Retour sur l’évènement « Blockchain Agora », organisé par Eric Seulliet (président de la Fabrique du futur), en partenariat avec ChainTech, Veille Mag ; et sponsorisé par Sindup. Près de 150 professionnels de la blockchain étaient ainsi réunis au Pôle Léonard de Vinci ce 7 décembre. Cette édition fait suite au « Blockchain Forum », qui s’était tenu l’année dernière.
La blockchain est une technologie jeune, en plein développement ; à tel point que l’étendue de ses applications reste encore à explorer et à inventer. Ainsi, la journée Blockchain Agora n’avait non pas pour objectif de traiter des aspects techniques, mais plutôt de réfléchir aux possibilités des usages futures.
L’engouement autour de la blockchain – et du Bitcoin – est relativement récent. Le concept est aujourd’hui de plus en plus expérimenté, aussi bien par des start-ups désireuses de lancer un nouveau projet, que par des entreprises du CAC 40 (Fizzy d’Axa par exemple).
Plusieurs points fondamentaux ont été dégagés durant l’événement. Un constat tout d’abord : l’internet 2.0 a détruit la confiance des utilisateurs. En introduisant un paradigme asymétrique, les GAFA se servent de l’individu comme d’une ressource qu’ils exploitent ; les informations/données sont non seulement récupérées, mais également monétisées au seul bénéfice de ces grands groupes, ce qui pose un problème de fond. Les experts anticipent néanmoins un changement des pratiques avec l’arrivée du GDPR (General Data Protection Regulation) en 2018.
La blockchain, de son côté, est par nature sécurisée et traçable. Elle permettrait à chacun de se rendre maître de son capital numérique, et donc d’obtenir une rétribution en échange de celui-ci.
La blockchain rebat ainsi les cartes sur trois points principaux :
- Cheminement vers un système BtoC visant à donner plus de poids aux utilisateurs ;
- Volonté de rendre l’utilisateur maître de ses données et de la monétisation associée à celles-ci ;
- Meilleure traçabilité des chaînes de valeur.
Subséquemment, l’avenir de l’économie numérique passera par l’innovation collaborative, phénomène qui s’articulera en toute cohérence grâce à l’outil blockchain : de façon inédite, la technologie permettra à chaque individu de participer à un projet tout en restant maître de la propriété intellectuelle des idées et connaissances apportées. On parle alors de système DAO (Decentralized Autonomous Organization), qui fonctionne en open source.
Ce nouvel environnement pousse à une réinvention de l’entreprise, les organisations tendant à devenir plus ouvertes et décentralisées, tout en s’épanouissant au digital.
Pour Bror Salmelin (Adviser for Innovation Systems chez DG CONNECT – Commission européenne), si l’innovation collaborative et l’open source sont l’avenir du développement des entreprises, une des clefs de réussite de cette méthode passera par la création de plateformes numériques. Celles-ci serviront de véritables points de rencontre entre les personnes physiques et morales : des « lieux » numériques ou les entités pourront travailler sur des projets, chacune apportant ses connaissance/savoir-faire en étant rémunérée à la hauteur de son apport.
Sur un autre registre, Philippe Rodriguez, auteur du livre « La Révolution Blockchain – Algorithmes ou institutions, à qui donnerez-vous votre confiance ? » rapporte que d’après la théorie de Dunbar, l’humain n’est pas capable de faire confiance à plus de 150 individus. À l’heure de la mondialisation et à l’aube de l’innovation collaborative, la blockchain permet d’établir un lien de confiance entre des individus pour un échange ; elle offre en effet la possibilité de supprimer le facteur humain, source d’incertitude. Il y a remplacement de l’homme – et donc des institutions qui dépendent de lui – par les mathématiques et les algorithmes.
La blockchain entraîne non seulement un changement de business model, mais également un changement de paradigme où un autre système de levée de fond est possible avec l’ICO (Initial Coin Offering). Ce marché est encore peu connu mais en plein essor (potentiellement 10 milliards de dollars investis). L’ICO permet une alternative à la pratique des Venture Capital classiques, en offrant l’opportunité de lever des sommes considérables en un temps record. Les start-ups peuvent ainsi atteindre une certaine assise financière, indispensable pour rapidement développer leur infrastructure et atteindre une masse critique.
L’avènement de la blockchain peut également être vu comme une « ubérisation de l’ubérisation » (formule tirée de l’atelier « Blockchain & Uberisation », tenu lors de l’évènement). Alors que l’économie de plateforme était déjà une innovation importante, la blockchain permet désormais de se passer d’intermédiaires. Pour prendre l’exemple du marché d’Uber précisément, deux entreprises évoquées lors de l’évènement pourraient potentiellement révolutionner le covoiturage de demain : La’zooz et Arcade city.
Au-delà du secteur privé, la blockchain permettrait également de résoudre des enjeux publics, voire humanitaires. Quelques exemples ont été évoqués au cours de l’évènement :
- Des expérimentations sont en cours:
- sur les Cadastres Immobiliers, en Géorgie
- sur l’ E-citoyenneté en Estonie
- La Commission européenne lance un concours « blockchains for social good » avec un prix de 5 millions d’euros.
- Enfin, le bitcoin pourrait devenir une monnaie alternative pour les 1,5 milliard de personnes sans identité dans le monde.
Pour conclure et ouvrir sur des perspectives encourageantes, la blockchain apporte finalement :
- Un traitement instantané (liquidité),
- Une « compliance » élevée (transparence, sécurité),
- Mais aussi et surtout une source de créativité importante, offrant un nombre incalculable de nouvelles possibilités – et dont l’exemple des ICO est éloquent.
L’ère de la décentralisation a démarré. Peut-être pourrait-on se risquer à parler de retour aux sources (internet étant par essence décentralisé) ?
En supposant que l’engouement pour la blockchain se confirme et se prolonge ; le web 2.0 n’aura peut-être été qu’une brève parenthèse, bientôt éclipsée par l’avènement de la blockchain. Cette montée en puissance pourrait préparer l’arrivée du web 3.0, dont une des dimensions fondamentales serait le passage de « l’Internet de la valeur » au « Web de la transaction » (termes utilisés par Philippe Rodriguez).
Nota Bene : la lecture du Baromètre Blockchain (réalisé par TNP grâce au logiciel Sindup), ainsi que le support de présentation de l’intervenant Vidal Chriqui, vous permettront d’aller plus loin dans l’appréhension du phénomène blockchain.
Arthur Chardon et Yvan Failliot