Un haut cadre de RTX Corporation intègre le lobby européen de l’armement

L’AeroSpace and Defence Industries Association of Europe (ASD) a nommé un ancien colonel de l’armée de l’air belge, Rudy Priem, à la tête de son comité ELT (Economic, Legal and Trade). Il s’avère que ce dernier est directeur des relations institutionnelles de RTX Corporation, en plus d’être un ancien dirigeant de l’American Chamber of Commerce to the European Union, le plus gros lobby américain en Europe. 

RTX Corporation (ex-Raytheon Technologies) est l’entreprise américaine de défense la plus importante au monde aussi bien en termes de capitalisation que d’effectifs. Le conglomérat RTX regroupe 180,000 salariés répartis dans trois filiales qui opèrent sur des marchés différents : Pratt & Whitney (moteurs), Collins Aerospace (logiciel et avionique) et Raytheon (équipements militaires). Avec un chiffre d’affaires de 80,7 milliards de dollars, RTX se place devant les autres firmes du Big Five (General Dynamics, Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman) grâce à ses activités civiles représentant environ 40% de son chiffre d’affaires. Le dernier contrat notable en Europe de la société concerne la commande commune de plus de 1000 missiles de défense aérienne Patriot passée par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Roumanie et l’Espagne en 2024, le tout pour un montant de 5,5 milliards de dollars.

Dans le cadre du conflit russo-ukrainien et de la crainte d’une éventuelle sortie des États-Unis de l’OTAN, les pays européens opèrent une montée en puissance des capacités de leurs armées respectives. Récemment, Emmanuel Macron évoquait ainsi un budget de défense devant atteindre les 3,5% du PIB français. L’origine du matériel acheté est donc le thème principal des réflexions dans l’optique de la mise en place d’une défense européenne souveraine. Une remise en question de l’utilisation du matériel américain s’est ainsi imposée, notamment dans le cas du programme du F-35 Lightning II, dont 13 pays européens ont fait ou projettent de faire l’acquisition. Le chasseur de Lockheed Martin dépend en effet d’une lourde chaîne logistique (entretien des revêtements, mises à jour logicielles) sur laquelle les Américains exercent un contrôle total. Cette dépendance pose également problème dans le cas d’équipements européens utilisant des composants américains. Par exemple, Washington refuse en février 2025 de vendre à Saab les turboréacteurs propulsant le chasseur JAS-39  Gripen, permettant à General Dynamics de remporter un appel d’offre en vendant des F-16  Fighting Falcon à l’armée de l’air colombienne.

Ainsi, la nomination d’un haut cadre de l’industrie de défense américaine à un poste clé du lobby européen de l’armement risque de compromettre les intérêts de l’industrie de défense régionale si une partie des fonds se retrouve mobilisée dans des contrats avec des entreprises américaines. Un tel cas de figure irait également à l’encontre du principe d’une défense européenne souveraine en accroissant la dépendance des pays membres au bon vouloir des États-Unis.

Henri Lauture pour le Club Défense de l’AEGE

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