Espionnage chinois : les universités françaises menacées

L’espionnage économique chinois ne se limite pas aux secteurs industriels et technologiques ; il cible aussi la recherche et l’innovation dans le milieu universitaire. C’est le cas en France, où les institutions académiques sont particulièrement vulnérables. 

L’espionnage chinois dépasse largement le domaine militaire. Il s’étend aussi à la recherche et à l’innovation, en particulier au sein du milieu universitaire. Les secteurs à double intérêt stratégique, civil et militaire, figurent parmi les cibles principales. En Europe, la France n’est pas épargnée. Ses universités et institutions prestigieuses, qu’elles soient scientifiques, technologiques ou administratives, sont de plus en plus menacées.

Présence chinoise dans les universités : une menace protéiforme

Un rapport d’information du Sénat, rédigé à l’initiative du sénateur André Gattolin, fait état des risques que connait la France. Ce document décrit les stratégies d’influence déployées par des puissances extra-européennes, notamment la Chine, dans le secteur universitaire français et alerte sur le caractère offensif de ces pratiques. La menace, qualifiée de « protéiforme », révèle l’ampleur des moyens engagés par la Chine pour influencer et infiltrer la recherche et l’innovation en France.

Pour acquérir des données scientifiques ou technologiques, Pékin passe notamment par des partenariats académiques afin de faciliter le transfert de savoirs scientifiques et technologiques. La multiplication de ces collaborations entre universités françaises et chinoises suscite de réelles inquiétudes, surtout en raison des liens étroits que certaines de ces institutions maintiennent avec de puissants conglomérats chinois, souvent connectés directement au pouvoir central de Pékin.

Les programmes d’échange accueillant des étudiants chinois constituent également un levier d’influence. Ces étudiants, parfois à leur insu, peuvent devenir des sources d’information. La culture du renseignement en Chine joue ici un rôle clé. Comme l’a souligné l’ancien directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure, Bernard Emié : « il est évident que les étudiants chinois présents dans nos grandes écoles rapportent à leur pays ce qu’ils y font et ce qu’il s’y dit. »

Les universités françaises, cibles privilégiées

Le premier événement marquant remonte à 2005 avec l’affaire Valéo. Une étudiante chinoise du nom de Li-li Wuang, alors en stage à l’usine Valéo de Guyancourt dans le cadre de ses études à l’Université de technologie de Compiègne, est accusée de vol de données sensibles. En avril, l’équipementier dépose plainte contre elle pour détournement de données informatiques. Lors des perquisitions à son domicile, des documents confidentiels relatifs à de futurs modèles de l’entreprise sont découverts, ainsi qu’un grand nombre de messages codés échangés avec des contacts en Chine. Le tribunal la condamne pour « abus de confiance » mais la libère après 53 jours de détention.

L’influence de la Chine au sein du milieu universitaire français s’est intensifiée avec les années, et ce notamment à travers des partenariats. En 2007, un accord de reconnaissance des diplômes est signé entre la Chine et la France. La même année, la doctorante chinoise Wu Xuan est accusée d’avoir dérobé des informations sensibles dans plusieurs laboratoires de recherche de l’est de la France

Un autre exemple concerne le pôle ParisTech, qui a mis en place un programme d’échange avec une université chinoise proche de l’Armée populaire de libération. Lors de ce celui-ci, les systèmes informatiques ont été compromis par l’ordinateur d’un étudiant chinois. Le projet ISblue, un centre de recherche océanographique fondé en 2019 à Brest en partenariat avec le CNRS et le China Scholarship Council, a connu un problème similaire. En effet, le China Scholarship Council finançait des doctorants en échange de rapports réguliers remis à l’ambassade de Chine sur leurs travaux.

Antoine Izambard, dans son ouvrage France-Chine Les liaisons dangereuses, cite d’autres exemples. Il évoque notamment le nombre significatif de mariages entre des étudiantes chinoises et des militaires français dans la région de Brest, où se trouvent plusieurs installations militaires et industrielles stratégiques.

Une réponse française en demi-teinte 

La prise de conscience par l’État de cet enjeu a conduit à des avancées significatives dans le milieu universitaire français. Les autorités françaises traitent désormais ce sujet au plus haut niveau. En 2021, le Quai d’Orsay et le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale élaborent un plan Chine pour limiter l’ingérence chinoise à l’échelle nationale. Cette même année, le Service de l’information stratégique et de la sécurité économique intervient pour empêcher un accord entre l’université Paris-Saclay et l’entreprise publique chinoise TusHolding. L’entreprise est en effet liée à l’université Tsinghua, connue pour former les cadres du Parti communiste chinois, dont Xi Jinping.

D’autres services de l’État ont également renforcé leurs efforts. C’est le cas de la Direction générale de la sécurité intérieure, spécialisée dans la protection du patrimoine matériel et immatériel, et de la Direction du renseignement et de la sécurité de défense, qui se concentre sur les technologies civilo-militaires développées dans les universités. 

Ces services s’efforcent de sensibiliser les acteurs universitaires, bien que les résultats restent pour le moment mitigés. Le rapport d’André Gattolin montre en effet que la naïveté du monde universitaire constitue une faiblesse dans le dispositif français. Le document pointe également un manque de moyens, de réactivité, d’adaptation et de coordination entre les organes de l’État. Cette vulnérabilité est d’autant plus préoccupante que les manœuvres chinoises dans les universités deviennent de plus en plus agressives. Les actions de l’Académie des sciences sociales de Chine au CNRS et l’infiltration de Huawei dans les écoles d’ingénieurs français sont des exemples parmi tant d’autres. 

Louis Quinet

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