L’année 2020 a commencé avec plusieurs évènements majeurs. Alors que l’on a pu observer une escalade des tensions au Moyen-Orient à la suite de l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani en Irak le 3 janvier et la trêve dans la guerre commerciale sino-américaine signée le 15 janvier, l’économie mondiale connait une démultiplication des facteurs de risque à fort impact.
Le mois de février sera l’occasion de faire un tour d’horizon des risques majeurs de l’année 2020. Chaque thème ci dessous sera abordé plus en profondeur lors des [JdR] de ce mois particulier : le Mois du Risque.
Guerres commerciales : vecteur de lutte pour la suprématie économique et politique états-unienne
L’imprévisibilité du gouvernement des États-Unis pourrait augmenter dans les prochains mois du fait de la faiblesse de son président sur la scène nationale. Il semble peu probable que Trump soit condamné ou démis de ses fonctions dans le procès en cours pour son impeachment au Sénat, les Républicains détenant la majorité des sièges. On ne peut cependant pas prévoir la façon par laquelle le procès affectera l’issue des élections présidentielles de novembre. Trump pourrait se voir contraint de se montrer plus agressif en politique étrangère afin d’augmenter ses chances.
La doctrine anti-mondialiste, véhiculée à travers son slogan « Make America great again » n’a certes pas permis à Donald Trump de réduire le déficit commercial de son pays, le faisant passer de 544 milliards de dollars en 2016 à 691 milliards de dollars en 2019. Il a toutefois réussi à affaiblir le principal rival commercial des États-Unis, la Chine, qui a subi un ralentissement économique.
Toujours dans la même logique de protection de la souveraineté économique américaine et des intérêts des champions nationaux, le Président américain a menacé de surtaxer 2,4 milliards de dollars d’importations de produits français, en guise de riposte à la taxe GAFA mise en place par le gouvernement français. Cette taxe est applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 25 millions de euros en France et 750 millions dans le monde. Les sociétés dépassant ces seuils doivent s’acquitter d’une taxe de 3%.
M. Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 20% sur les voitures européennes en 2018, arguant qu’il y a un déséquilibre commercial qui menace la sécurité nationale des États-Unis. L’UE est le plus grand exportateur de véhicules automobiles au monde, tandis que les États-Unis en sont le plus grand importateur.
En outre, un des exemples les plus frappants est celui de l’imposition des tarifs douaniers de 20% sur les importations de voitures allemandes. La décision du président américain a suffi à faire vaciller le pays leader de l’Union européenne et a failli l’induire en une récession technique.
L’économie iranienne a également été une cible de la guerre commerciale entamée par les États-Unis. Le rétablissement des sanctions américaines en 2018 a entrainé un tarissement des investissements étrangers et a affecté les exportations de pétrole. Les sanctions interdisent aux entreprises américaines de commercer avec l’Iran, mais cela concerne aussi les entreprises étrangères ou les pays tiers qui voudraient traiter avec l’Iran.
En mai 2019, M. Trump a mis fin aux exemptions des sanctions secondaires américaines – telles que l’exclusion des marchés américains – pour les principaux importateurs de pétrole iranien et a renforcé les restrictions sur le secteur bancaire iranien. Il a déclaré que cette décision était « destinée à ramener à zéro les exportations de pétrole de l’Iran, privant le régime de sa principale source de revenus ».
À la suite des sanctions, le produit intérieur brut (PIB) de l’Iran s’est contracté de 4,8% en 2018 et a diminué de 9,5% en 2019. Le taux de chômage est passé de 14,5% en 2018 à 16,8% en 2019 et la monnaie iranienne a perdu 50% de sa valeur par rapport au dollar américain sur le marché non officiel.
Enfin, l’incertitude sur la politique tarifaire a clairement nui à l’industrie manufacturière et aux investissements des entreprises états-uniennes, même si la croissance économique des États-Unis est restée solide.
Les marchés financiers : un champ de bataille géopolitique
Au niveau mondial, les évènements géopolitiques n’ont pas été sans conséquences pour certains indicateurs. Le premier à en être impacté est le cours du pétrole.
