Bien que l’industrie de la micro-électronique soit devenue, depuis les années 80, un domaine économique et technologique mondialisé, avec une multitude d’acteurs, publics comme privés, dispersés en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, la microélectronique représente aujourd’hui plus que jamais, une arme économique et politique, dont usent les États afin de garantir au mieux leur souveraineté. Dans quelle mesure le domaine de de la micro-électronique constitue-t-il, de fait, un instrument économique et de souveraineté à l’échelle mondiale ?
La micro-électronique et les semi-conducteurs, « épices » du monde
Dans le roman de science-fiction Dune de Franck Herbet, Paul Atréide, le héros principal de l’œuvre déclare « Ceux sont ceux qui peuvent détruire une chose qui la contrôlent vraiment » au sujet de l’épice, la ressource la plus rare de l’univers sans laquelle les voyages entre univers sont impossibles. Si l’« épice » est une ressource imaginée par l’auteur, sa puissance et ce qu’elle représente pour les acteurs du roman, en font une parfaite analogie de ce que représentent aujourd’hui la micro-électronique et les semi-conducteurs pour le monde.
Depuis 2018, les sociétés contemporaines ne cessent de connaître des crises allant de la crise sanitaire causée par la pandémie de la COVID-19 à la crise environnementale liée au réchauffement climatique, en passant par la crise géopolitique liée à l’invasion de l’Ukraine ou encore les tensions en Mer de Chine. Ces nombreuses crises mettent à rude épreuve l’organisation économique, politique ou encore sociale des états. Ces crises impactent durablement l’organisation politique et économique des États et touchent de nombreux domaines stratégiques.
Semi-conducteurs : entre course technologique et bataille pour la souveraineté
Les semi-conducteurs sont aujourd’hui considérés comme l’or noir de l’ère numérique et sont au centre d’enjeux géopolitiques et de souveraineté technologique. Les semi-conducteurs sont un type de matériau utilisé dans de nombreuses applications, notamment dans l’industrie électronique, en raison de leur capacité à être modulés pour contrôler le flux d’électricité. La micro-électronique, en revanche, fait référence à la fabrication et à l’intégration de composants électroniques à très petite échelle sur un substrat de semi-conducteur, souvent du silicium. Cela inclut la conception, la fabrication et l’assemblage de dispositifs électroniques tels que les transistors, les circuits intégrés et les microprocesseurs. La micro-électronique repose largement sur l’utilisation des semi-conducteurs pour créer des composants électroniques fonctionnels à petite échelle. Les semi-conducteurs et la microélectronique se caractérisent par leur omniprésence dans tous les appareils électroniques contemporains qu’il s’agisse des téléphones, des ordinateurs, de l’électroménager ou des voitures. Ils constituent la technologie la plus importante au monde, dans la mesure où aucune autre technologie ne peut les remplacer.
Le domaine de la micro-électronique illustre parfaitement la course technologique et la bataille pour la souveraineté dans lesquelles les États cherchent à tirer leur épingle du jeu. Cependant, aussi importante et stratégique qu’elle puisse être pour les États, l’industrie de la microélectronique est l’une des industries les plus mondialisées qui existent. De fait, les différents acteurs qui la composent sont éparpillés aux quatre coins du monde, si bien qu’aucun État n’est aujourd’hui totalement souverain sur l’ensemble du procédé de fabrication d’un appareil électronique, de la collecte des matières premières à la fabrication finale de l’appareil.
Arnaud Dumoulin et Matteo Meloni
Pour aller plus loin :
- Semi-conducteurs : comment le règlement du différend sino-américain à l’OMC pourrait sceller le sort de Taiwan ?
- La stratégie américaine d’isolement de l’industrie chinoise des semi-conducteurs
- Les États-Unis et la Corée du Sud renforcent leur collaboration dans le secteur des semi-conducteurs face à la Chine