Compte–rendu de conférence : la Fabrique de l’IE

Le jeudi 12 mars 2015, la « Fabrique de l’IE », organisation de l’Ecole de management de Grenoble te de l’Ecole de management de Normandie recevait Bernard BESSON pour un atelier débat autour du « test 1000 », outil d’évaluation des pratiques IE dans l’entreprise qu’il a créé. Le Portail de l’IE y a assisté.

Le test 1000, de quoi s’agit-il ?

Le « test 1000 » est un outil d’évaluation des actions d’IE mises en œuvre dans l’entreprise. Il est totalement libre de droit et gratuit, en téléchargement sur internet. Il a pour but d’ouvrir le débat sur l’adoption de mesures d’IE, sur la base de résultats empiriques.

Il se décompose en 3 catégories de questions et 8 chapitres, chacune de ces catégories se voyant attribuer un code couleur : bleues, rouges, et vertes.

Le test 1000, comment ça marche ?

  • La couleur « bleue » : l’intelligence stratégique

Les problématiques liées à l’information, sa collecte, son stockage, sa valorisation, sa circulation, sa protection sont les principales failles des entreprises françaises, et ce quelle que soit leur taille.

Cette catégorie de questions comporte cinq chapitres : les sources d’information de l’entreprise, l’organisation structurée des processus de veille, le partage de l’information et des connaissances, la mémorisation de l’information et des connaissances, les réseaux et actions d’influence de l’entreprise.

Cette thématique est cruciale car dans l’IE, le point fondamental réside dans le questionnement préalable à l’exercice de veille. Or, trop souvent, les différents veilleurs sont isolés et ne communiquent pas, ce qui ne permet pas de découvrir quelles questions sont posées et celles qui ne le sont pas.

Désormais le partage de l’information est plus encore qu’impératif, simplement inévitable, étant donné la prégnance des capacités des nouvelles technologies de l’information et de communication. Celles-ci offrent en effet la capacité d’ubiquité, il n’existe plus de distinction intérieur-extérieur. Cependant, le management n’a pas encore suffisamment évolué et ne permet pas d’en tirer aujourd’hui la quintessence.

Les réseaux relationnels sont fondamentaux pour l’entreprise. La richesse de celle-ci réside dans la richesse des personnes qui la composent. Une entreprise de 50 personnes, c’est un réseau de 500 personnes mises en interaction. La constitution du réseau, l’élargissement de l’entreprise, est un programme pluriannel qui doit faire l’objet d’efforts et investissements constants et permanents.

  • La couleur « rouge » : l’intelligence des risques

Si les thèmes relatifs aux risques et à la protection ne sont pas les seuls thèmes de l’IE, ils en font nécessairement partie. En effet, protéger l’entreprise et son capital autant matériel qu’immatériel est vital. Une démarche de protection sera d’autant plus efficace qu’elle sera le fruit d’une initiative mettant en œuvre une vision globale.

Les entreprises sont tout d’abord aux prises avec des problèmes de sureté (accidents) et sécurité (actes de malveillance). Pour y répondre, on a constitué les normes ISO (28000, 31000, etc.). L’adoption de ces normes répond à une démarche volontariste et planifiée d’acteurs internationaux qui ont une vision stratégique et politique.

Cependant, de nouveaux risques de sureté et sécurité émergent : les risques environnementaux. Ils pourront toucher la chaîne de valeur au niveau physique : évènements climatiques, modifications des climats, etc., mais aussi la réputation de l’entreprise : cas de pollution par exemple.

Viennent ensuite les risques managériaux, qui sont le deuxième chapitre des risques de sureté/sécurité auxquels l’entreprise doit faire face et qui sont mesurés par le test 1000.

  • La couleur « verte » : l’innovation

Dans cette série de questions, on va analyser les pratiques en vigueur dans l’entreprise pour adopter un point de vue différent sur celles-ci. Trois thématiques seront utilement abordées dans les entreprises.

