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Interview de Victoire Loup, responsable communication et community management du Fooding

A l’occasion des 15 ans du Fooding, site dédié à la restauration et 2ème guide le plus vendu après le Michelin, Victoire Loup a accepté de répondre à nos questions le temps d’un verre dans un des bars à vins estampillé coup de de cœur du Fooding.

Portail de l'Intelligence Economique : Présentez-nous le Fooding et votre rôle en son sein. Quelle est l’idée de départ et vers où allez-vous ?

Victoire Loup : Le Fooding a été inventé par Alexandre Camas, fondateur de la société, en 1999. C’est un néologisme formé par un amalgame des mots anglais food (nourriture) et feeling (sentiment, émotion). Fooding est la marque d’un Guide France (écrit, sur le web, et avec des applications) et d’événements gastronomiques internationaux (à Paris, New-York, Los Angeles ou bien encore Milan). Nous faisons également du conseil dans l’événementiel sans que cela ait un impact avec le Guide, ce qui nous permet de garder toute notre objectivité dans le choix des restaurants que nous apprécions. Nous organisons des conférences, comme l’année dernière sur le thème de la violence en cuisine à SciencesPo.

Aujourd’hui, malgré notre succès, nous demeurons une start-up composée de beaucoup de jeunes. Cela nous garantit la fraicheur et la créativité de nos débuts. Il est impossible de savoir où nous allons, on fera le bilan lors des 20 ans !

Pour ce qui est de mon parcours, je travaillais auparavant pour de grands parfumeurs et l’occasion s’est présentée de pouvoir rencontrer Alexandre Camas. Etant amatrice de gastronomie et étant totalement en accord avec le principe du Fooding j’ai tenté ma chance ! J’ai commencé stagiaire, et je suis maintenant responsable de la communication et je chronique aussi pour le Guide.

PIE : De nombreux sites internet dédiés à la cuisine (Marmiton, la Fourchette, le Fooding…) ont vu le jour ces dernières années. Pensez-vous que cela soit lié à un simple phénomène de mode ou à une envie plus pérenne de mieux manger et décider de ce qui se trouve dans son assiette ?

V. L. : Le Fooding est prescripteur de tendances, il a vu le jour à un moment où parler de cuisine n’avait pas la côte. Aujourd’hui c’est devenu un phénomène mondial, les médias télévisuels ont largement contribué à son expansion. Je pense que la cuisine est bien plus qu’un phénomène de mode. Il suffit de regarder le renouvellement des tendances en son sein ! On parle maintenant de gastronomie un peu partout, au travers de blogs, sur les réseaux sociaux (cf. notre instagram @lefooding), les sites dédiés. On assiste parfois à une starification des chefs, ils sont autant mis en avant que leur cuisine !

Le « cool » peut aussi faire évoluer les idées, suggérer des tendances et façons de vivre. Pour exemple, Dan Barber, chef américain réputé, lutte contre le gaspillage alimentaire et est en faveur d’un système alimentaire durable. De nombreuses émissions télévisées ont alors repris l’idée et les gens sont sensibilisés à ce sujet.

PIE : Que pensez-vous des nouvelles tendances étrangères liées à la cuisine, comme le foodporn, qui inondent le web ? Plus généralement comment le numérique impacte-t-il la gastronomie mondiale ? 

V.L. : Le foodporn doit définitivement être utilisé avec modération. Le chef Pierre Gagnaire, dans le documentaire « L’amour Food » d’Olivier Joyard, s’en offusque en expliquant qu’un plat n’a que quelques minutes pour exister ! De son côté, le chef Alexandre Gauthier a interdit les photos dans son restaurant La Grenouillère.

Le compte Instagram du Fooding propose à ses followers de poster leurs photos de plats, et chaque jour les plus beaux clichés sont « regrammés ». Depuis quelques mois, nous avons pris conscience de l’importance des réseaux sociaux dans notre démarche de faire partager nos valeurs. Notre stratégie Instagram a été revue et nous avons pu voir un bond du nombre de followers et de hashtags #lefooding !

Le foodporn est un nouveau moyen de communication indirecte pour les restaurants, on peut découvrir les plats d’un chef au bout du monde, via son propre compte Instagram ou ceux des bloggeurs influents.

PIE : Parlons maintenant plus spécifiquement de la France. La gastronomie française est l’un des atouts principaux du soft power français. Cette prééminence a-t-elle été bouleversée avec le développement d’autres cuisines à travers le monde ? Ou encore avec la mode de la cuisine fusion ?

V.L. : La France s’est enrichie des autres cuisines, des nouvelles tendances. Elle a été bouleversée mais dans le bon sens. Je pense souvent que l’expression « gastronomie française » est trompeuse, car on pense nécessairement triptyque veau marengo – bœuf bourguignon – gigot d’agneau. Alors que la cuisine d’aujourd’hui est bien différente. Des chefs japonais peuvent être les rois de la gastronomie française, et inversement, de nombreux chefs français utilisent dans leur cuisine des méthodes ou des ingrédients d’Asie. Nous sommes neutres dans le choix des restaurants que nous testons, nous voulons pouvoir proposer le panel le plus large possible de types de cuisine pour coller à tous les gouts des clients.

PIE : Le guide Michelin, le Gault et Millau et plus récemment Le Fooding sont devenus des incontournables. Participent-ils activement au développement de la gastronomie française ou choisissent-ils une position plus neutre ? Avez-vous ainsi des contacts avec les pouvoirs publics français ?

V.L. : Le Fooding a toujours adopté une politique neutre et objective, que cela soit envers les pouvoirs publics, les restaurants, etc… S’il faut parler politique, Frédéric Mitterand, lors des 10 ans du Guide Fooding, a dit que le Fooding visait à « défendre une gastronomie moins intimidante, à la portée de tous ceux qui veulent cuisiner et se nourrir de façon moins empesée ».

Les pouvoirs publics sont conscients de l’importance du patrimoine culinaire français et que l’alimentation doit être défendue (mise en place d’un programme national en 2012 par exemple et lutte contre le gaspillage alimentaire avec la loi votée en 2015). Cependant, l’idée qu’ils se font de la cuisine française reste parfois stéréotypée et vieillissante…

Propos recueillis par Isaure Barate et Pierre-William Fregonese.

Le site du Fooding