Success StorIE : l’Angélys, une réussite fondée sur le savoir-faire et la transmission

Le club Souveraineté et Industrie a eu l’opportunité de réaliser un entretien avec Denis Lavaud, fondateur de l’entreprise L’Angélys, une marque française de glaces artisanales. Véritable success story à la française, cette entreprise au chiffre d’affaires de 20 millions d’euro incarne une réussite basée sur un savoir-faire artisanal français.

Traçabilité des produits et qualité du savoir-faire: les mots d’ordre d’une entreprise à succès 

L‘Angélys se distingue des autres acteurs du secteur de par son engagement à privilégier l’approvisionnement local, ainsi qu’en se positionnant dans un segment haut de gamme de la confection de glaces artisanales depuis 1996. Pour la confection des glaces, 99% des ingrédients proviennent de France, cette démarche de mise en valeur reflète la volonté de soutenir l’agriculture locale et de limiter l’impact environnemental, éléments au cœur du projet de la marque. Cette approche permet non seulement d’assurer la qualité des produits, mais aussi de préserver un savoir-faire français concurrencé par une offre industrielle étrangère de moyenne gamme souvent bon marché.

Profitant d’une longue expérience de plus de 25 ans dans la confection de glaces artisanales, la marque L’Angélys est connue aujourd’hui pour sa très large variété de produits, au nombre de 170, allant des sorbets aux crèmes glacées et cela dans des parfums tout à fait originaux.  À titre d’exemple, Denis Lavaud a réalisé des glaces au chêne pour certaines grandes maisons de cognac, ayant à cœur de faire découvrir à leurs employés l’intérêt gustatif du bois à ce breuvage. Créée à ses débuts avec une charrette à glace dans les rues de Saint-Jean-d’Angély, L’Angélys s’est construit autour de valeurs liées à la qualité, à la transmission et à l’indépendance. L’histoire de cette entreprise montre comment une PME peut résister aux logiques industrielles d’une production standardisée, tout en restant fidèle à ses principes d’excellence. L’Angélys occupe actuellement la deuxième place, derrière Nestlé, sur le segment de la bûche glacée. 

Ce positionnement large autour des desserts glacés permet à l’entreprise de construire une offre cohérente permettant aux consommateurs de profiter de produits haut de gamme aux matières premières sourcées. Les produits sont également adaptés aux attentes nutritionnelles en termes de sucre ou de présence de lait. L’entreprise a donc adopté une réflexion commerciale avec un positionnement de marché, assimilable aux principes marketing de la stratégie de gamme selon laquelle il est bon de proposer une gamme complète de produits.

Cette vision se heurte néanmoins à des obstacles importants en termes d’approvisionnement en fruits, comme la framboise et la fraise, où la pénurie de main-d’œuvre est devenue un problème majeur. En dépit de cette difficulté, l’entreprise continue de croître à un rythme soutenu, elle réalise 8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018 et passe à plus de 18 millions en 2023. Profitant d’un plan de relance de 460.000 euros, opéré par BPIfrance, et d’un investissement de 4 millions d’euros en fond propre en 2023, l’usine L’Angélys de Fontcouverte a pu multiplier par deux sa superficie, passant de 1400 à 2800 m². Cet agrandissement a permis de moderniser l’entreprise, d’atteindre une production de 2 millions de litres et de faire l’acquisition de matériels de haute technologie ainsi que d’un laboratoire de recherche et de développement. Ce sont donc plus de 22 nouveaux salariés qui ont été recrutés, faisant de la famille L’Angélys une grande famille de 68 employés.

La transmission : un objectif de taille

La question de la transmission est également un axe central dans le parcours de l’Angélys. Denis Lavaud, fondateur de l’Angélys, souligne que son objectif n’est pas de vendre l’entreprise mais de la transmettre à ses filles. Toutefois, il se heurte à un obstacle majeur : le régime fiscal lié à la transmission d’entreprise en France. Il juge la fiscalité française, à cet égard, trop élevée. À l’instar des agriculteurs et des entreprises industrielles, il doit se battre contre une fiscalité qui ralentit, voire fragilise son activité. Selon lui, ce problème est symptomatique d’un manque de vision de long terme dans les politiques économiques françaises, qui privilégient les rentrées fiscales immédiates au détriment d’une réflexion sur le développement économique des entreprises sur le long terme. Loin d’être isolée, cette problématique est aujourd’hui au cœur du débat avec les discussions sur le pacte Dutreil mis en place pour abaisser les taxes sur les transmissions intrafamiliales, à hauteur de 75% de la valeur de l’entreprise. En effet, ce pacte est menacé par Bercy, qui y voit davantage une niche fiscale qu’un atout pour les entreprises. Le vent ne souffle donc pas dans le sens de la transmission malgré l’opposition du MEDEF et du METI  à sa suppression. 

