Vivement critiqué depuis l’annonce de son projet de scission du groupe Atos en juin 2022, Bertrand Meunier cède sa place ce lundi 16 octobre à l’ancien directeur d’UniCredit, le banquier de crises Jean Pierre Mustier. Une annonce attendue au sein du groupe en profonde crise de gouvernance depuis l’année dernière.
Les actionnaires mécontents d’Atos auront finalement réussi l’éviction de leur président Bernard Meunier, à la tête de l’entreprise de services numériques depuis novembre 2019. Atos explique dans un premier communiqué de presse l’évolution du CA, initiée par le “souhait de se retirer” de son président largement controversé, avant de préciser reporter la cession envisagée de Tech Foundations au groupe EPEI de Daniel Kretinsky au deuxième semestre de 2024.
Annoncé lors du Capital Markets day en juin 2022, le projet initial de scission d’Atos en deux entités Tech Foundations et Eviden avait largement fait polémique au sein du groupe, alors en grande difficulté financière. Les offres d’achat se sont dès lors multipliées pour acquérir le groupe ayant perdu plus de 90% de sa valeur en Bourse depuis janvier 2021, malgré une légère amélioration à la suite de la proposition de rachat de 29,9% d’Eviden par Airbus. Cette branche, qui regroupe les activités stratégiques BDS d’Atos, a notamment été choisie le 4 octobre dernier pour développer le premier supercalculateur exaflopique européen : JUPITER.
Tout s’est accéléré le 1er août lors de l’AG d’Atos présidée par Bernard Meunier, durant laquelle il a annoncé la vente de la partie infogérance et cloud hybride Tech Foundations, au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. L’opération discutée depuis plusieurs mois n’avait pas été évoquée lors de l’AG du 28 juin, où Bernard Meunier fraîchement réélu à la présidence avait présenté un bilan très optimisé. Le lendemain, 82 parlementaires du parti Les Républicains, relayant l’opposition des milieux militaires et du CEA signent une tribune dénonçant la cession à bas prix du fleuron stratégique Atos, maillon essentiel à la dissuasion nucléaire. S’ensuivent deux plaintes déposées auprès du PNF par les fonds Alix AM et CIAM pour “corruption et diffusion d’informations fausses ou trompeuses” sur la vente jugée opaque, comme le décrient les actionnaires d’Atos rassemblés dans l’UDAAC nouvellement créée.
La gouvernance du groupe ne cesse d’être chamboulée depuis, avec l’éviction du board de Vivek Badrinath s’étant opposé à la vente, ou celle de Jean Philippe Poirault à la tête de la branche Atos BDS pour « mauvais résultats ». Tandis qu’Yves Bernaert remplace Nourdine Bihame le 4 octobre en tant que PDG du groupe, Caroline Rouellan démissionne du CA. L’Elysée, alerté par ces chaises musicales à forte couverture médiatique, place alors le président du CA Bernard Meunier sous tutelle de Thomas Courbe directeur de la DGE, et d’Alexandre Lahousse de la DGA. Dépassé, celui-ci démissionne ce lundi 16 octobre, marquant une tournant dans l’affaire Atos récemment exposée par Mediapart.
Jean Pierre Mustier reprend donc la présidence dans un contexte délicat, alors que le centre d’opérations techniques d’Atos, responsable de la gestion de données sensibles et des systèmes d’informations essentiels pour Paris 2024 vient d’être inauguré.
Agathe Bodelot
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