Malgré les nombreuses réticences à légaliser le MMA en France, le Mixed Martial Arts compte plus de quarante mille adhérents sur le territoire. La légalisation permet ainsi un meilleur suivi des pratiquants et des compétitions amateurs et professionnelles. 20 ans après les premiers combats professionnels, les combattants français peuvent enfin représenter leur pays et le faire auprès de leurs supporters. L’implantation en France joue un rôle plus important d’enracinement dans le monde sportif et auprès du comité international olympique.
La puissante promotion de MMA, l’UFC n’ignore pas que le marché français compte le plus de fans en Europe. La légalisation leur permet ainsi d'accroître leurs revenus en organisant des événements en France. En effet, l’Hexagone était l’un des rares pays où le MMA était encore interdit, aux côtés de la Thaïlande où le Muay Thaï est la discipline nationale de sport de combat et une partie à part entière de la culture et de l’art de vivre du pays.
Le rejet du monde sportif français
Selon le secrétaire d’Etat chargé des Sports, Thierry Braillard en 2015, les compétitions de MMA portent “atteinte à la dignité humaine” et ressemblent plus à un “jeu du cirque qu'à une activité sportive”. De la même manière, en 2011, Jean-Luc Rouge, président de la Fédération française de judo, estime que la pratique est "dégradante" et “tout droit sortie des jeux vidéos". De plus, les détracteurs affirment que l’origine du MMA émane du divertissement télévisuel et de pratiques compétitives, contrairement aux autres sports qui ont d’abord été exercés dans un cadre amateur. Malgré le rejet a priori des compétitions de MMA, certains chercheurs démontrent que la montée en puissance du MMA prouve la volonté de déconstruire nombre de stéréotypes et préjugés pour une "créativité technique”, et un "déploiement de feintes sophistiquées, d'enchaînements complexes et de plans stratégiques perfectionnés". Ainsi le développement du MMA fait écho aux mouvements sociaux actuels tels que #MeToo et aux inégalités sociales. Par la même occasion, le MMA a donné lieu à la reformulation de représentations “traditionnelles et patriarcales", donnant place à une beauté pouvant être associée à la force et au mérite, par la démonstration que des femmes peuvent combattre dans une cage, par exemple.
L'institutionnalisation du phénomène MMA en France
En juin 2019, le ministère des Sports reconnaît le MMA en tant que discipline sportive dans l'intérêt des pratiquants et fait ainsi un appel à manifestation d'intérêt pour sécuriser le processus d’implantation en France. Suite à cela, 6 fédérations ont postulé dont la FSGT (fédération sportive et gymnique du travail), la FFKMDA (kick-boxing, muay thaï et disciplines associées), la fédération de lutte et disciplines associées, la fédération de karaté et la fédération de boxe. C’est cette dernière qui a été décidée car la plus appropriée, étant la fédération la mieux structurée avec une ligue professionnelle. Malgré le fait que le Sambo (discipline associée à la lutte) soit la discipline sportivement la plus proche du MMA, la fédération en difficultés financières a été écartée. De plus, comme le souligne Bertrand Amoussou, (pionnier du MMA en France, président de la fédération internationale de MMA (IMMAF) jusqu’en 2015 et actuel président de la Commission française de MMA (CFMMA)), “le but, c’est qu’on soit accompagné pour voler de nos propres ailes et avoir une fédération du MMA en France. C’est un contrat de mariage avec un contrat de divorce à l'amiable préétabli." Ainsi, la fédération française de MMA (FMMAF), organe interne de la fédération française de boxe (FFBoxe), est reconnue par l’IMMAF. Depuis 2020, la FMMAF a mis en place multiples stratégies de développement: une première phase de structuration, puis les outils (et plateformes digitales de formation), les ressources (notamment la rencontre avec l’agence française de lutte contre le dopage AFLD), les premières productions (site et réseaux sociaux), le déploiement des actions, et le début de la pratique (avec les premiers événements organisés à l’origine en octobre).
L’IMMAF, vecteur d’influence de l’UFC
D’une part, l’UFC est le moteur du développement du MMA et principal organisateur d'événement professionnel, d’autre part, l’IMMAF, établi avec le soutien de l’UFC, est une fédération internationale dédiée à la gouvernance du MMA amateur. Ainsi l’IMMAF coordonne plus de 70 fédérations nationales et aide au développement de la régulation et de la sécurité sportive des compétitions à travers le monde. Ainsi, ces deux entités sont partenaires, partageant des expertises et informations dans le développement du sport, dans l’antidopage, et les sanctions d'événements. Régulièrement, l’IMMAF organise des championnats du monde amateur de MMA, accueillis par l’UFC lors de ses International Fight Week, comme le rappelle Lawrence Epstein, directeur général de l’UFC. Par conséquent, l’UFC et l’IMMAF ont les mêmes objectifs et visions pour l'évolution du MMA: l’UFC a une portée, présence et reconnaissance internationale dans le monde professionnel alors que l’IMMAF administre le domaine amateur dans les 70 pays où elle est présente.
