Dans « L’héritage de Kadhafi aux marchés pétroliers » publié le 22 février 2011, nous appelions l’OPEP à « agir vite » pour anticiper les difficultés d’approvisionnements en Libye.
La décision prise par l’AIE, le 23 juin 2011, de puiser dans les réserves stratégiques des pays membres raconte une histoire dont la fin n’est malheureusement pas écrite d’avance. Le 23 juin 2011, le directeur général de l’AIE, Nobuo Tanaka, a annoncé « à la surprise générale », que les pays membres de l’Agence puiseront 60 millions de barils de pétrole dans leurs stocks stratégiques pour compenser l’arrêt des exportations libyennes. Dès l’annonce, les cours du pétrole, qui étaient déjà en forte baisse, ont accru leur chute, plombés par l’arrivée d’un fort volume de pétrole sur le marché dès fin juin et pour une durée initiale de 30 jours.
Dans un communiqué distinct, le département américain de l’énergie a confirmé qu’il allait puiser 30 millions de barils dans ses réserves stratégiques, actuellement à un seuil historiquement haut de 727 millions de barils. Au total, les Etats-Unis devraient participer à hauteur de 50 %, les pays européens à 30 % et l’ensemble des pays asiatiques à 20 %.
Certains analystes estiment que la décision de l’AIE a pour but de déjouer les spéculateurs et de participer à la relance économique. Si cette thèse est défendable, elle n’enrayera la spéculation que pendant un court moment. D’ailleurs, malgré les chutes observées en Bourse au lendemain de cette décision, Knowdys conseille à ses clients de « conserver leurs valeurs énergétiques au moins jusqu’en décembre 2011. » L’AIE aurait pu mieux anticiper. Hélas !
En réalité, ce sont les désillusions de la coalition face à la résistance inattendue de Kadhafi, les appels de plus en plus pressants pour l’arrêt des frappes militaires en Libye, l’inquiétude des câbles diplomatiques et des notes de renseignement provenant des 10 pays suivants : Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn, Djibouti, Emirats Arabes Unis, Koweït, Iran, Qatar, Maroc et Yémen, qui ont finalement décidé l’AIE. Mais il ne faut pas quitter la marmite des yeux !
Créée après le choc pétrolier de 1973, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) regroupe 28 pays industrialisés. C’est la troisième fois de son histoire qu’elle recourt aux réserves stratégiques, les deux précédentes ayant été à la suite de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 et de l’ouragan Katrina en août 2005. Cela renforce, si besoin était, la gravité d’une situation prévue dès février 2011 dans « L’héritage de Kadhafi aux marchés pétroliers ».
Guy Gweth, Conseil en intelligence stratégique
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