Au mois de novembre 2014, la RATP crée la surprise et est choisie pour monter de toutes pièces le réseau de bus de la ville de Riyad en Arabie Saoudite. Florence Rodet, nommée secrétaire générale de RATP Dev le 1er janvier 2014, dévoile au portail de l’IE ses fonctions et nous parle d’intelligence économique.
Portail de l’IE : Bonjour Madame Rodet, tout d’abord, qu’est-ce que la RATP Dev?
Florence Rodet : La RATP Dev est la filiale de développement de la RATP hors Ile-de-France sur les métiers d’exploitation et de maintenance. Présente dans 15 pays dans le monde, elle emploie plus de 15 000 salariés. La Grande-Bretagne et la France ont les plus gros portefeuilles (bus, tramway, mode ferré, téléphérique : comme celui de Genève par exemple). RATP Dev est une jeune société, qui a grandi très rapidement. Elle a atteint 1 milliard de chiffre d’affaires en 12 ans.
PIE : Que signifie être Secrétaire Générale de la RATP Dev ?
F.R. : Les Secrétaires Généraux ont des fonctions très diverses dans les entreprises. En tout premier lieu je suis au cœur de la gouvernance ; celle-ci assure le bon fonctionnement des instances de décision des entreprises, valide la stratégie, contrôle les budgets, et statue sur les projets tels les appels d’offre et les acquisitions d’entreprises.
Mais mes fonctions englobent aussi la direction de la communication, la stratégie, le pilotage du projet d’entreprise, les relations institutionnelles et, plus globalement, les projets transversaux comme par exemple piloter le déménagement du siège. Dans ce cadre, je veille particulièrement à la cohésion des équipes qui doivent travailler ensemble, pour faire émerger une dynamique.
PIE : Vous avez, il y a quelques années, suivie une formation en intelligence économique. Pourquoi ?
F.R. : Je travaillais à l’époque à la RATP, pas encore à RATP Dev. J’avais envie de changer, j’étais intéressée par les questions de lobbying. J’ai toujours, à travers mes fonctions, approché plus ou moins le lobbying. J’avais envie d’améliorer mes connaissances par l’acquisition d’outils performants.
PIE : En quoi l’IE vous sert au quotidien dans vos fonctions ?
F.R. : A RATP Dev, on parle plutôt d’intelligence stratégique. Je n’utilise pas systématiquement et en direct les techniques de l’IE. Mon objectif est en revanche de diffuser largement un état d’esprit et des réflexes qui permettent d’être plus performants sur nos marchés, dans notre organisation : il faut anticiper l’évolution du comportement des marchés et des concurrents par une veille concurrentielle efficace sur les pays, sur notre marché des transports, sur les marchés colatéraux qui peuvent émerger ou bien encore sur les outils digitaux au fort impact.
L’exemple de l’entreprise Uber qui a bouleversé le service des taxis est édifiant. Il faut pouvoir être capable aujourd’hui de gagner des marchés rapidement ce qui nécessite d’élargir nos compétences, de gagner en maturité. A l’instar de l’individu, la maturité des organisations a besoin de temps, rien ne sert de brusquer les choses. En réalité, pour que le concept d’intelligence économique et d’influence tels qu’ils sont enseignés à l’EGE s’installent, de nombreux facteurs doivent interagir : taille et complexité des projets, nature des challenges à relever, croissance de l’entreprise etc.
PIE : Qu’est-ce qui différencie le savoir- faire de RATP Dev du réseau des autres métropoles ?
F.R. : RATP Dev est un démonstrateur des savoir-faire de la RATP qui constitue une référence partout dans le monde. Il y a des techniques que nous sommes les seuls à Aujourd’hui, le pôle compte plus de 2000 ingénieurs regroupés en Ile de France.
C’est un fleuron de l’industrie des transports qui doit conserver cette excellence. Evoluant dans un secteur des transports porteur, RATP Dev gagne des marchés. Cependant, la concurrence s’est accrue. Et, tous les concurrents sont potentiellement dangereux, il ne faut en négliger aucun. Les anglo-saxons et les allemands, avec la Deutsche Bahn, sont très performants. Le métro MTR de Hong Kong investit l’Europe… C’est pour cela que la veille est très importante.
De nouveaux sujets apparaissent et il faut pouvoir anticiper : comment l’univers digital va-t-il impacter le ticketing par exemple ? Ou bien encore comment amener le transport aux usagers et non plus amener les usagers aux bus? Ces problématiques révolutionnaires nécessiteront une très grande capacité d’adaptation et de compréhension de l’environnement social et culturel. RATP Dev a remporté un grand marché de bus à Riyad (6 millions d’habitants) et ce succès dépasse les défis techniques pour englober les dimensions humaines, culturelles et politiques du pays dans lequel on arrive. C’est de bon augure pour la suite des projets à venir !
PIE : Comment voyez- vous l’avenir de RATP Dev dans dix ans ?
F.R. : En croissance rapide. Un règlement européen impose une ouverture du marché historique de la RATP à la concurrence. La fin de ce monopole représente bien sûr un risque de perte de parts de marché, mais c’est aussiune chance d’exporter nos savoir-faire dans un domaine d’excellence français. C’est la raison d’être de RATP DEV : nous frotter à la concurrence pour apprendre le marché, nous enrichir d’expériences nouvelles et ainsi, anticiper le mouvement.
Les règles de la concurrence ne sont pas celles du monopole. Adopter une démarche plus commerciale en vendant notre technologie aux grandes agglomérations des pays émergents pourra nous assurer un développement sain et vertueux. Pour remporter ces marchés face à la concurrence internationale, notre savoir-faire historiquement reconnu est un atout incontestable sur lequel s’appuie la stratégie de RATP Dev.
Propos recueillis par Margaux Walck et Sarah Rosenblatt