Au cours de l’année 2019, les cours du pétrole ont été très volatiles. Durant le deuxième trimestre 2019, la situation n’était pas brillante, entre pression baissière liée à la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis, ralentissement de l’économie mondiale et montée des perturbations de l’approvisionnement en Iran et au Venezuela. La Russie et l’Arabie Saoudite ont mis en place un consensus sur la nécessité de poursuivre le régime de gestion de l’offre préétabli avec l’OPEP+. En outre, les attaques survenues dans le Golfe d’Oman le 13 juin – attribuées à l’Iran par les États-Unis – ont entrainé la hausse des stocks de brut américain. La croissance de la demande de pétrole a connu un ralentissement d’environ 4%. De plus, l’attaque iranienne des stations de pompage de la compagnie publique Saudi Aramco par des drones armés a entrainé une flambée temporaire des cours du pétrole. Cela s’explique par les craintes sur l’approvisionnement via le Golfe persique, par le retrait du personnel diplomatique de l’ambassade des États-Unis en Irak et par l’évacuation des employés étrangers d’ExxonMobil de West Qurna 1 vers Dubai.
La dette grandissante, que ce soit celle des entreprises, celle des ménages ou la dette nationale, à la fois dans les économies développées et en développement, est également exposée aux tensions internationales. Cette dette a atteint des niveaux records, conséquence des politiques monétaires expansionnistes de nombreuses banques centrales. L’objectif poursuivi est d’amortir la balance commerciale et d’autres chocs économiques. Or cette démarche rend les acteurs économiques particulièrement vulnérables à tout choc, qu’il s’agisse d’un ralentissement généralisé, de nouvelles guerres commerciales ou d’une correction des marchés financiers résultant de l’un ou l’autre.
La lutte pour la maitrise des zones de confluence contribue à l’instabilité
La montée en puissance du populisme et du nationalisme au niveau mondial est susceptible de réduire le potentiel de coopération entre les États. Cette nouvelle tendance politique va à l’encontre des intérêts des multinationales, qui prônent le libéralisme afin de sécuriser leur parts de marchés.
Des manifestations violentes ont marqué la fin de l’année 2019. Du Chili à Hong Kong, en passant par le Liban, l’Algérie, le Soudan et l’Iran, les États et les entreprises ont traversé une période d’instabilité accrue. À cet égard, les politiciens ont opté pour l’adoption de mesures à court terme pour essayer d’apaiser le mécontentement. De leur côté, les entreprises essaient d’anticiper et de se concerter avec leurs parties prenantes, tout en se prémunissant contre le risque d’être prises dans les conflits politiques nationaux. En outre, le champ de bataille parallèle créé par les GAFA a un rôle majeur dans la propagation des mouvements sociaux, des conflits et des tensions à la fois au niveau national et international.
En 2020, les puissances mondiales et régionales continueront à se disputer pour la maitrise des zones de confluence de leurs intérêts, que cela soit en Syrie, au Yémen, en Libye et en Afghanistan, mais aussi dans l’Est de l’Ukraine, en Somalie et dans le Soudan du Sud. Les déplacements de population entrainés par ces conflits pourraient causer de nouvelles tensions entre les acteurs régionaux.
La nouvelle guerre froide se joue dans l’ombre de la cyber sphère
Internet constituent un véritable terrain d’affrontements entre les États. Cette dimension est souvent génératrice de complexité et de nouveaux liens de dépendance. Le dilemme qui s’est présenté aux pays occidentaux face à l’avènement de la technologie 5G en est le parfait témoin. L’expertise d’un État autoritaire comme la Chine dans des domaines à haute technologie comme la 5G, appelée à être la base de la quatrième révolution industrielle, ou aussi l’Intelligence Artificielle et la reconnaissance faciale, pose des problèmes moraux et stratégiques majeurs pour les États et les entreprises. Le cas de Huawei illustre la façon dont les acteurs seront de plus en plus obligés à prendre position dans les différents affrontements.
En outre, si les données sont le nouveau pétrole, les câbles sous-marins et les satellites sont les pétroliers et les pipelines permettant à son flux vital de traverser le monde. Alors que les gouvernements se battent pour la suprématie dans l’arène technologique, les acteurs du secteur privé établissent de plus en plus le contrôle de l’infrastructure mondiale des télécommunications, et de plus en plus de cyberattaques affectent l’épine dorsale d’Internet. L’interception des données passant par des câbles sous-marins par la NSA et le GCHQ et les frappes effectuées par les acteurs du renseignement russes et iraniens constituent de parfaits exemples.
Il convient également de citer le projet Starlink, qui entend développer l’accès Internet par satellite et le rendre opérationnel n’importe où sur Terre. Complètement opérationnel à partir de 2024 selon les plans de son propriétaire Elon Musk, la constellation de satellites Starlink devrait ainsi fournir internet aux Américains dès cette année.
Karima ALAMI
Lorenzo NEUMANN