Accompagné d’une délégation de chefs du CAC 40 et de certaines PME du Next 40, Emmanuel Macron s’est rendu en Chine dans le cadre d’une rencontre officielle avec son homologue Chinois. Des contrats à hauteur de 21 milliards d’euros ont été signés.
Face à une balance commerciale déficitaire envers la Chine et la montée des investissements chinois sur le territoire en 2018, la France veut réaffirmer son contrôle et sa volonté de coopération avec Xi Jinping. En effet l’Hexagone, mais aussi l’Europe, demeure experte dans les domaines stratégiques que sont l’aéronautique, les énergies propres, l’électricité mais aussi l’agroalimentaire, des secteurs où la Chine cherche à gagner en compétitivité. Tiraillée entre la volonté de coopérer et la peur du pillage technologique la France peut-elle faire face au géant chinois ?
Le « méga-contrat »
Plus d’une dizaine d’années de négociations ont été nécessaires pour établir le « méga-contrat » estimé à plus de 20 milliards de dollars. L’enjeu est de taille : réussir à mettre en place un contrat « gagnant-gagnant ». Les accords introduisent un partenariat avec CNNC, spécialisé dans le nucléaire, sur 48 réacteurs en activité du géant étatique, mais aussi avec ORANO qui promet la construction d’une dizaine de réacteurs. Cette dernière, centrée sur le combustible nucléaire et issue du géant de l’atome civil français AREVA, a par ailleurs connu quelques difficultés économiques ces dernières années.
Le cœur de l’accord est la construction d’une usine de recyclage de combustibles nucléaires, domaine dans lequel la France est à la pointe. Ainsi la future usine franco-chinoise pourrait traiter jusqu’à 800 tonnes de combustibles usagés par an, et permettre d’en recycler une partie sous forme de “MOX”, un mélange de plutonium usagé et d’uranium.
La question intrinsèque à ce contrat est la suivante : pourra-t-on tirer des avantages à long terme de cette coopération ? À court-terme l’aspect positif de l’entente est facilement perceptible : une ouverture au marché chinois. Aussi la France deviendrait le protagoniste de la construction de la première usine de recyclage de combustibles nucléaires du pays. Il s’agit d’un secteur qui reflète les enjeux environnementaux contemporains et où la Chine a encore beaucoup à faire. En outre, l’enjeu de cet apport de technologies qui illustre le savoir-faire français est de maintenir l’avantage concurrentiel et stratégique du pays. L’intransigeance française face à la transparence technologique doit être respectée afin que la Chine se voit aussi rassasiée. Emmanuel Macron dit avoir établi une date pour l’échéance des travaux préparatoires de construction à la fin janvier 2020.
Une ouverture chinoise à l’agroalimentaire européen
Emmanuel Macron a su mettre en valeur le secteur de l’agroalimentaire à l’occasion de la foire de l’importation à Shanghai. Il n’est pas seul et a souhaité faire valoir l’initiative européenne de cette visite. Ce secteur est parti intégrante de l’identité européenne et la caractérise, l’industrie agroalimentaire étant en effet le second domaine d’activité en Europe. Les deux chefs d’États se sont entendus sur les dernières modalités de l’embargo de décembre 2015 sur le bœuf français. L’Hexagone va désormais pouvoir exporter plus largement en Chine et a obtenu 20 agréments à l’exportation pour des entreprises des filières volaille, bœuf, porc et charcuterie. Les dirigeants ont également coopéré sur la lutte contre la peste porcine. La France pourra continuer à exporter du porc provenant des régions indemnes. Parmi les nombreuses ententes, l’Élysées a convenu de la construction en Chine de deux nouvelles usines Andros, à hauteur de 35 millions d’euros.
Une visite fructueuse pour la France
De nombreux accords ont été obtenu pour les secteurs clés comme l’aéronautique. La compagnie aérienne chinoise Colorful Guizhou Airline a notamment commandé près d’un milliard d’euros de moteurs d’avion Safran. Des contrats ont également été signés entre Engie et Beijing Entreprises Clean Energy pour investir dans les énergies nouvelles pour un montant d’1,3 milliard d’euros. En outre, le président français a permis à de nombreux dirigeants de PME ou grandes entreprises de s’entendre avec les représentants du marché chinois.
La rencontre du Président Français en Chine est premièrement l’affirmation d’une volonté d’agir et de faire partie du jeu commercial mondial, mais elle est surtout l’action d’une Union Européenne qui suit une ligne de conduite similaire. Malgré des rapports de force très différents comme l’excédent commercial de l’Allemagne envers la Chine, le vieux continent s’entend sur le refus de la passivité face à ces enjeux technologiques. En témoigne l’expérience de l’Allemagne avec le rachat de son entreprise Kuka, fleuron des robots industriels, désormais sous le contrôle chinois. Ainsi, l’enjeu pour les pays de l’Union européenne est de combiner un développement économique grâce au marché chinois, tout en préservant la souveraineté de ses technologies et de ses savoirs faire.
Pia de Bondy