“Développement vs. Environnement”, les enjeux économiques de la COP 21

Tandis que se prépare à Paris la COP 21, ou « Conférence des Parties » des Nations Unies sur les changements climatiques, la France est sous les feux des projecteurs internationaux. Les enjeux sont de taille, cependant les premières étapes de la négociation i ont mis en exergue une possible incompatibilité entre les impératifs environnementaux et la situation des pays en voie de développement.

Du 30 novembre au 11 décembre 2015, la ville lumière se verra accueillir la « COP21 » : sommet international organisé par les Nations Unies qui vise à définir un nouvel agenda mondial autour du problème du réchauffement climatique. Cette rencontre est un évènement de haute volée, le plus grand évènement diplomatique accueilli par la France ces dernières années, car il a pour vocation de rassembler autour de la même table les acteurs de la scène internationale. Des campagnes très actives ont été lancées pour sensibiliser des pays face aux urgences environnementales. Un objectif guide la conférence, la mise en place des mesures pour maintenir le réchauffement climatique en deçà des 2°C.

La situation environnementale est annoncée comme critique, comme le rappelait une infographie publiée par Le Monde le 19 octobre 2015. Dans cette vidéo, 10 chiffres clés sont présentés, permettant alors au public de prendre conscience de l’importance de la COP21. Selon cette analyse, la planète pourrait perdre à terme 30% de sa biodiversité à cause du réchauffement climatique. Les campagnes de sensibilisation insistent tout particulièrement sur l’idée que ces enjeux sont globaux, qu’ils concernent toute la planète et non pas seulement quelques acteurs ou seulement les ONG intéressées par la protection environnementale.

COP 21: établir un agenda écologique pour tous

Cette dimension globale a été rappelée avec une grande insistance dans les plus récentes rencontres sur le thème de l’environnement. Par le passé, les participants à ces rencontres étaient principalement les grandes puissances post-industrielles occidentales telles que les puissances de l’Union Européenne. Lors de la ratification du protocole de Kyoto en 2012, certaines absences avaient été particulièrement notables comme celles de la Chine et des Etats-Unis. Depuis 2011 et la plate-forme de Durban, ces évènements ont accentué leur capacité à rassembler tous les pays autour de la table, afin de répondre au caractère planétaire de la crise environnementale.

Un autre caractère innovant de la COP21 est la volonté onusienne d’y établir un ensemble précis de régulations et de définir des méthodes pour parvenir aux résultats espérés par les acteurs de la protection de l’environnement. La participation à ce sommet se devra donc d’être plus que symbolique pour les différents états. Deux points sont vitaux pour la COP21 :

  • Une participation planétaire à la rencontre, tous les Etats devant se mobiliser autour du réchauffement climatique.
  • L’urgence de réellement mettre en place des mesures pour obtenir les résultats espérés, considérant l’urgence de la situation environnementale.

Si les intentions de la conférence sont tout à fait louables et les problèmes environnementaux réels, il semblerait que cet évènement soulève d’importants enjeux économiques qui pourraient être un frein à la réalisation de ses objectifs. Cela est apparu lors des réunions de préparation de la conférence qui se sont déroulées à Bonn. La semaine de négociations sur le problème du climat a été marquée par une certaine lenteur, aboutissant en mi-parcours à une demande de réécriture de certains chapitres du texte qui doit être ratifié à la COP 21.

“G 77 + Chine”, groupe de contestations des négociations de la COP21

Ces demandes et cette lenteur sont le résultat des protestations du « G 77 + Chine », une alliance de membres de l’ONU, qui soulève le problème du financement des mesures que la guerre contre le réchauffement climatique implique, particulièrement pour les pays en voie de développement. L’alliance « G 77 + Chine » s’est affirmée comme l’acteur redoutable des négociations préliminaires de Bonn en s’attaquant aux chapitres du texte portant sur l’indemnisation des dommages générés par le réchauffement climatique et en demandant des éclaircissements sur les financements promis par les pays du Nord aux pays du Sud.

Constitué lors de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement de juin 1964 le « G77 + Chine » regroupe aujourd’hui 134 des 195 pays de la Convention-cadre et représente 80% de la population mondiale. Ce sont principalement les pays du Sud, en voie de développement, ainsi que la Chine qui sont représentés par cette alliance. Le groupement « G 77 + Chine » a trouvé son origine dans le fait que le système onusien ne laissait qu’un faible poids aux pays en voie de développement par rapport aux traditionnelles grandes puissances. Afin de pouvoir influencer les prises de décisions et être en mesure de défendre leurs intérêts, les puissances moins importantes se sont alors regroupées. Différents ensembles sont ainsi présents dans le G 77, des ensembles thématiques tels que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais aussi des ensembles régionaux tels que le groupe des pays arabes.

