulique, le gaz de schiste, ses tenants, ses aboutissants. D’autres sites informent plus directement sur les avancées législatives dans le monde et se veulent optimistes pour la France. Ils publient par ailleurs les résultats avancés comme positifs des pays producteurs et exportateurs comme les Etats-Unis ou le Canada.
Ainsi, même si la polémique n’est plus sur le devant de la scène médiatique des jeux internes continuent d’être menés par les deux camps ; les uns pour maintenir les interdictions et la pression sur les industriels, les autres pour convaincre et faire lever les interdictions. Comme il a été démontré, Internet et les réseaux sociaux sont des relais essentiels dans la mise en œuvre de ces stratégies d’information et de sensibilisation à un problème de société.
http://www.connaissancedesenergies.org/comment-est-calculee-l-independance-energetique-de-la-france-120604
http://www.chnc.fr/
https://stopgazdeschiste.org/page/2/
http://future.arte.tv/fr/fracturation-hydraulique?language=de
http://www.nongazdeschiste.fr/
https://stopgazdeschiste.org/
http://www.scoop.it/t/petrole-et-gaz-de-schiste
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_de_schiste
https://fr.wikipedia.org/wiki/Controverses_sur_le_gaz_de_schiste
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Qu-est-ce-que-le-gaz-et-l-huile-de.html
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-510.html
ttps://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000024361355&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id