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Interview de Christophe Audouin de la Lyonnaise des Eaux

Responsable veille de la Lyonnaise des Eaux, spécialiste de la gestion de l’eau, Christophe Audouin est le pionner de l’intelligence économique au sein de sa structure. Au détour d’une rencontre au Carrefour de l’Eau, il a accepté de répondre à nos questions. Dispositif de veille, réseau social d’entreprise, perception de l’IE et de ses diplômés, il revient en détails sur son expérience. Bonne lecture !

Bonjour Monsieur Audouin, tout d’abord, pourriez-vous vous présenter brièvement ainsi que votre parcours au sein de la Lyonnaise des Eaux ?

J’ai fait une formation mixte universitaire (écologie et chimie) et une école d’Ingénieur (ENTPE). Après mon service national en coopération en Indonésie, j’ai rejoint la Lyonnaise des Eaux où j’ai d’abord occupé à partir de 1992 des postes opérationnels et commerciaux dans différentes régions de France ainsi qu’en Asie du Sud Est .

Aujourd’hui en charge de la cellule, vous avez été à l’origine de la mise en place d’un plan de veille au sein de l’entreprise. En quoi cela a-t-il consisté ?

A la suite des positions précédemment citées, on m’a proposé le poste et donné feuille blanche pour créer une cellule de veille concurrentielle. Trois semaines plus tard, je présentais mon projet au comité de direction qui l’acceptait.

Quels « pans » avez-vous à charge ? Autour de quels axes faites vous tourner vos pratiques de veille ? Quelle place tient votre réseau social d’entreprise au sein du dispositif ?

Nous faisons une veille destinée à contribuer au développement commercial du Groupe : tant sur les volets opérationnel pour les équipes qui couvrent le territoire français, que stratégique, pour la direction et les fonctions support.

L’organisation répond au cycle du renseignement classique : définition des besoins, veille sur des sources numériques (presse, web) et humaines, recoupement, analyse, diffusion et capitalisation.

Le RSE est le système nerveux et la mémoire du système, il permet de faire circuler l’information dans un réseau de près de 500 acteurs commerciaux répartis sur tout le territoire national. C’est un élément essentiel de l’agilité du système qui repose aussi sur les évolutions des terminaux nomades et surtout sur le développement des usages numériques.

Pourquoi avoir choisi de mettre en place un réseau social d’entreprise (RSE) plutôt que d’autres dispositifs plus conventionnels ?

Après avoir constitué le réseau humain de veille animé par e-mail, j’avais identifié un double besoin : disposer d’un outil de gestion de connaissances et d’un outil de management de réseau. Trois mois plus tard, la DSI me proposait de tester une solution de réseau social interne qui pouvait répondre à cette double demande. La Communauté de veille a donc été la communauté pilote du RSE de l’entreprise.

Vers quelle boîte vous êtes vous tournés et pourquoi choisir une start-up s’est avéré être un avantage ? Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

Travailler depuis l’origine avec Bluekiwi – qui était encore en 2009 une startup – a représenté un avantage incroyable. Cela nous a permis de co-construire notre solution en s’adaptant aux usages des utilisateurs. Les difficultés ont probablement été de sous estimer la dimension d’apprentissage et la conduite du changement. Dans une vidéo qui circule encore sur Youtube nous parlions avec un excès d’optimisme de déploiement viral. En réalité, il a fallu acquérir une maîtrise des nouveaux usages numériques sur le plan technique et surtout comportemental : notions parfois contradictoires de partage et de sécurité de l’information.

En 2009 nous étions parmi les pionniers. Depuis, Bluekiwi est devenu une référence du secteur en étant racheté par Dassault System, puis par ATOS.

Quels sont les impacts sur l’activité de la Lyonnaise ? Une plus grande efficacité ?

Oui. Plus d’efficacité mais aussi plus d’agilité dans l’accès aux informations et plus de productivité : nous évitons le syndrome Google où tout le monde cherche la même chose en externe alors que l’information a déjà été capitalisée en interne.

Quelles sont vos relations avec la direction ? Le pôle stratégie ? La communication ?

Les membres de la direction et des directions fonctionnelles font partie intégrante du réseau qui constitue une forme de système nerveux de la filière commerciale. Ce sont également des clients qui expriment des besoins tout comme les directions régionales.

Plus généralement quel est selon vous l’intérêt de l’intelligence économique pour l’entreprise : quels sont les avantages de l’IE ? Ses inconvénients ?

Pour les avantages : plus d’agilité, d’anticipation de jeu collectif et… d’essais marqués. Pour moi, l’intelligence économique est collective. Au final, comme pour marquer un essai, ce qui compte c’est la bonne info à la bonne personne au bon moment. Parfois, pour me rassurer, je me dis que lorsque j’étais commercial à la conquête de Medan, Manille ou de Guingamp, j’aurais rêvé de disposer des outils dont disposent nos équipes. Même si tout n’est pas parfait !

L’inconvénient, je l’ai déjà dit, réside dans une certaine inertie liée à la conduite du changement, et aussi à la difficulté de bien faire formaliser les besoins, et pas seulement dans l’urgence.

Quelles perspectives pour les futurs diplômés ?

Pour les jeunes diplômés la formation en intelligence économique est à mon avis un atout pour naviguer dans la société de l’information quel que soit leur futur domaine d’activité. J’attire toutefois leur attention sur la nécessaire humilité qu’ils devront avoir, car dans le monde de l’entreprise les concepts de l’intelligence économique ne sont pas toujours bien compris. Pour bien s’insérer, ils devront transmettre ce savoir-faire plus par l’exemple qu’en étant donneurs de leçons.

Propos recueillis par Martin Biéri et Olivier Larrieu