Protéger l’environnement, un luxe des grandes puissances ?

Leur prise de parole lors des négociations de Bonn a mis en exergue la difficulté pour les pays en voie de développement de se soumettre aux demandes de l’agenda environnemental. Pour cause : de tels agendas sont coûteux. Comme l’annonce la note mise à disposition par le site Web de la COP21, « le financement d’un développement decarboné et d’investissements dans les énergies vertes exige de mobiliser entre 700 milliards et plus de 1 000 milliards de dollars par an ». Quelques mesures ont déjà été planifiées dans ce sens par la COP21, comme le déploiement d’un fonds de financement pour les pays du Sud. Cependant, la montée au créneau à Bonn de l’alliance laisse à supposer que cela pourrait se révéler incertain ou insuffisant.

Les enjeux économiques sont une réalité à part entière de la lutte pour la protection environnementale, particulièrement pour les pays en voie de développement car la période de développement sous-entend une forte industrialisation et entraîne généralement une exploitation massive des ressources à disposition. Ainsi, un agenda de type COP21 entraîne deux types de problématiques :

  • Le pays en voie de développement n’a peut-être tout simplement pas les moyens pour poursuivre une politique de protection de l’environnement puisqu’il est encore dans les premières phases de son développement. C’est le cas par exemple pour certains pays africains.
  • Les politiques environnementales s’attaquent aux bases mêmes de l’économie du pays en question. C’est le cas par exemple pour les pays arabes présents dans le G 77, qui, du fait de la nature de leurs revenus, se sentent menacés par les discussions sur les énergies fossiles.

Participation des entreprises, véritable solution pour le financement de l’agenda écologique ?

Sur cette question du financement de la conférence et des mesures à prendre qui en découleront, la solution proposée par les organisateurs a été la hausse de l’intégration des entreprises, les invitant à jouer un rôle de mécène et à participer aux négociations. Les entreprises participant ainsi à la conférence se verront attribuer un label « COP21 » pendant un an. Pour Laurent Fabius, cette participation des entreprises a tout son sens, car « la COP21 n’est pas seulement une COP (conférence des parties) pour les gouvernements. C’est aussi une conférence des solutions associant entreprises, collectivités et société civile. Nous avons besoin d’eux pour réussir la COP, d’un point de vue environnemental et climatique mais aussi matériel. Ces partenariats […] nous permettent d’assurer un haut niveau d’exigence environnementale grâce aux solutions que les entreprises proposent. Cela permet aussi d’alléger au maximum la facture pour le contribuable”. Brice Lalonde, conseiller spécial pour le développement durable à l’ONU, va plus loin dans la justification de cette participation, la décrivant comme nécessaire à la réussite de l’agenda écologique. Pour lui, c’est la faible présence des entreprises dans les conférences précédentes qui expliquent en partie la faible réalisation des mesures décidées.

Cette initiative suscite cependant de vives polémiques. Des organismes de protection environnementale tels que Les Amis de la Terre, Attac France, le Corporate Europe Observatory, WECF et 350.org ont dénoncé la « non climato-compatibilité » des entreprises figurant sur la liste des négociations dans un communiqué commun. Avec comme mécènes de la COP21 des entreprises telles que EDF, Air France, ou encore Renault-Nissan, les ONG dénoncent une main mise sur les discussions de la conférence par des entreprises qu’elles qualifient de grands pollueurs et redoutent que ces entreprises cherchent à orienter les discussions en fonction de leurs intérêts, détournant la COP21 de son objectif premier.

Etat des choses incertain à l’approche de l’ouverture de la COP21

Un véritable paradoxe se dessine donc entre l’impératif de développement et la situation d’urgence écologique. Cela se révèle déjà au stade des négociations et il est à prévoir que cela s’affirmera encore plus lors des discussions de la fin d’année à Paris. Une prise de conscience des enjeux économiques conséquents liés au réchauffement économique s’annonce comme impérative si les acteurs de la scène internationale souhaitent réellement pallier à la situation d’urgence environnementale et il ne semble pas certain qu’une plus grande participation des entreprises soit la solution au problème…