Face à cette menace de voir le pacte Dutreil supprimé, c’est le modèle économique de L’Angélys, reposant sur la transmission du savoir-faire et de compétences précises, qui est en danger. Il n’y a pas que le patron de L’Angélys, Denis Lavaud, qui est concerné par la question de la transmission en France puisque 23% des dirigeants de PME ont plus de 60 ans et 41% n’ont aucune idée du processus à suivre pour la transmettre, ce qui constitue un risque massif de perte de compétences techniques et, à terme, d’emplois. Il est important de souligner qu’en Italie, en Allemagne, et au Royaume-Uni, pour les conjoints ou descendants héritant d’une entreprise ne sont soumis à aucune imposition. Pourtant cela contribue à la force industrielle des entreprises familiales du Mittelstands en Allemagne ou leurs équivalentes italiennes. Outre-Rhin, il existe 12.500 ETI (Entreprises de Tailles Intermédiaires) contre 4.500 en France. Ainsi, comparativement à ses voisins européens, il est plus difficile de développer l’activité économique d’une entreprise de génération en génération en France tout en restant compétitif, dans la mesure où les taxes sur l’héritage sont plus importantes.

L’Angélys :  la qualité et l’internationalisation pour affronter l’hypercompétition

L’exportation est également un axe de développement pour L’Angélys, qui a su se faire un nom à l’international, notamment en Asie. Grâce à l’accompagnement de Business France et de la BPI, l’entreprise a su saisir des opportunités sur des marchés comme Taïwan, où la demande pour des produits alimentaires de qualité est en plein essor. Cette réussite rappelle que le savoir-faire et la gastronomie française sont les meilleurs outils du soft-power français, et c’est ce que la France exporte le mieux. L’objectif de Denis Lavaud est assumé, développer la marque à l’international à moyen terme.

Rien qu’en France le marché de la glace est constitué de plus de 400 entreprises et représente plus d’1.5 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Mais ce sont quelques grands groupes mondiaux qui dominent le marché tels que Unilever Glace, Nestlé, General Mills et Mars. Le marché est hypercompétitif, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un secteur où la concurrence est acharnée et où toute situation de leadership peut-être remise en cause” . Face à une concurrence d’acteurs de taille mondiale, L’Angélys a adopté une stratégie originale de démarcation faite autour de la qualité et de la diversité de ses produits. Preuve que l‘Angélys possède une bonne image de marque même aux yeux de ses concurrents, Denis Lavaud, s’est vu proposer des offres de rachat par des grands groupes industriels, comme Unilever. Ces offres, aux montants atteignant plusieurs millions d’euros, n’ont jamais été acceptées. Pour Denis Lavaud, vendre son entreprise, même à des sommes considérables, reviendrait à trahir les valeurs fondatrices de la marque. 

Une vision pour l’avenir à moyen et long terme

Pour Denis Lavaud, l’avenir de l’industrie française passe par la relocalisation de la production et la formation des nouvelles générations. Cette volonté va pourtant à contre-courant de la tendance à la baisse, en effet entre 2013 et 2022 ceux sont environ 100 000 contrats de moins en professionnalisation. Pourtant, en France en 2022, il y a eu une augmentation des contrats en alternance représentant 800 000 apprentis dont 176 000 dans l’artisanat malgré la mauvaise représentation que les parents ont de ce parcours professionnelle depuis longtemps. Cette hausse ne parvient malheureusement pas à effacer les difficultés de recrutement che les employeurs. Pour 76% des recruteurs cela est lié au profil inadéquat des candidats, au manque de candidats pour 86% et aux conditions de travail pour 33% d’entre eux. La nouvelle génération ne serait plus aussi motivée et prête à endurer des conditions de travail difficiles.

Denis Lavaud accorde une grande attention à la formation et à la professionnalisation des jeunes, seule façon de stimuler les travailleurs de demain. Il l’a fait avec ses deux filles Sarah et Angélique. La première est désormais la Directrice Générale de L’Angélys. Quant à la seconde, elle a énormément contribué à développer cette entreprise. En faisant entrer BPIfrance et Unigrain à son capital en 2020, Denis Lavaud en a profité pour y intégrer aussi ses deux filles.

L’Angélys, un modèle d’entreprise familiale  à suivre dans un monde hyper compétitif

L’Angélys représente une réussite exemplaire dans l’industrie alimentaire avec 27% du marché des glaces en pot en France, ce qui prouve qu’il est possible de conjuguer l’artisanat et la réussite économique. Ce savoir-faire, prisé des étrangers, est aujourd’hui une véritable source de convoitise pour des investisseurs qui sont prêts à y mettre le prix.

En France, les PME peinent à exporter. Dans les faits, ces dernières exportent deux à trois fois moins que leurs homologues Italiens et les Allemands, dont les balances commerciales sont positives. L’ambition de L’Angelys de s’internationaliser survient au moment où de plus en plus de pays adoptent des mesures protectionnistes pour rapatrier ou créer une base industrielle souveraine. Dans ce nouveau contexte économique mondial, Denis Lavaud s’entoure de spécialistes du développement à l’international. Ainsi, L’Angélys est aujourd’hui conseillé par Business France ainsi que par la BPI pour l’aider dans sa stratégie d’internationalisation en prodiguant des recommandations pour ce qui concerne le cadre juridique et les subsides qu’elle pourrait percevoir.

Cette coopération bien qu’efficace, pourrait peut être gagner en efficience par l’utilisation des méthodes de management de l’information propre à l’intelligence économique qui sont un moyen d’être plus fort dans cette hypercompétition mondiale à laquelle L’Angélys est confronté. 

Félix de La Rivière et Maxence de Féligonde pour le club Souveraineté et Industrie.

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