ETF Bitcoin : BlackRock se positionne sur l’écosystème des crypto-monnaies

BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, vient de recevoir ce 10 janvier l’accord de la SEC afin de commercialiser un ETF Bitcoin au comptant. Si l’entrée d’un tel acteur institutionnel sur le marché des cryptomonnaies est perçue comme le Graal par certains, l’arrivée de ce géant américain du monde de la finance soulève plusieurs interrogations majeures. 

La SEC finit par céder et approuve les ETF au comptant Bitcoin

Un ETF, ou Exchange-Traded Fund, fonds indiciel, en français, est un produit financier conçu pour répliquer la performance d’un actif ou d’un groupe d’actifs financiers, tels que des actions, des matières premières ou des indices boursiers. Un ETF Bitcoin est donc spécifiquement conçu pour suivre la performance du Bitcoin, la reine des cryptomonnaies, offrant aux investisseurs un moyen simple et liquide de s’exposer à ce marché. Cet ETF au comptant est le premier du genre à être approuvé par la Securities and Exchange Commission (SEC), l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers.

Déposée le 15 juin 2023, la requête de BlackRock pour un ETF Bitcoin au comptant constitue un jalon significatif dans la résurgence de l’intérêt des acteurs institutionnels pour les crypto-monnaies, Bitcoin en tête. En réaction à cette annonce, les fonds d’investissement concurrents n’ont pas tardé à déposer leurs propres demandes d’ETF Bitcoin. En effet, en parallèle de BlackRock, 10 autres sociétés de gestion d’actifs américaines ont également vu leurs ETF Bitcoin validés par la SEC ce 10 janvier.

Alors que les demandes pour des ETF Bitcoin au comptant étaient constamment refusées par la SEC lors de la dernière décennie, le dépôt d’une de ces dernières par BlackRock est venu rabattre les cartes. Le géant américain possédait alors 575 demandes d’ETF approuvées contre une seule rejetée. La SEC a ainsi fini par céder, alors que les pressions des différents acteurs étaient de plus en plus fortes. En parallèle, le lobbying porté par Larry Fink, PDG de BlackRock, a occupé la sphère médiatique tout au long de la procédure menée par la SEC. Interrogé sur CNBC quant aux raisons du lancement de l’ETF Bitcoin, ce dernier a déclaré avoir la responsabilité de démocratiser l’investissement sur cet actif. Plus tard, sur Fox Business, il placera le bitcoin sur le même pied d’égalité que l’or ou les bons du Trésor américain, en tant que valeur refuge. 

 

« Nous pensons que nous avons la responsabilité de démocratiser l’investissement.»

 Larry Fink, CEO de BlackRock, à propos de l’ETF Bitcoin

Le discours de Larry Fink sur le sujet a donc considérablement évolué depuis 2017, puisqu’il décrivait le bitcoin comme « l’indice du blanchiment d’argent ». Cette campagne marketing médiatique menée par le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, couplée à la commercialisation de nouveaux produits dédiés à l’adoption de masse, de la part de BlackRock et d’autres fonds d’investissements, confère ainsi une nouvelle dimension à cette classe d’actifs.

Vers un monopole américain sur le marché de la cryptomonnaie ?

La question de la centralisation et de la dominance de BlackRock sur le Bitcoin est un point important à considérer. La notion de décentralisation est au cœur même de ce qu’est et représente Bitcoin : il n’est pas contrôlé par une entité unique, comme une banque centrale, et il fonctionne sur un réseau pair-à-pair. L’introduction d’un ETF Bitcoin par une grande institution, comme BlackRock pourrait porter atteinte à la décentralisation prônée par la reine des crypto-monnaies. Une grande partie des investissements en Bitcoin pourraient alors être gérés par une seule entité, allant à l’encontre du principe de décentralisation. Cela ferait porter des risques sur l’écosystème tels qu’une influence disproportionnée de BlackRock sur les décisions de développement du réseau Bitcoin, la manipulation du prix, ou encore une menace importante de cyberattaques provoquée par le pactole alléchant que représente une grande quantité de Bitcoin gérée par une seule entité.

Aussi, il est important de surveiller les mouvements à venir de BlackRock au sein de l’écosystème des crypto-monnaies. En effet, le géant américain est un adepte chevronné de la stratégie tentaculaire d’acquisition stratégique d’une chaîne de valeur. Ainsi, il est envisageable que BlackRock se positionne sur les infrastructures et entreprises de minage de crypto-monnaies, ainsi que sur leurs fournisseurs, aussi bien informatiques qu’énergétiques, afin de renforcer le potentiel monopole que le gestionnaire d’actifs pourrait mettre en place. 

La mainmise de BlackRock sur le Bitcoin serait de plus une aubaine pour le gouvernement américain. Cet acteur majeur de son économie, avec lequel les affinités ne sont plus à prouver, viendrait renforcer la place des États-Unis sur l’échiquier de la gouvernance des crypto-monnaies. L’avènement des ETF Bitcoin ne survient que quelques semaines après l’éviction de Binance de la scène américaine. La plateforme d’échange de crypto-monnaies d’origine chinoise, leader mondial sur ce marché, avait ainsi subi les foudres du DoJ, au bénéfice des champions nationaux, Coinbase et Crypto.com. Le contrôle de la majorité des transactions réalisées en Bitcoin semble ainsi être l’un des objectifs sous-jacents du gouvernement américain, afin de poursuivre l’hégémonie qu’est la sienne sur les marchés financiers et les transactions financières à travers le monde. 

Théo Noël

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