Stratégie des marques chez PSA : entre protection et identité de marque

La stratégie de marque d’une société s’exprime via l’appellation : cette dernière est son expression la plus visible et compréhensible aux yeux de tous. Dans un contexte de concurrence forte, il est indispensable, pour un grand groupe, d’être reconnu et identifié.

Le nom d’une marque exprime, en général, l’histoire d’un groupe, elle fait partie intégrante de son identité et de sa raison d’être. Elle représente clairement un patrimoine immatériel génétique de plus en plus vulnérable dans un contexte de mondialisation exacerbé. Un bon nom peut à lui seul transformer des objectifs marketing en parts de marché. Elle est ainsi devenue un véritable enjeu commercial pour les entreprises, et ce, d’autant plus dans le secteur automobile. Avec la crise, les acteurs du marché doivent réinterpréter la symphonie de l’image de marque : nouveau positionnement, politique low-cost, bonus écologique…La stratégie de marque dans ce secteur est emmenée constamment à s’adapter aux comportements du consommateur.
Les appellations, dans ce secteur hautement concurrentiel, sont ancrées dans le patrimoine génétique des marques Peugeot et Citroën. Des noms, tels que Simca ou DS appartiennent au patrimoine du groupe et sont le reflet de l’identité de marque. On peut clairement parler du pouvoir du nom dans le sens où il est souvent dépositaire des intentions de la marque : à sa création, le nom est souvent choisi pour véhiculer certaines caractéristiques objectives ou subjectives de la marque. Surtout, il peut délimiter et indiquer le territoire de légitimité d’une marque.

La stratégie des appellations fait partie intégrante de la stratégie marketing du groupe PSA. Le nom doit porter en lui la vision du développement produit et stratégique et fait partie intégrante de la stratégie de marque dans son ensemble : rendre cohérente une marque, comment la développer… Par ailleurs, le nom est à la fois le support des campagnes de communication et du marketing. L’appellation revêt, dans le secteur automobile, un rôle essentiel : elle doit répondre au positionnement d’un véhicule, qu’il soit un concept-car, un véhicule commercialisé ou une série spéciale.  Le nom d’un véhicule doit être le reflet de l’image de marque, il doit d’emblée correspondre aux valeurs inhérentes à la marque et au positionnement du véhicule. L’automobile représente en Europe, après le logement, le deuxième investissement du foyer. Le consommateur a donc des attentes très fortes par rapport à ce produit : outre les aspects de coûts, l’automobile présente une dimension irrationnelle où l’affectif occupe une grande place. Le consommateur doit s’identifier au véhicule car au-delà de son rôle fonctionnel, la voiture se veut par définition à l’image de son conducteur. Elle est une extension du corps et peut s’avérer être un objet de désir. Le secteur automobile compose un imaginaire spécifique, qui intervient dès le nom du véhicule. Dans ce contexte, porter atteinte à l’identité de marque peut avoir de lourdes conséquences aussi bien en matière économique (perte de parts de marché) qu’en termes d’image de marque.

Les enjeux actuels de la stratégie de marque chez PSA s’avèrent être de plus en plus, la protection de l’image de marque via la protection des appellations, dans un contexte de fort développement du groupe à l’international (notamment Chine et Amérique Latine). Ne pas protéger les marques et les appellations revient à prendre le risque que les concurrents s’en emparent et portent atteinte de manière à la fois émotionnelle et stratégique à l’identité de chacune des deux marques Peugeot et Citroën. Cette protection représente ainsi un enjeu hautement stratégique. Nous pouvons clairement parler de territoire de marque, un mot fort, qui met bien l’accent sur l’émotion existant dans le secteur automobile (d’ailleurs le claim de la marque Peugeot Motion And Emotion illustre parfaitement la dimension émotionnelle de l’expérience automobile).
Un dispositif d’intelligence économique rationnel permet d’être en mesure de gérer la protection des appellations et de restituer l’information stratégique auprès des directions concernées.
Cette protection passe évidemment en premier lieu par le renouvellement des dépôts auprès des organismes compétents, de manière à ce que les appellations restent la propriété du groupe PSA (via l’Institut National de la Propriété Intellectuelle, par exemple pour la France). Le fait de posséder une appellation dotée d’une bonne image et d’une sérieuse réputation assure à PSA un avantage concurrentiel majeur. Peugeot avait en effet présenté un concept car, nommé Touareg en 1996 au Mondial de Paris et Volkswagen a pu reprendre cette appellation pour ses modèles 4×4, car pas déposée. Il y a dans ce cas précis une atteinte à l’image de marque véhiculée par Peugeot (un 4×4 alliant innovation technologique et tendance urbaine).

La mise en place d’une veille stratégie de marque concurrence permet en outre de quantifier les dépôts et d’analyser la stratégie des marques déposées par les concurrents. Ce process  permet d’avoir une vision en amont de ce qui se fait chez la concurrence et donne les moyens d’optimiser une stratégie défensive à savoir la vitesse de la réaction. Cette réaction rapide ne peut intervenir quand le cadre d’une veille concurrence assidue et alimentée par diverses informations qui vont irriguer la direction des marque chez PSA et permettre d’orienter son comportement vis-à-vis de la concurrence. Il s’agit de préciser que plus le concurrent possède une image de marque forte (par ex. Volkswagen ou Toyota) plus il est difficile de mener une réaction rapide et optimale. Cette veille concurrentielle permet ainsi de doter l’entreprise d’un système d’information riche sur les concurrents, leurs forces et leurs faiblesses, ce qui facilite l’analyse comparative. La veille concurrence permet de réagir face aux risques de contrefaçon qui existent au niveau des appellations, qui faussent le message initial (Citroën Némo et Kia Naimo) et viennent affaiblir la valeur de la marque. Cette vigilance est indispensable afin de gérer en amont ces problématiques. Ce travail minutieux constitue un outil d’aide à la décision, précieux pour la direction des Marques du groupe PSA.

Il s’agit, en définitive, d’être dans une posture à la fois de conquête de nouveaux territoires de marques mais aussi de protection. Telle est l’ambivalence, si caractéristique dans tous les secteurs d’activité, aujourd’hui, dans ce contexte de globalisation hautement concurrentiel. Le déploiement de ces efforts contribue à doter le groupe PSA d’une image de marque forte. En effet, afin de défendre son capital et de préserver sa rentabilité, qui risque d’être affectée par l’action d’un concurrent, la direction des marques de Peugeot-Citroën a tendance à réagir rapidement. 

Au final, faire converger protection, conquête de nouveaux marché et identité de marque, tel est le défi posé aujourd’hui au groupe PSA, un défi à forte dimension émotionnelle et stratégique.

Marie-Anne Cervoni