La veille stratégique, comprendre et penser les nouveaux marchés

Aymar de la Mettrie, directeur innovation chez NewWind, start-up spécialisée dans la récupération des énergies en vue de les transformer en électricité propre et durable, expert associé à l’IRENCO et chargé d’enseignement à l’ESG et l’IAE de Paris, nous explique comment aller au-devant de l’évolution des marchés grâce à la veille stratégique.

En 2005, François Jakobiak écrivait dans son ouvrage « De l’idée au produit : Veille, R&D, Marché » qu’il faut, pour innover, « savoir ce que font les autres ». Selon vous, quelle est l’utilité d’une veille stratégique et/ou prospective dans un processus de stratégie d’innovation ?

La veille stratégique, autant que les exercices de prospective qui s’en nourrissent, prennent en compte les valeurs en émergence et leurs points d’inflexion afin d’identifier la dialectique qui existe entre l’évolution du marché et celle des offres. Si, à une certaine époque, savoir ce que faisaient les autres était suffisant, il faut aujourd’hui dépasser cette dimension et aller au-devant de l’évolution des marchés.

Comment l'entreprise s’adapte-t-elle à un marché et à des consommateurs dont les usages et les technologies sont sans cesse renouvelés ?

L’enjeu du changement des entreprises est triple :

  • D’abord l’évolution du management a créé des entreprises efficientes sur des processus connus, à tel point que l’efficacité du management des hommes repose sur le passé et la rigidité alors que les stratégies se portent vers l’avenir.

 

  • De plus, deux modes de fonctionnement coexistent au sein d’une même entreprise : un mode efficient d’optimisation de la valeur déjà créée, connue et pilotable; et un mode itératif de détection de valeur encore inconnue.

 

  • Enfin, le troisième enjeu est humain. Dansun monde de réseau évoluant sans cesse,la vision des organisations, des ressources, des compétences, des savoir-être et des savoir-faire doit se renouveler. Les dynamiques d’open innovation, quand elles sont réelles et bien menées, mettent en lumière ce hiatus trop souvent mis sur le dos d’une génération Y ou Z.

L’entreprise doit outrepasser les trois freins décrits pour construire sa capacité à évoluer et doit développer sa connaissance technologique et celle des nouveaux marchés; et ainsi se fonder une conviction de la bonne adéquation entre offre et aspiration marché. Cette dynamique diachronique se bâtit avec des scenarii prospectifs.

Comment la R&D d'une entreprise peut- elle se nourrir d'une veille stratégique ?

Une veille stratégique est un processus d’information. La R&D d’une entreprise s’appuie sur ces informations portant sur les acteurs du marché, leurs fonctionnements en réseaux, leurs évolutions, etc. autant que sur le marché ou les technologies pour détecter les fenêtres où se coordonnent la bonne aspiration, et/ou maturité, avec la bonne offre.

Cette approche évolutionniste de la prospective permet alors de synchroniser des activités, de sélectionner les bonnes idées, de prendre des décisions sur des démarches itératives, etc. Si l’exercice de roadmapping est typique d’une approche intellectuelle et causale, son application reste très pragmatique et « effectuale ».

Une Market Intelligence qui analyse les influences, les relations, les évolutions, les tendances dans une perspective future apporte les moyens de gérer une bonne stratégie. Aujourd’hui une bonne stratégie n’est pas forcément la maximisation d’un avantage. Mais dans un monde « neuronal » et cybernétique, un marché doit être compris comme un vol d’étourneau où tout se fait en relation intersubjective avec les autres. La maximisation de son avantage tout en cherchant des « océans bleus » ne signifie pas forcément une dialectique concurrentielle.

En guise de conclusion, comment, selon vous, et d’un point de vue général, retrouver le goût d’innover ?

Aujourd’hui la question n’est pas de trouver le goût d’innover, mais de répondre à l’urgence de se renouveler pour rester compétitif. Et cette urgence ne concerne pas forcément la recherche scientifique ou la performance d’un produit; en effet, innover c’est aussi sortir du tropisme « succès technologique / échec commercial » typique de nos entreprises.

Cette urgence appelle un regard pragmatique sur les marchés d’avenir, éclairé par une Market Intelligence, et un pragmatisme humble sur les trois points évoqués précédemment :

  • Vision d’avenir
  • Concomitance d’efficience et d’agilité
  • Passage de la hiérarchie au réseau

Propos rapportés par Jean Sebastien Guillaume – Key Account Manager Market intelligence / Argus de la Presse