Nous observons la crise de l’industrie automobile française. Cette crise, n’est pas uniquement économique et sociale, elle est aussi technologique et stratégique.
En effet, l’industrie automobile française s’étant recentrée depuis quelques décennies sur la production de voitures de tourisme de moyenne gamme, pour un marché presque exclusivement européen, elle a des difficultés pour traverser la crise actuelle. Sur cette gamme, l’industrie automobile française doit faire face à une concurrence farouche, tant au sein de l’Europe (Volkswagen en Allemagne, Fiat en Italie…) que du reste du monde avec notamment l’Asie (surtout le Japon et la Corée). L’industrie automobile française a aussi abandonné il y a plus de quarante ans, les véhicules d’exception et sportif, au profit de l’Allemagne, principalement.
Aujourd’hui le positionnement des marques françaises est de moins en moins en adéquation avec son marché, peu compétitif face à la concurrence étrangère, malgré des efforts technologiques et d’optimisations des coûts – délocalisations, sous-traitance, etc…. Pire, on prévoit dans un avenir proche l’arrivée sur le marché de certains géants issus des pays émergents, comme l’Indien Tata. De nombreux pays émergents envisagent de produire des automobiles, à des coûts défiant toute concurrence. Ces véhicules produits utiliseront des technologies déjà éprouvées, à moteur à explosion, avec des carburants fossiles, et majoritairement de basse et moyenne gamme. La puissance industrielle de ces pays (Chine, Inde…) et leur compétitivité affaibliront encore notre industrie, prise en tenaille entre la compétitivité de la qualité allemande et la compétitivité prix de ces pays émergents.
En revanche, on constate, en France, la multiplication des projets de voitures électriques, du fait des préoccupations environnementales et énergétiques. Pour le moment, la technologie est encore balbutiante malgré quelques progrès. Et si les avancées ne permettent pas encore une vraie commercialisation en raison de problèmes de fiabilité et d’autonomie, on parvient néanmoins à proposer des véhicules adaptés à un usage urbain. Mais la France, par sa maîtrise et son niveau technologique, dispose d’une forte expérience en termes de motorisation électrique. Cet atout allié à sa maîtrise de l’industrie automobile, autorise un réel espoir pour que la France devienne un des pays phare des véhicules de demain. Son marché intérieur et ceux de ces voisins est moralement : par une prise de conscience environnementale globale ; techniquement : ses infrastructures routières et électriques sont développées ; et économiquement : son pouvoir d’achat est encore puissant ; prêt pour recevoir les véhicules électriques.
Ainsi, si la France saisit cette opportunité, elle peut entrer dans un marché de niche avec un avantage concurrentiel par sa technologie, car cette dernière surpasse ses concurrents asiatiques et égale celle de ces voisins européens. De plus, elle ne se soumet plus à la concurrence technique et affective des véhicules à moteurs à explosion, dont de grandes marques emblématiques étaient leaders, souvent des marques allemandes de prestige. Les marques automobiles françaises pourront même changer leur image de marque. Cet objectif n’est absolument pas utopique, car il existe encore des chaines de montage en France, et les modifications à apporter sur les chaines de production ne concerneront que l’aspect motorisation, car la carrosserie ou l’intérieur resteront inchangés. Et pour ce qui relève de la formation des mécaniciens-motoristes, cela fait près d’un siècle que nous utilisons des moteurs électriques dans les usines, dans l’électroménager par exemple, ce qui relativise le problème technique et humain.
L’idée de recentrer la production des marques automobiles françaises n’est pas une utopie, c’est un projet tout à fait crédible et pertinent qui pourrait sauver le secteur, mais pour cela il faut vaincre différents lobbies, pétroliers notamment, mais aussi l’Etat, qui pourrait perdre ses rentes venant de la TIPP. Une importante partie de l’avenir industriel français et de l’emploi peut se jouer sur la validation de ce virage stratégique. Actuellement, de nombreux projets sont présentés, mais restent souvent de timides prototypes ou pire, des délires créatifs sans véritables volontés stratégiques. Car en plus de sauver ou de relancer un de ces secteurs clés avec toutes les conséquences économiques et sociales qui en découlent, la France aurait une occasion de revenir sur le créneau du luxe et de l’excellence, par exemple avec le projet du jeune constructeur Nivernais Exagon Motors et sa Furtive eGT. Ou encore relancer la compétition automobile – à quand les 24h du Mans électriques ? -, afin de renouer avec l’effervescence sportive et technologique si dynamisante, telle que ce fut le cas durant le XXe siècle pour l’histoire de l’automobile.
Harold Blanot