Redynamiser l’intelligence économique dans les institutions au profit des entreprises françaises [Colloque de l’IE]

Trente ans après le rapport Martre et vingt ans après le rapport Carayon, le Colloque de l’Intelligence économique fait le bilan des avancées de la discipline aujourd’hui forte d’un nouvel élan étatique. Les fondateurs et experts de l’IE des quatre tables rondes sont revenus sur les difficultés majeures rencontrées ces dernières années autour de la gestion de l’information stratégique entre les acteurs économiques. Repoussant la logique de sécurité et de protection à la promotion des intérêts français, les réflexions et débats du 8 avril 2024 ont brossé une vision pragmatique du monde de compétition contestation affrontement actuel, proposant des stratégies concrètes pour une politique nationale d’intelligence économique propice à la compétitivité et la souveraineté de la France

L’intelligence économique (IE) connaît une renaissance nationale significative ces dernières années, s’implantant même au cœur des stratégies de développement territorial. Cette prise en considération d’une politique d’IE à l’échelle locale devient nécessaire pour les collectivités voulant préserver leur compétitivité et sécuriser leur bassin industriel dans un environnement hautement concurrentiel. Animée par Charles de Bisschop, la quatrième table ronde du Colloque de l’IE fut l’opportunité de se questionner sur les politiques d’IE menées sur l’ensemble du territoire national et de l’importance d’une politique publique-privée offensive. Cela grâce aux interventions du sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, de l’ingénieur général de l’armement Alexandre Lahousse, directeur de l’industrie de défense au sein de la DGA et de Massis Sirapian, directeur du pôle Nouvelles Frontières au sein du secrétariat général pour l’investissement.

L’intelligence économique à l’échelle régions françaises

Dans un monde où l’information et le savoir sont des vecteurs de puissance, les territoires français redoublent d’efforts pour territorialiser la doctrine et la pratique de l’IE. Cela implique une adaptation des politiques d’IE à l’échelle des collectivités locales car tous les secteurs peuvent être concernés. Pour Jean-Baptiste Lemoyne, l’IE « peut impacter des secteurs très éloignés de la défense comme le tourisme », en effet « l’Arabie Saoudite investissant des milliards dans le tourisme, la première place de la France, si on ne fait rien, sera très vite renversée ». 

Une compétition exacerbée donc, à l’échelle nationale mais aussi régionale dans un contexte de guerre économique qui est « difficile à faire admettre aux dirigeants » constate Massis Sirapian. Faire accepter ce terme permettrait aux régions d’établir des stratégies d’IE « pour identifier les atouts économiques spécifiques, anticiper les menaces externes et optimiser les opportunités de croissance ». L’objectif est clair : renforcer les capacités locales et régionales en matière de prise de décision stratégique, en s’appuyant sur une veille active, une protection de l’information stratégique et une influence accrue dans les décisions économiques et politiques.

L’Industrie, garante de la souveraineté économique

L’industrie française est reconnue comme un pilier de la souveraineté nationale. Des entreprises comme Atos et Alstom sont à la pointe de la technologie industrielle mondiale, mais sont menacées par des politiques offensives d’autres pays. Protéger ces « pépites » industrielles est devenu une priorité absolue. D’autant plus pour la DGA, puisque « l’industrie de défense est une petite industrie dans une grande industrie », avec ses « sous-traitants qui font une grande partie de leur chiffre d’affaires via l’industrie civile » ajoute Alexandre Lahousse. Les protéger est nécessaire pour maintenir l’ensemble de notre industrie. 

Cela passe par des « politiques défensives robustes », des mesures de cybersécurité avancées, et des cadres juridiques adaptés pour contrer toute forme de menaces économiques, y compris le vol de propriété intellectuelle et l’espionnage industriel. La mise en place de ces stratégies défensives assure non seulement la protection mais également la pérennité de l’industrie française dans le marché global.

Le rôle clé des Institutions étatiques

Les institutions étatiques françaises jouent un rôle déterminant dans le développement de l’IE en France. En préparant l’industrie de défense aux conflits de demain, ces institutions travaillent en étroite collaboration avec les acteurs économiques pour élaborer des stratégies qui répondent efficacement aux défis de la guerre économique. Le dialogue entre le privé et le public doit se pérenniser pour défendre les intérêts économiques du pays à travers une stratégie commune. C’est pourquoi « la DGA investit dans une politique d’IE afin de toujours exister dans cet univers compétitif » précise Alexandre Lahousse. « L’Etat ne se limite pas à la protection » ; il est également des vecteur de transfert de connaissances et de technologies, facilitant ainsi l’innovation et la compétitivité sur le marché international. Cette coopération renforcée entre le public et le privé est essentielle, par exemple, pour maintenir la place de la France dans l’innovation technologique.

Former la jeunesse pour les défis de demain

Face au repli de la culture du patriotisme économique dans les cursus scolaires, il est impératif de « reformuler l’approche pédagogique » relative à l’IE conclut Jean-Baptiste Lemoyne. Les institutions éducatives, avec le soutien de l’État, doivent intégrer des programmes spécialisés préparant les futurs cadres à comprendre les enjeux de puissance entre les nations et le contexte économique actuel. Ces programmes doivent viser à développer une compréhension profonde des stratégies économiques, des menaces et des opportunités associées à la mondialisation.

La dynamique actuelle de l’IE en France illustre clairement la volonté du pays de consolider son indépendance économique et de renforcer sa position sur l’échiquier mondial. En intégrant l’IE dans les stratégies locales et en protégeant ses industries, la France cherche à tendre vers une économie plus résiliente, prête à faire face aux défis de demain.

 

Valentin Mathieu pour le Portail de l’IE

 

L’enregistrement complet de cette table ronde est disponible sur la chaîne YouTube du Portail de l’IE

 

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