Le survol de 5 centrales nucléaires la semaine du 13 au 20 octobre a jeté la lumière sur la question de l’utilisation des drones en France. Ici, associés à des activités de surveillance illégales, ces dispositifs restent méconnus. Pourtant, ces aéronefs télécommandés ou autonomes envahissent peu à peu notre quotidien. L’avenir passe-t-il aujourd’hui par le drone ?
Le Portail de l’IE revient sur les drones, un phénomène déjà étudié, mais dont les évolutions récentes poussent à une analyse plus approfondie. Depuis deux ans en effet, les anecdotes et faits divers impliquant ces « bourdons » se sont multipliés. Tout d’abord réservés dans le monde civil à une communauté d’initiés sur le marché du ludique, le potentiel commercial de ces dispositifs technologiques n’est apparu que tardivement.
C’est au mois de décembre 2013 qu’une première révolution est apparue : Jeff Bezos, PDG d’Amazon, dévoile son ambition de créer un système de livraison entièrement automatisé intitulé Amazon Prime Air. Grâce à l’établissement d’une flotte de drones dans chacun de ses points relais, le groupe de e-commerce espère alors pouvoir innover dans le secteur de la livraison de proximité.
Depuis, les drones se répandent et sont étudiés afin d’être utilisés sur de nombreux domaines transverses. S’agit-il d’un effet de mode ou l’engouement pour l’industrie du drone est-il réel ?
Un marché encore récent…
Le Sénat, dans un rapport daté du 12 juin 2013 sur les perspectives d’évolution de l’aviation civile, a intégré dans son étude un nouveau secteur considéré comme une source « d’enjeux industriels potentiellement importants » : les drones civils. De manière assez paradoxale, alors même que les industries aéronautiques nationales sont considérées comme en retard sur leur utilisation dans le domaine militaire, la France a fait le pari de se positionner sur leur développement civil.
Les régions s’en sont fait le premier relai et font preuve d’un fort dynamisme dans le domaine. L’Aquitaine notamment, a donné naissance en 2010 au cluster AETOS en partenariat avec Thalès. Fédérant PME, grands Groupes de l’aéronautique (EADS, Thalès, Dassault, Safran), laboratoires et universités, le bassin a pour vocation de financer des projets collaboratifs de R&D et de centraliser les demandes dans le domaine autour d’un seul acteur.
Aujourd’hui, ce positionnement a payé et la France est devenue l’un des leaders mondiaux de l’industrie du drone. Ces dernières ont su saisir leur chance, portées par une conjoncture favorable. De nombreux acteurs se sont positionnés sur ce marché et participent au développement de ces aéronefs. On peut par exemple citer des entreprises comme Redbird, Parrot ou encore Fly-N-Sense. L’institut Xerfi notamment dans une étude publiée au mois de mars 2014 estimait à 288 millions d’euros le chiffre d’affaires potentiel des fabricants français de drones en 2015.
… galvanisé par une forte versatilité des applications
Une question se pose alors : pourquoi un tel intérêt ? Livraison, sécurité publique, détection d’incendies, agriculture, médias, secours, surveillance d’exploitations etc… Le champ d’application du drone civil semble aujourd’hui presque illimité. Inhérent à cela ce sont des marchés qui s’ouvrent en termes de perfectionnement technique. De nombreux donneurs d’ordres font appel aux capacités uniques de ces appareils :[1] France Télévisions par exemple les utilise dans ses reportages et sur le Tour de France ; et GRTgaz, filiale de GDF Suez, s’en sert comme outil de surveillance des réseaux de gazoducs.
Prototype Pars (drones de secours) développé par RTS Lab à Téhéran
Pour ces grands acteurs, la seule limitation dans l’utilisation de tels dispositifs se trouve au niveau de leur durée d’utilisation. Celle-ci est encore trop limitée, c’est pourquoi un marché s’ouvrira aux acteurs capables de créer des batteries à la fois miniatures, puissantes et modulables selon les besoins du drones
Se pose aussi la question de la charge utile : que peut-on installer sur l’aéronef et à quelles fins ? Par ce terme est désigné tout équipement embarqué permettant la réalisation d’une mission : capteurs électro-optiques (caméras), électromagnétiques (radars), chimiques, biologiques, bio-senseurs ou encore calculateurs.[2] Ces équipements constituent un marché en lien direct avec les aéronefs eux-mêmes et de facto déterminent quels usages en seront faits. Leur utilisation et leur fiabilité représentent un véritable défi pour les constructeurs de drones. Selon Emmanuel de Maistre, président de Redbird et de la Fédération professionnelle du drone civil, grâce à eux, « les drones pourraient prendre une partie des marchés existants liés aux satellites, aux avions et aux hélicoptères ».
Enfin, les installations au sol nécessaires au traitement des données représentent un marché et une opportunité pour toute entreprise de traitement ou de logiciel spécialisées dans la collecte et la mise en valeur d’informations.[3] Celles-ci sont en effet récoltées en vue d’une exploitation par l’opérateur et supposent un équipement adéquat. Ce sont des procédures lourdes, nécessitant un certain savoir-faire.
Une évolution vers une économie de services ?
C’est sur la complexité des structures mobilisées que se trouvent aujourd’hui les limites du modèle de développement des drones. Il est incorrect aujourd’hui de penser seulement en termes d’aéronefs : on parle aujourd’hui de systèmes de drones. Selon Emmanuel de Maistre toujours, « les d’entreprises ont beaucoup investi, conçu des produits rentables mais les clients hésitent ». Les besoins des clients sont variés et recherchent plus l’usage que la plateforme.
Des entreprises telles que Delta Drone – ayant remporté un contrat auprès d’ERDF – l’ont bien compris et proposent donc aux demandeurs un suivi complet sur l’ensemble de la chaîne : du déploiement de l’appareil jusqu’à la remise de données analysées. Actuellement, il est difficile de vendre un drone en tant que tel. L’industrie multimédia – qui en est le plus gros consommateur – arrive aujourd’hui à saturation et les constructeurs essaient de se tourner vers d’autres modèles de commercialisation. C’est ainsi une véritable économie de services qui émerge aujourd’hui.
Utiliser de tels dispositifs en interne est long et coûteux. Les temps de formation ne sont pas négligeables de même que les délais pour obtenir des brevets d’ULM auprès de la Direction Générale de l’Aviation Civile. Il est également nécessaire de connaître la législation mise en place par celle-ci sur les différents types de drones et leurs conditions de vol. En vigueur depuis 2012, elles doivent être amenées à évoluer en 2015 et en encadrer un peu plus l’utilisation.
Le secteur des drones en France, bien que soumis à une forte effervescence, reste balbutiant. Elle est le pays où l’utilisation de ces systèmes est la plus poussée, notamment grâce aux règles mises en place par la DGAC. Bien que contraignantes, celles-ci ont permis leur développement, contrairement aux Etats-Unis où seuls des vols d’essais sont permis. L’ouverture du marché américain justement représenterait une opportunité pour des entreprises françaises en quête de débouchés. L’entreprise Parrot l’a bien compris et a intégré le lobby Small UAV Coalition – supporté entre autres par Amazon – ayant pour mission d’influencer les décisions de la Direction de l’aviation civile américaine sur l’utilisation commerciale des drones.
Olivier Larrieu
Pour en savoir plus :
– Le drone sur le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. URL : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Quelle-place-pour-les-drones-dans.html
– Site de la fédération professionnelle du drone civil. URL : http://www.federation-drone.org/
– NORMAND J-M., La foire du drone, Blog LeMonde. URL : http://drones.blog.lemonde.fr/