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La déferlante Alibaba

Jack Ma (Ma Yun de son nom chinois), aussi appelé le « père de l’internet chinois », est le fondateur et directeur général du groupe chinois Alibaba. Avec un chiffre d’affaires de près de 248 milliards de dollars en 2013 et une entrée au Nasdaq en 2014, Ma Yun fait désormais partie des hommes les plus riches de Chine. Comment cet ancien professeur d’anglais est devenu en quelques clics le leader incontournable du web ?

Une ascension fulgurante

Peu doué à l’école, Ma Yun enchaîne les petits boulots dans sa jeunesse et devient notamment professeur d’anglais, langue dans laquelle il excelle. C’est ainsi qu’en 1995, il se rend aux Etats-Unis pour défendre une entreprise chinoise en instance de procédure contre une entreprise américaine. C’est à ce moment qu’il découvre Internet et toutes les opportunités de commerce qui s’offrent à lui avec ce nouvel outil encore inconnu en Chine. De retour au pays, il crée ChinaPages qui recense les entreprises chinoises désireuses de trouver des clients dans le monde entier. Le succès est au rendez-vous et constituera la base d’Alibaba, plateforme de mise en relations des entreprises du monde entier.

Ma Yun                                                                                                               Ma Yun au siège de TaoBao. ©ChinaDaily

C’est en 1999 que Ma Yun crée Alibaba.com après avoir levé 500 000 yuans (environ 65 000 euros) auprès de ses relations. Le site de B to B décolle rapidement et des investisseurs comme la banque Goldman Sachs ou Softbank vont y mobiliser des capitaux. L’appétit grandissant des chinois pour le e-commerce incite Ma Yun à développer d’autres sites tels que Taobao et Tmall mais également son propre système de paiement, Alipay.

Aujourd’hui, le groupe Alibaba représente 80% du commerce en ligne en Chine, et est devenu en l’espace de 2 ans le plus grand site de e-commerce d’Asie.

Des ambitions nationales mais aussi internationales

Les ambitions de Ma Yun ne s’arrêtent pas qu’au continent asiatique et le géant chinois tente de conquérir le monde entier. 2014 semble être l’année de tous les investissements pour Alibaba. En janvier, il investit dans le distributeur américain de mobilier de luxe FirstDibs. Un tiers du commerce de la société se faisant à l’extérieur des Etats-Unis, l’objectif de Ma Yun est de répondre à la forte demande chinoise pour les produits haut de gamme. La demande croît également dans le secteur touristique et de nombreuses agences de voyages chinoises et étrangères possèdent leur espace sur Taobao et Tmall. En investissant 20 millions de dollars dans ByeCity, qui propose des services touristiques à plus de 2000 agences de voyages, Alibaba propose ainsi un panel très varié de séjours dans le monde entier. 

Dans l’audiovisuel, Alibaba et Youku, site chinois de vidéos en streaming, ont récemment entamé des discussions pour que des publicités de Taobao et Tmall soient présentes dans les vidéos Youku. Alibaba se revendique comme la première industrie du divertissement en Chine et s’intéresse de près à d’éventuels partenariats américains et notamment à Hollywood. A ces fins, le groupe souhaiterait diffuser des films américains sur les tablettes et smartphones des utilisateurs chinois. C’est pourquoi, lors de sa dernière visite aux Etats-Unis, Ma Yun a également visité les locaux de Walt Disney, Warner Bros, Sony, Universal et Lions Gate.

En termes de logistique, avec ses 14 partenaires qui livrent chaque année des milliards de colis, Ma Yun ambitionne d’être capable de livrer 24/24 des marchandises dans toute la Chine, d’ici à quelques années. Pour renforcer son « arsenal » de livraison, il a ainsi créé en 2013 China Smart Logistics.