Tout d’abord la modélisation : découvrir les autres salariés de l’entreprise, leurs enjeux, leurs difficultés, leurs compétences et leurs atouts.

Ensuite la prévision : il s’agit du fait de pouvoir accéder à des données auxquelles on n’aurait pas imaginé pouvoir accéder. Ce sujet est l’une des faiblesses des entreprises françaises : elles divulguent souvent volontairement des informations auxquelles elles n’auront plus accès ensuite.

Enfin, l’anticipation. Ce domaine fait appel à l’intuition de l’entrepreneur pour imaginer ce que sera l’avenir de son modèle économique, ses produits, sa clientèle, ses concurrents. Cette capacité de projection permet d’accélérer la croissance mais aussi de prévoir la décroissance, pour inscrire l’entreprise dans d’autres schémas et modèles. L’entreprise est multidimensionnelle : elle est publique, citoyenne, business, non-business, politique. Elle est par essence éphémère. Seule la capacité intellectuelle des personnes la composant est durable.

Quel apport pour quelles entreprises ?

Toutes les entreprises françaises peuvent retirer des bénéfices du fait de se soumettre au test 1000, car qu’elle que soit leur taille, des caractéristiques communes apparaissent.

Elles ont une excellente créativité. Mais il est difficile de traduire ensuite ces découvertes en innovations par manque de capacités juridiques et d’accès aux sources de financement.

Les domaines d’activité relatifs à la sécurité et la sureté sont des domaines d’excellence française. Mais par manque de vision stratégique et politique de l’utilisation des innovations ainsi produites, les normes s’appuyant sur elles sont très souvent le fait d’autres pays ou institutions internationales que la France. La prise en compte des risques environnementaux est également un secteur d’excellence des entreprises françaises.

Faisant écho à la structure et au fonctionnement de notre société, les aspects informationnels, réseau, influence, contre-influence, partage et circulation de l’information sont des points de difficulté des entreprises françaises. Le fonctionnement en silo et la moindre profondeur politique sont indéniablement des freins aux capacités d’expansion des entreprises françaises. Elles ne capitalisent pas en image et en influence leurs excellentes compétences techniques.

Le corollaire en termes de fonctionnement de l’entreprise est une aptitude managériale assez moyenne, inférieure à celle constatée dans la plupart des pays en concurrence avec la France.

Pour répondre à ces constats et analyses, le test 1000 est utilisable dans toutes les entreprises. Son efficacité est d’autant plus grande que le panel d’employés l’ayant rempli est large. L’analyse et la capitalisation des résultats doit donner lieu à des débats, des rencontres pour échanger autour des expériences et process de l’entreprises et créer de nouvelles synergies. Il est fort probable qu’en mettant en évidence des inégalités d’accès à l’information, les résultats puissent provoquer des tensions. Celles-ci permettront, paradoxalement d’ouvrir des chantiers managériaux jusque là tabous et d’adopter un point de vue nouveau finalement profitable.

Idéalement, les 8 séries de questions pourront donner lieu à 8 réunions. Au cours de celles-ci, on recrée le forum antique, cette place centrale de la Cité sur laquelle chacun vient regarder ce que font les autres. L’employé-citoyen de son entreprise aura ainsi l’occasion de visiter les savoir-faire détenus par l’entreprise et s’approprier la culture de celle-ci au travers d’une démarche interdisciplinaire. Ce qui importe n’est plus tant alors l’organigramme fonctionnel mais l’adhésion aux buts et objectifs de l’entreprise.

La démarche de ce test 1000, ouverte sur les autres, forçant au dialogue, à l’approche interdisciplinaire et croisée est finalement emblématique de l’IE. Celle-ci ne privilégie pas un prisme mais appuie bien sur une approche multidimensionnelle et multifactorielle de l’analyse d’une situation économique et/ou d’une entreprise. Le test 1000 est donc un outil d’évaluation des pratiques de l’IE en entreprise qui mérite d’être mis en œuvre dans toutes les sociétés, quelle que soit leur taille et leur santé économique.

Eric Barbosa