En 2012, alors qu’elle subit une crise réputationnelle sans précédent, La Redoute réagit et se sert de cette affaire pour rebondir. Par une campagne d’image originale sur le site, l’entreprise de commerce en ligne renverse la controverse à son avantage et arrive à multiplier ses ventes : un modèle de résolution de crise inspirant pour les entreprises !
Fondée en 1837 par Joseph Pollet à Roubaix, La Redoute est une entreprise familiale de prêt-à-porter et de décoration en ligne qui tient son nom de la rue où a été construite la première usine de la marque. En 2012, 12 millions de personnes visitent le site internet de l’entreprise par mois et affiche un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros.
D’une publicité anodine à la genèse d’une crise réputationnelle
Le 4 janvier 2012, un tweet d’un internaute alarme les réseaux sociaux. Sur une photo illustrant 4 jeunes garçons portant un T-shirt à manche courte sur une plage – article disponible en vente sur le site – un homme nu est identifié. Comble de l’ironie, le zoom disponible sur le site permet d’identifier clairement l’anatomie de l’homme. D’autant que les internautes remarquent aussi une grossière erreur d’anglais sur le T-shirt de l’enfant où il est écrit holydays au lieu d’holidays. Piégée par sa propre communication, l’entreprise fait alors face à une crise réputationnelle sans précédent. Le tweet sera partagé et la photographie parodiée par les internautes y compris par 3 suisses, concurrent de la marque, qui profite du bad buzz pour faire la promotion de leurs maillots de bain et tout en assumant leur action.
Entre le 4 et le 5 janvier, La Redoute est mentionnée plus de 10.000 fois par jour sur les réseaux sociaux, soit 100 fois plus qu’habituellement. En seulement 4h, la photo est devenue le deuxième sujet le plus tweeté au monde tout en faisant les gros titres des médias et journaux qui s’emparent de cette affaire. Plus d’une centaine de caricatures de la photo sont réalisées à l’image d’Orangina, ou encore Tipp-ex qui détourneront cette photo pour se moquer de La Redoute non sans subir les foudres des internautes.
Cette erreur d’inattention sera rapidement corrigée par l’entreprise qui retire rapidement la photo et s’excusera auprès de ses internautes. Par ailleurs, La Redoute annonce la mise en place d’une enquête en interne pour comprendre l’origine de l’erreur et éviter qu’elle ne se reproduise, tout en sachant que l’entreprise ne parvient pas à expliquer comment cette image, qui n’avait pas été validée, s’est retrouvée sur le site.
Si face à la crise, La Redoute aurait pu s’effondrer, elle a su faire preuve de résilience lui permettant de rebondir. La marque a su rassurer ses clients tout en reconnaissant que l’erreur est humaine. Elle s’est efforcée à améliorer son image pour relancer les ventes. À partir d’une crise réputationnelle de grande envergure, la marque a ainsi révélé ses capacités d’innovation et de créativité pour relancer ses ventes.
Transformer un bad buzz en good buzz
Moins d’un mois plus tard, La Redoute prend le contre-pied de cette affaire pour sa campagne suivante de publicité, mettant en avant une vidéo d’Anne-Véronique Baylac. La directrice e-commerce et développement de La Redoute présente alors ses excuses et propose une chasse au trésor revisitée sur le site. À savoir identifier les 14 photos contenant des erreurs sur les 33600 du site internet, en échange d’une récompense.
« Étant donné qu’un homme nu est à l’origine de toute cette affaire, nous habilleront gratuitement chaque gagnant des pieds à la tête »
Anne-Véronique Baylac, directrice e-commerce et développement de La Redoute de sept. 2011 – juil. 2012
Ce coup de communication est un véritable succès pour la marque qui atteint son plus haut taux de fréquentation. En moins de 48h, La Redoute devient le mot le plus tweeté. Les médias saluent la manière dont La Redoute a su utiliser cette crise réputationnelle en campagne promotionnelle. Durant toute l’opération, le taux de visite sur le site a augmenté de 70 % ; La Redoute a gagné quelque 100 000 fans supplémentaires sur Facebook. Cette publicité a également généré plus d’1 million de dollars de bénéfices à la marque.
Un modèle de gestion de crise réussi
Quelques heures après le premier tweet notifiant l’erreur sur la photo, une cellule de crise efficace s’articule autour de la directrice de communication et de la community manager. L’entreprise choisit alors de réagir immédiatement avec des excuses où elle reconnaît publiquement son erreur et la corrige en supprimant la photo.
Par cette action, La Redoute démontre sa prise en compte de l’écosystème et de la culture du Web en s’excusant et en faisant preuve de transparence sur ses actions. Cela lui permet d’endiguer l’abattage médiatique et les accusations de pédopornographie en retournant la situation à son avantage sur le ton de l’humour. Enfin, l’entreprise met en place une enquête interne et communique dessus en toute transparence, démontrant à sa clientèle une réelle volonté de remédier à ce problème.
Là où La Redoute fit preuve d’un esprit d’initiative pour sortir gagnante de la situation, fût la volonté de se servir de cette crise pour attirer de nouveaux clients tout redorant son image de marque. Il s’agissait d’un véritable pari qui aurait pu relancer le bad buzz, mais la rapidité de la réaction fût décisive : un mois seulement s’est déroulé entre le premier tweet et le lancement de la chasse au trésor. Le caractère ludique et participatif des erreurs ajoutées sur les images du site ont grandement contribué à dédramatiser la crise, qui s’est transformée en une drôle d’anecdote.
Impliquer les internautes dans un jeu ludique appuyé par une stratégie de communication décalée et un plan de continuité efficace sont la clé de la réussite de la gestion de crise pour La Redoute. Finalement, la gestion de cette affaire peut être un modèle de résolution de crise inspirant pour les entreprises où rapidité de réaction, transparence et créativité ont permis résoudre le conflit.
Tiphaine de Rauglaudre
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