A l’international, Alibaba a investi 208 millions de dollars dans l’application de messagerie instantanée américaine Tango. Ma Yun a développé son application de messagerie Laiwang mais face à WeChat de Tencent, elle peine à décoller. La stratégie en investissant dans Tango pourrait être de s’allier à l’américain, qui compte 70 millions d’utilisateurs actifs chaque mois.

Aux vues de ces investissements divers et variés, il semblerait que Ma Yun souhaite développer ses activités en dehors de la Chine et plus précisément vers le continent américain. Les services de e-commerce du groupe chinois en seraient grandement améliorés, proposant aux consommateurs asiatiques de nouveaux produits et fonctionnalités, répondant ainsi à une demande de plus en plus croissante et exigeante.

De plus, Ma Yun a franchi une étape importante de son développement : en levant 25 milliards de dollars à Wall Street le 19 septembre 2014, le groupe Alibaba a réalisé la plus importante entrée en bourse de tous les temps. Ce record a accru la confiance des investisseurs et a même permis à plusieurs sociétés de technologies étrangères et notamment chinoises de tenter elles aussi l’aventure en bourse. Ce regain d’activité témoigne du dynamisme du secteur des technologies dans le monde entier, vecteur important de croissance.

Et après ?

Ma Yun a des idées bien précises en tête, qu’il dévoile peu à peu. Devenu le leader incontournable du web, il compte bien conquérir la Silicon Valley, une de ses plus grandes sources d’inspiration. Même s’il a déclaré ne pas vouloir racheter Paypal, dont Ebay va se séparer, Ma Yun souhaiterait discuter avec Apple d’une éventuelle coopération entre ApplePay, le nouveau système de paiement de l’IPhone et Alipay. Quelques jours après cette annonce du directeur d’Alibaba, le gouvernement chinois a annoncé que le système de paiement national accepterait dorénavant les compagnies étrangères telles que Visa, Mastercard et American Express, ce qui briserait le monopole d’UnionPay et donne plus de sens à la déclaration de Ma Yun concernant une alliance avec ApplePay qui est actuellement bloqué sur les IPhone vendus en Chine.

En termes de ventes en ligne, Alibaba a battu en quelques heures son propre record de 2013 lors de la journée des célibataires en Chine, le 11 novembre : en à peine une demi-journée plus de 4 milliards d’euros d’achats ont été effectués. Cela attise les appétits français qui aimeraient profiter de cet engouement pour la journée des célibataires, la France symbolisant le romantisme à l’état pur. Laurent Fabius a discuté avec Ma Yun en octobre dernier sur la possibilité de donner aux marques françaises une grande visibilité sur les sites de ventes en ligne du groupe, mais aussi à plus long terme de créer un hub d’implantation dans l’Hexagone pour livrer les produits européens vers les consommateurs chinois. Pour le moment il ne s’agit que de pourparlers, mais si jamais les choses se réalisent, Ebay et Amazon auront du souci à se faire concernant le marché européen. Pour Alibaba il s’agit surtout de se développer dans les produits haut de gamme et le luxe à la française, jouissant depuis toujours d’une très bonne réputation en Asie. Pour cela, Ma Yun soigne ses relations avec la France en garantissant un abaissement des droits d’entrée sur la plateforme Tmall afin de ne pas décourager les PME. Il s’engage également à guider et mettre en avant les entreprises françaises souhaitant tenter l’aventure du e-commerce en Chine.

Lors d’une interview, Ma Yun a déclaré qu’il restait proche du parti communiste chinois sans toutefois se marier avec lui. Cela se ressent dans les avancées du géant chinois qui réussit à bouder la bourse de Hong Kong au profit du Nasdaq, et dans sa capacité à obtenir du gouvernement la fin du monopole d’UnionPay, même si aucune déclaration officielle n’a été faite concernant le lien avec le souhait de Ma Yun de discuter avec Apple. Cette non-dépendance vis-à-vis du gouvernement chinois, en apparence du moins, donne confiance aux investisseurs étrangers et laisse présager un développement à l’international prospère pour le grand groupe chinois. 

Elodie Le Gal