L’IE au Portugal : “Une stratégie d’avenir”

André Magrinho, adjoint du président de l’Association Industrielle Portugaise et José Mateus, directeur du cabinet de conseil XMP ont livré le 29 Novembre dernier lors d’un colloque à l’Ecole de Guerre Economique leur vision du rôle de l’Intelligence Economique dans le maintien de la compétitivité de l’économie portugaise.

Etat enclavé, puissance nostalgique d’un passé radieux ou territoire stratégique, le Portugal est aujourd’hui prisonnier de ses propres contradictions et peine à s’affirmer sur la scène internationale. Pays se relevant péniblement de la crise, des interrogations existent aujourd’hui sur sa capacité à redevenir une puissance économique compétitive, dans un contexte d’endettement de l’Etat.

José Mateus a dévoilé pendant la première partie de la conférence les cartes d’ordre géoéconomique dont dispose le Portugal pour exister sur la scène internationale. Le pays peut tout d’abord s’appuyer sur le Brésil pour étendre l’influence de l’espace lusophone. Il peut également compter sur un allié de taille, les Etats-Unis, en tant que membre fondateur de l’OTAN et en tant que relais historique de Washington pour l’Afrique et le Brésil.Le Portugal est une réalité construite entre la « dispute du territoire » (contrôler la Péninsule Ibérique face à l’Espagne) et la « maîtrise des mers » (en référence à l’Océan Atlantique). Cependant, le Portugal du XXIème siècle paraît bien pâle par rapport à celui qui dominait les mers au XVIème siècle. Aujourd’hui, le pays présente des failles profondes : un Etat faible, peu de ressources disponibles et peu de grandes entreprises. La maîtrise des mers est toujours d’actualité avec le positionnement stratégique des îles des Açores, situées dans « l’espace offensif avancé des américains ». Pour continuer à s’imposer sur le territoire, le Portugal doit avoir une meilleure lecture des enjeux économiques et s’appuyer sur les ressorts du développement technologique pour créer des avantages compétitifs face à l’Espagne. La consolidation d’une stratégie d’Intelligence Economique propre au Portugal apparaît alors comme un élément de réponse permettant de mettre fin à ces contradictions géoéconomiques.

André Magrinho a pris la parole pendant la deuxième moitié de la présentation afin de dresser un état des lieux de l’Intelligence Economique au Portugal. Il s’est tout d’abord arrêté sur les défaillances structurelles de l’économie nationale et a ensuite proposé d’investir dans l’Intelligence Economique considérée comme une « stratégie d’avenir ». L’économie portugaise serait aujourd’hui bouleversée par la disparition d’un marché interne portugais qui ne parvient pas à concurrencer les nouveaux acteurs émergents du Sud. Face à une situation d’hyper-compétitivité, le Portugal doit s’appuyer sur de nouvelles armes. Dans un tel contexte, l’ « intelligence compétitive » et la « diplomatie économique » doivent jouer un rôle central. Des nombreux travaux de recherche liés à l’IE et des regroupements d’entreprises par secteurs stratégiques constituent des premiers signes encourageants. L’économie portugaise dépend principalement des services étatiques, du marché interne et du secteur de l’exportation. Si les premiers sont limés au maximum par les politiques européennes de rigueur et le marché interne est en perte de vitesse, l’espoir repose alors sur le marché de l’exportation, aujourd’hui peu développé. Pourtant, dans une petite économie ouverte, il est indispensable de pouvoir compter sur des exportations puissantes. Le Portugal doit faire en sorte que ses entreprises puissent s’imposer à l’étranger. Afin d’y parvenir, elles devront bénéficier d’une information complète et à haute valeur ajoutée en provenance des marchés extérieurs. Le bien être économique du Portugal restera une chimère à moins de diversifier les marchés de l’exportation, d’internationaliser les PME, de valoriser la langue portugaise, de bâtir une véritable Intelligence territoriale et de développer une diplomatie économique efficace. Ces vecteurs de la « stratégie d’avenir » du Portugal nécessitent la mise en place de cellules compétentes et adaptées d’intelligence économique dans les entreprises.

La conférence s’est conclue sur une séance de questions de l’auditoire. On s’est alors interrogé sur la possibilité de créer certaines synergies entre les stratégies d’intelligence économique de différents pays membres de l’Union Européenne. Face à un « ennemi commun » à l’image des attaques spéculatives sur l’euro, la question est en effet d’actualité. L’idée a été bien acceptée par José Mateus et André Magrinho. Mais faut-il encore avoir les armes en main pour être en mesure de la concrétiser.

Eloi Pomé