Négociation du nucléaire iranien : les enjeux économiques de la levée des sanctions

Alors que les négociations sur le nucléaire iranien ont repris le mois dernier, Hassan Rohani tente d’obtenir la levée de l’embargo qui met en péril l’économie de son pays. Si la signature d’un accord serait bénéfique à l’économie iranienne, l’aboutissement des négociations représenterait également un tournant stratégique pour tous les pays à la recherche de débouchés. La France est l’un d’entre eux et doit anticiper dès à présent !

Les négociations sur le nucléaire iranien ont repris le mois dernier. Elles devraient aboutir à un nouvel accord entre le groupe des 5+1 (les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne) et Téhéran avant le 1er Juin prochain. Cette date paraît cruciale pour l’Iran, mais pour comprendre l’importance de cette renégociation, il convient de remonter aux sources du projet nucléaire iranien.

Historique du nucléaire iranien et implications économiques

Lancé par le Shah à l’époque impériale puis abandonné provisoirement, le projet nucléaire iranien est repris secrètement quelques années plus tard par la République islamique, alors qu’elle se sent menacée par les conflits qui éclatent au Proche Orient. Lorsque la communauté internationale l’apprend en 2002, elle veut imposer à l’Iran un certain nombre de conditions, que l’Iran refuse. Le pays est alors soumis à de nombreuses sanctions imposées par l’ONU, en plus de l’embargo pétrolier décidé par l’Union Européenne et les Etats-Unis. Il faudra attendre l’automne 2013 pour que de véritables avancées lors des négociations aient lieu, impulsées par Hassan Rohani.

Durant toute cette période, l’économie iranienne a été largement affectée par les sanctions: les recettes pétrolières ont chuté, l’économie est en récession et l’inflation est colossale – elle atteint jusqu’à 50% sur certains produits en 2012. Dans ce contexte diplomatique tendu, les entreprises des pays ne soutenant pas l’Iran sont peu présentes sur son territoire et les relations économiques se sont vues réduites, sauf pour quelques exceptions telles que l’Allemagne, dont les exportations vers l’Iran représentent environ 5 milliards de dollars en 2009, soit plus du double de celles de la France.

Les opportunités de la levée potentielle des sanctions

A la veille de la signature d’un possible accord sur le nucléaire, les Etats se positionnent diplomatiquement et économiquement de façon à pouvoir tirer parti de la décision qui sera prise, quelle qu’elle soit. Les Etats-Unis voient par exemple l’Iran comme un marché potentiel où leurs industries pourraient s’implanter. Il est vrai qu’un pays de 80 millions d’habitants (dont 70% ont moins de 35 ans), dans lequel la population est éduquée et impatiente d’intégrer le modèle de consommation occidental, représente un marché précieux pour toutes les entreprises à la recherche de débouchés. Les Etats prennent en compte ce paramètre non négligeable et certains acteurs économiques ont d’ailleurs commencé le travail de prospection et de recueil d’informations sur le terrain. En effet, des délégations de représentants étatiques et de commerciaux de sociétés privées se rendent en Iran de façon à être prêts en Juin, si la négociation débouche sur la levée des sanctions et sur l’ouverture économique de l’Iran.

Bien que Laurent Fabius ait milité pour lever une partie des sanctions sur le secteur automobile de façon à aider Peugeot et Renault fin 2013, il reste à préparer les entreprises des autres secteurs à s’implanter en Iran. Cette préparation en amont est nécessaire si l’on veut que la France saisisse l’opportunité que représente la potentielle ouverture de l’Iran. Elle inclue, entre autre, la compréhension du système législatif iranien et le repérage des secteurs porteurs dans le pays.

Un environnement propice à l’investissement

Les investissements étrangers sont encadrés par la loi FIPPA de Promotion et Protection des Investissements Etrangers, ratifiée en 2002, qui procure un cadre légal stable et un environnement opérationnel clair pour les investisseurs étrangers en Iran. Les entreprises désireuses d’investir dans le pays doivent s’adresser à l’Organisation pour l’Investissement, l’Aide Economique et Technique de l’Iran (OIETAI), institution dépendante du Ministère de l’économie et des finances en charge d’assister les entreprises étrangères. La législation iranienne veut donc faciliter les investissements étrangers. De plus, des mesures de protection offrent les garanties nécessaires aux investisseurs, ce qui devrait motiver les entreprises françaises à traiter l’Iran comme un territoire d’investissement clef.

Si la connaissance de la législation est nécessaire, il convient également pour les entreprises de repérer les secteurs porteurs dans l’économie iranienne. L’un des principaux secteurs est, sans surprise, la pétrochimie. Avec 9,1% des réserves mondiales, l’Iran est le 3ème pays détenteur de pétrole du monde. Les entreprises étrangères peuvent acquérir certains produits pétrochimiques et pétroliers via le ministère de Pétrole ou encore par le biais de l’Iran Mercantile Echange. L’Etat iranien prévoit d’investir massivement dans le secteur, ce qui le rend encore plus attractif aux yeux des investisseurs. L’aviation civile serait également un secteur porteur dans le cas de la levée de l’embargo. Ce dernier empêchait les compagnies nationales d’acquérir des avions neufs auprès de Boeing ou d’Airbus, ce qui explique l’état catastrophique des appareils iraniens actuels. Iran Air, impatient de pouvoir acheter de nouveaux avions de ligne, pourrait donc devenir un client d’Airbus. Au-delà de la pétrochimie et de l’aviation civile, de nombreux autres secteurs attendent l’ouverture de l’Iran pour se développer: l’automobile, la pharmaceutique, les cosmétiques, l’agriculture et le BTP en font partie.

Si l’Iran est aujourd’hui dans une situation préoccupante, la négociation de l’accord sur le nucléaire et les conséquences qu’elle engendrera sur l’économie iranienne pourraient bien faire changer la donne. Bien qu’il faille attendre encore quelques mois pour connaître le sort de l’Iran, les entreprises françaises doivent, dès aujourd’hui, travailler sur leur stratégie vis-à-vis de ce pays si elles ne veulent pas se faire doubler par les concurrentes étrangères, déjà bien préparées à saisir les opportunités qu’engendrerait l’ouverture de l’Iran.

Camille SOULES


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