Pour la COP 21, Le parti Europe Écologie Les Verts (EELV) en Île-de-France a monté une stratégie d’influence efficace sur les réseaux sociaux et en particulier sur Twitter. Leur tactique : tenter de transformer un engagement virtuel en un engagement politique.
A l’occasion de la COP21, EELV Île-de-France vous propose de devenir « ambassadeur Twitter » et de « prêter votre voix » au parti sur le réseau social. « Twitter est l’un des lieux privilégiés du débat » explique la page dédiée du site, et il serait important de « relayer pour augmenter [l’] audience » du parti. Le choix des mots évoque rapidement une énième stratégie d’astroturfing automatisé. Il s’agit dans les faits d’un mouvement d’influence plus subtil.
Peut-on vraiment parler d’astroturfing ?
L’Astroturfing est un procédé qui consiste à simuler la spontanéité d’un mouvement à des fins politiques ou économiques. L’objectif est de surreprésenter l’idée pour que l’effet de mode absorbe les esprits indécis. En pratique, il s’agit d’influer le cours de l’information sur l’internet participatif par diverses méthodes. Les plus connues sont la manipulation de sondages, le flood et le troll, méthodiquement mis en œuvre dans les commentaires et sur les réseaux sociaux. Des méthodes moins fines vont jusqu’à automatiser ces participations via des robots. En 2011, dans la préparation des élections présidentielles, les jeunes de l’UMP mettent ainsi en place l’outil Twitpop. Il permet aux inconditionnels du parti de confier leurs comptes Twitter pour qu’ils publient et retweetent automatiquement les publications de la campagne. L’équivalent socialiste est rapidement mis en place avec le site: toushollande.fr. En poussant la technique plus loin et en l’industrialisant, les Sud-coréens auraient mis en place en 2012 une campagne de diffamation industrielle automatisée ayant engendré près de 24 millions de tweets pour écarter un candidat.
Très loin des robots et des réseaux de comptes « zombies », la stratégie d’EELV IDF est plus fine. La page dédiée aux ambassadeurs précise :
« Vous recevrez de temps en temps (par messages privés directement sur Twitter) les tweets importants que nous vous proposerons de relayer pour augmenter leur audience ! »
Il s’agit plutôt de s’inscrire à un listing de comptes Twitter auxquels ils écriront en message privé pour les stimuler et les « impliquer activement dans [leur] communication numérique ». La stimulation de ce réseau pour une publication donnée permettra probablement de déclencher artificiellement un phénomène viral.
De la publication stimulée en réseau au recrutement
La stratégie de la publication stimulée en réseaux est assez répandue en interne dans les associations et les partis politiques. Elle consiste à envoyer aux membres du réseau directement des liens vers les tweets stratégiques, pour qu’ils commentent et partagent. La progression organique du message s’en voit ainsi fluidifiée.
EELV Île-de-France décide par son système d’ « ambassadeur » de ratisser plus large et d’étendre son réseau aux cyber-sympathisants. Pour ce faire, le compte Twitter @EELVIdF cible des comptes susceptibles d’adhérer à son programme politique. A l’occasion de la COP21, les hashtags environnementaux sont un marqueur de choix pour les identifier. Le parti leur envoie ensuite un message personnel proposant, « au cœur de la COP21 et des régionales », de les « aider à diffuser à grande échelle les valeurs défendues par le projet écologiste en Île-de-France ».
Pour trouver de nouveaux relais d’opinion, EELV IDF a choisi d’impliquer des contributeurs extérieurs à son équipe de web-campagne. Il s’agit de relais peu informés et peu impliqués auxquels on offre un premier engagement. S’il en coûte peu à un sympathisant de recevoir une sollicitation au retweet une fois de temps en temps, c’est un premier pas dans l’adhésion que de dire : « Je souhaite devenir ambassadeur EELV Île-de-France ».
Sur Twitter, la stratégie d’influence d’EELV IDF est donc composite. Elle combine la publication stimulée en réseaux à une forme de recrutement en ligne peu engageant. EELV essaye ainsi de capter un activisme virtuel, issu des réseaux sociaux, pour éventuellement le mener plus loin.
Albert de Mereuil