L’UFC a soutenu ouvertement la légalisation du MMA en France, par le biais de l’IMMAF. De plus, lors de son entretien en 2019, le directeur général ne cache pas que développer la pratique amateur et l’enracinement du sport à travers l’IMMAF leur permet d’amener, en bout de chaîne, la reconnaissance du MMA et de compétitions professionnelles. Dès la légalisation en France, Lawrence Epstein ne cache pas son intention d’organiser des événements le plus rapidement en France, et dans un premier temps à l'AccorHotels Arena de Paris. En effet, l’UFC voit le marché français comme “un gros marché pour les fans de MMA”, et la France comme étant “un pays très important, un pays riche, et influent sur la scène internationale.”. L’UFC n’a jamais caché ses intentions d’implantation en France après la légalisation des combats professionnels. Pour les combattants français de MMA, en plus d’enfin pouvoir combattre sur leurs terres devant leur public, la légalisation va permettre de trouver de futures superstars françaises et de futurs champions de MMA.
Un mois après le premier gala professionnel de MMA en France en octobre 2020, le conseil supérieur de l’audiovisuel français (CSA) a levé l'interdiction, depuis 15 ans, de diffuser des événements de MMA. Ainsi, le média sportif l’Equipe a annoncé, 2 semaines plus tard, la diffusion gratuite de 2 soirées spéciales UFC, où des “combats de légende" sont transmis.
Vers les JO : une stratégie d’implantation qui va au-delà de la France
La reconnaissance du MMA par le comité international olympique est un des principaux objectifs de l’IMMAF et l’UFC. Considérant que les sports majeurs ont des racines dans le mouvement olympique, les passionnés de ce sport de combat n’attendent que cela. Pour se faire, l’UFC et l’IMMAF ont parallèlement adopté le strict programme antidopage de l’agence mondiale antidopage, agence financée par le comité international olympique (CIO) et les gouvernements. De plus, la nouvelle commission de communication et marketing développée au sein de l’IMMAF ainsi que son organigramme, comportant des anciens du domaine olympique, prouvent que la fédération compte mettre toutes les cartes de leurs côtés pour intégrer les Jeux. De la même manière, la commission éthique, lancée en 2020 par l’IMMAF, a pour but de conseiller le conseil d’administration sur les procédures organisationnelles et les directives politiques à propos des questions éthiques et les conflits d'intérêt. Malgré le conflit de communication entre Dana White et Lawrence Epstein, le premier avouant que les Jeux ne sont pas une de ses priorités, contrairement au deuxième et au célèbre combattant Khabib Nurmagomedov qui estiment qu’il est nécessaire pour la reconnaissance du MMA que le sport fasse partie des Jeux Olympiques.
Pour cette bataille, l’UFC se repose sur l’IMMAF, engagée dans les combats amateurs comme pour les Jeux Olympiques (événement international réservé uniquement aux amateurs). Alors que plus de la moitié des 75 pays dont l’IMMAF fait partie, sont reconnus par leurs comités nationaux olympiques, la France est “une nation sportive majeure, et hôte des Jeux Olympiques de 2024”.
Au-delà d’une reconnaissance française, le MMA cherche à être respecté et reconnu au niveau mondial. Pour que l’IMMAF soit inclue au programme des Jeux Olympiques est l'adhésion à l’association mondiale des fédérations sportives internationales (GAISF). En février 2019, le dossier a été rejeté pour des raisons d’influence de structures commerciales (telles que l’UFC soutenant l’IMMAF), de rivalités avec des fédérations qui prétendent diriger le sport (comme la GAMMA qui est soutenu par One Championship promotion de MMA professionnel concurrente), et de préoccupations de santé et de sécurité des athlètes. En outre, les officiels des fédérations (lutte, boxe, judo, taekwondo) mais principalement, de lutte et de boxe ont eu une attitude négative à l'égard du MMA qui menacent leur part de marché.
Une stratégie de marque
Le MMA est un sport de combat qui instaure des valeurs de respect, de courage, d'ordre et d’humilité, renforçant le rôle social de cette discipline. De plus, le MMA est un sport nouveau qui cherche toujours à être reconnu et enraciné mondialement et par les organismes et comités internationaux. La levée de l’interdiction du MMA, la reconnaissance et la légalisation de la France permettent une implantation de ce sport de plus en plus international. L’UFC a pris la direction de l’implantation du sport en coopération avec l’IMMAF et des fédérations nationales. L'organisation américaine a su s’imposer dans le domaine, en créant une forte stratégie et influence de marque.
Jessica Phung
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