Dans un contexte de réindustrialisation de l’Hexagone, l’État se penche sur la question des exportations des PME et dévoile son guide utilisateur sur la part française, peu après la sortie du Plan Osez l’Export. Retour sur cette politique de soutien aux exportations portée par Business France, alors qu’un long combat reste à mener sur la sécurité économique pour préserver les entreprises françaises des prédations étrangères.
La DG Trésor a discrètement dévoilé son guide utilisateur sur la part française début 2024, permettant aux entreprises d’obtenir une garantie ou un prêt de l’État sur des projets à l’international. Le gouvernement confirme ainsi sa volonté de favoriser l’activité des sociétés exportatrices, peu après la sortie de Plan Osez l’Export.
Dévoilé fin août par Business France, le plan Osez l’Export prévoit 125 millions d’euros sur la période de 2023 à 2026 pour accompagner les entreprises dans l’export, et ainsi redresser ce déficit chronique qui dure depuis 20 ans. Le président Emmanuel Macron a présenté le programme de soutien aux exportations le 21 novembre dernier à l’Élysée. Cette politique, qui se concentre sur les PME, vise à augmenter cette balance commerciale qui n’a pas été positive depuis 2002. Bercy détaillera la politique de financement export 2024 en février prochain, lors du prochain salon annuel Bercy France Export.
Des exportations en baisse pour les entreprises françaises
Face à la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation, les entreprises françaises éprouvent de plus en plus de difficultés à s’imposer à l’export et perdent des parts de marché à l’étranger. Les PME peinent à peser sur les exportations françaises : elles ne représentent que 2% de la valeur des exportations, alors qu’elles représentent 9% en Allemagne ou 54% en Italie ! De fait, plus de 95 % de celles-ci proviennent des entreprises de taille moyenne (ETI) et des grandes entreprises.
L’industrie est un secteur prometteur pour la relance de la balance économique. Si elle représente environ deux tiers des exportations françaises, elle ne représente que 17% du PIB. Cela témoigne de la faiblesse de la part des exportations dans la création de richesse.
Un plan sur l’export ambitieux, s’inscrivant dans une stratégie de réindustrialisation du pays
Le Président de la République veut mettre en place un plan d’accompagnement pour ces entreprises, afin de faciliter leur commerce à l’international sur le modèle de la French Tech. Il prévoit de forts investissements industriels pour encourager la réindustrialisation.
Le 31 août 2023, Olivier Becht, délégué chargé du Commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, a dévoilé les objectifs et mesures du plan. Ce dernier vise à valoriser la réindustrialisation et à augmenter la part des PME dans les exportations pour augmenter de 33 % le nombre d’entreprises françaises exportatrices d’ici 2030. La finalité du plan Osez l’Export est d’accompagner un millier de PME/ETI pendant 30 mois, et de prendre en charge jusqu’à 50 % de leur budget de développement à l’export. Pour ce faire, le plan prévoit d’accompagner ces entreprises dans les salons internationaux et de renforcer l’image de marque de leur produit, d’augmenter l’émergence de start-up et de PME dans les secteurs stratégiques, de renforcer la numérisation et moderniser les entreprises. Le plan prévoit aussi d’aider les jeunes talents grâce à des aides à l’embauche ou des VIE (Volontariat International à l’Étranger), pour favoriser l’export et convaincre les entreprises de ses bénéfices.
Cette rencontre entre le Président et les chefs d’entreprises s’inscrit dans la démarche de relance nationale France 2030. Ce plan d’investissement prévoit un budget de 54 milliards d’euros entre autres pour les entreprises, les écoles, les universités et les organismes, pour relancer durablement l’économie française. La nouvelle loi industrie verte illustre, par ailleurs, la volonté de l’État de renforcer la réindustrialisation du territoire, tout en réduisant l’empreinte carbone nationale.
« La réindustrialisation de la France et de l’Europe, c’est un enjeu clé de souveraineté »
Discours du Président de la République à l’occasion de la réception Accélérer notre reconquête industrielle.
La réindustrialisation est un facteur clé pour sortir de la dépendance aux autres nations. Il s’agit d’une arme économique face à un monde multipolaire où le triptyque contestation, compétition et affrontement fait loi. Pour parvenir à une indépendance stratégique, Olivier de Maison Rouge, docteur en droit, insistait en 2020 sur la nécessité d’un accompagnement étatique réfléchi et orienté avec des mesures fiscales incitatives et durables, la suppression des impôts de production, une définition et un soutien des secteurs stratégiques. L’ensemble de ces actions ont été prises en compte dans le Plan Osez l’export et la nouvelle loi industrie verte.
Le Plan industrie verte, en soutien du Plan Osez l’export
Pour favoriser le retour de l’industrie en France, le gouvernement prévoit d’aménager 50 sites industriels, soit 2 000 hectares. Cette annonce permettrait de diviser par deux les délais d’implantation d’usines sur le territoire. Pour être acceptés, les projets de construction d’usines sont soumis à de nombreuses procédures. Par exemple celui de l’installation classée pour la protection de l’environnement, connue pour ses longs délais pouvant atteindre rapidement 12 à 18 mois.
L’État prévoit aussi un crédit d’impôt industrie verte pour attirer les investisseurs sur les secteurs d’énergie verte (batteries, éolien, panneaux solaires et pompes à chaleur). Ces investissements accompagnent le développement d’entreprises dans ces secteurs stratégiques, et favoriseraient la création de 4 000 emplois directs. Plus précisément, le crédit correspondra à la valeur des investissements pour la réindustrialisation verte et couvrira de 20 % à 45 % des investissements. La loi industrie verte prévoit d’autres mesures pour valoriser et financer la réindustrialisation verte, tels que le label triple E ou la réforme du bonus écologique. L’inauguration de la gigafactory de batteries à Dunkerque illustre la politique de valorisation durable de l’industrie française.
En complément de cette politique de réindustrialisation et d’ouverture à l’international des PME, l’Etat met en place des dispositifs visant à protéger les entreprises des investissements étrangers.
Un accompagnement étatique suffisant ?
Le SISSE, Service de l’information stratégique et de la sécurité économique créé en 2016, surveille attentivement les investissements étrangers effectués sur des pépites françaises. Lorsque cela est possible, il peut proposer des solutions de financement pour éviter le rachat d’une PME ou d’une startup. Par exemple, Bercy a récemment posé son veto pour la revente des entreprises stratégiques Segault et Velan SAS.
Néanmoins, malgré son intervention, le SISSE ne parvient pas toujours à empêcher le rachat d’entreprises clés, comme le montre l’exemple de Latécoère. Cette pépite toulousaine est passée en 2019 sous pavillon américain malgré l’intervention de députés français auprès du Premier Ministre. Il paraît donc intéressant de se demander si l’ouverture à l’export de ces PME encouragées par le Plan Osez l’Export ne pose pas un risque de prédation.
L’entrée de ces nouvelles pépites françaises sur le marché international pourrait attiser l’appétit de grands groupes ou fonds d’investissements étrangers. Le SISSE sera sans doute davantage sollicité, alors que le nombre d’alertes à la sécurité économique augmente chaque année. L’Union européenne, qui prévoit de renforcer sa politique de souveraineté et sécurité économique, pourrait être une solution de rempart complémentaire face aux investissements étrangers.
Tiphaine de Rauglaudre et Thomas Dereux pour le club Souveraineté et Industrie de l’AEGE
Pour aller plus loin :