La Chine interdit les exportations de gallium, de germanium et d’antimoine vers les États-Unis

Le 3 décembre, la Chine a annoncé une interdiction des exportations vers les États-Unis de plusieurs matériaux stratégiques, tels que le gallium, le germanium et l’antimoine. Ces matériaux, qui sont essentiels à la fabrication de semi-conducteurs, de batteries, d’alliages ou de fibres optiques, servent également à de nombreuses applications militaires.

Un épisode de plus dans l’affrontement commercial sino-américain

Cette interdiction fait suite aux restrictions américaines visant à limiter l’accès des entreprises chinoises à certaines technologies avancées. En effet, cette décision intervient seulement un jour après que les États-Unis aient élargi leur liste de contrôle des exportations, ajoutant 140 entreprises, principalement basées en Chine, à une « liste d’entités » soumise à des restrictions strictes. Ces restrictions visent des équipements, logiciels et composants liés à la fabrication de puces électroniques, indispensables aux applications avancées, notamment dans l’intelligence artificielle et la défense. On peut y voir ici un ultime effort déployé par l’administration Biden pour tenter d’entraver les ambitions de Pékin en matière de fabrication de puces avancées. 

De son côté, le ministre chinois du Commerce a justifié cette contre-mesure en déclarant qu’il s’agissait de protéger les « droits et intérêts » de la Chine face à une « suppression malveillante » de ses progrès technologiques par Washington.

Les métaux comme levier géopolitique

Avec plus de 23 tonnes de gallium et 600 tonnes de germanium exportées chaque année, la Chine est, de loin, le principal producteur mondial de ces éléments indispensables à la fabrication de puces électroniques, de panneaux solaires et de technologies militaires. Pékin a également annoncé des restrictions sur l’exportation d’antimoine, un matériau clé utilisé dans des applications variées, allant des batteries aux armes de pointe, en passant par la production de matériaux ultra-durs, comme les diamants synthétiques. 

Mais ce n’est pas la première fois que Pékin use de sa position quasi monopolistique dans la production et le raffinage de certains métaux. En septembre 2010, un chalutier chinois s’est aventuré au large des îles Senkaku, un territoire disputé entre la Chine et le Japon. Cette intrusion a déclenché une confrontation avec les gardes-côtes japonais. Refusant d’obtempérer, le capitaine chinois a délibérément percuté un patrouilleur japonais, entraînant son arrestation. Cet incident a provoqué une vive réaction en Chine, et se transforma rapidement en crise diplomatique. Deux semaines plus tard, les livraisons chinoises de terres rares à destination du Japon ont brusquement été suspendues. Bien que Pékin n’ait pas officiellement annoncé d’embargo, les entreprises chinoises ont cessé leurs exportations, invoquant des raisons nationalistes. 

La question taïwanaise au coeur des tensions

Cette interdiction peut aussi être vue comme une réponse aux ventes d’armes américaines à Taïwan. En effet, ce premier décembre, la Chine a vivement critiqué l’approbation par les États-Unis d’une vente d’armes à Taïwan d’une valeur de 385 millions de dollars, dénonçant une violation du principe d’« une seule Chine ». Pour Pékin, cette décision menace sa souveraineté et ses intérêts sécuritaires. La transaction inclut notamment des pièces détachées pour les avions de chasse F-16 et des équipements radar. La Chine rappelle d’ailleurs un accord de 1982 dans lequel Washington s’engageait à limiter ses ventes d’armes à Taïwan sur le long terme.

Une réponse américaine incertaine

L’incertitude plane quant à la future réponse de Washington face à cette nouvelle interdiction, dans un contexte où Donald Trump, président élu, a plusieurs fois réitéré son intention de taxer lourdement les échanges commerciaux avec la Chine. La situation est d’autant plus délicate qu’Elon Musk, PDG de Tesla, figure parmi les membres de la prochaine administration américaine. L’entreprise Tesla, leader mondial des véhicules électriques, pourrait être directement impacté par ces restrictions sur l’exportation de métaux, indispensables à la fabrication des batteries de ses voitures. Cette nouvelle mesure de Pékin pourrait donc être interprétée comme une tentative d’exercer une pression ciblée sur des personnalités influentes de la future administration américaine, ce qui rend encore plus incertaine la réaction américaine à moyen terme. 

Thomas Dereux

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