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Soft Power, Gastro diplomatie et Diplomatie Culinaire

Interviews de Gilles Bragard, créateur du Club des Chefs des Chefs et d’Alessandra Roversi, Consultante, collaboratrice pour le Pavillon Suisse à l’Exposition Universelle Milan 2015.

Le Portail de l’IE était présent lors 7ème édition du Festival de Géopolitique de Grenoble, du 12 au 15 mars 2015. A l’occasion de table ronde franco-suisse animée par CCI France et dédiée à la Géopolitique du goût, de la bataille des terroirs à la diplomatie culinaire, le Portail a interviewé Gilles Bragard, créateur du Club des Chefs des Chefs et d’Alessandra Roversi, Consultante, collaboratrice pour le Pavillon Suisse à l’Exposition Universelle Milan 2015.

Après l’interview de Victoire Louapre, responsable communication et community management du Fooding, place aux concepts de Soft Power, Gastro diplomatie et Diplomatie Culinaire !


Portail de l’Intelligence Economique : Il a été question de façon récurrente lors de votre table ronde (lien), de la notion de Soft Power.  Où en est la France selon vous ?

Gilles Bragard : Les initiatives de Soft Power en gastronomie sont relativement récentes en France. Mais il faut les saluer. Pendant longtemps, la France s’est cantonnée à une certaine autosuffisance, partant du principe qu’elle n’avait aucun intérêt à assurer la promotion de ses produits. Néanmoins, le classement des 50 meilleurs restaurants du magazine britannique « Restaurants » mettant en avant principalement des Danois et des Espagnols, a jeté un réel pavé dans la mare. Car même si ce classement est controversé, du fait des nationalités des divers sponsors, il s’avère que le nombre insignifiant (5 en 2014) de restaurants français a favorisé une certaine remise en question des pouvoirs publics.

Accroître le Soft Power dans ce domaine a donc été initié par Laurent Fabius, qui en a bien saisi l’intérêt stratégique. Avec l’appui du Collège culinaire de France (association réunissant les Chefs de la République) et d’Alain Ducasse, le Quai d’Orsay a donc par exemple lancé l’opération Goût de France / Good France.

Le but : défendre la gastronomie française. En effet, un restaurant français dans un pays étranger est incontestablement un point d’encrage extraordinaire. Le restaurateur va acheter des produits français, favorisant l’export, mais surtout créer et susciter l’envie chez le consommateur local. 

 

PIE : Que faudrait-il faire selon vous pour que cette initiative soit un succès ?

G.B : Et bien, je pense que malgré tout, la gastronomie française, à l’étranger, renvoie surtout à une connotation de « luxe ». Si l’on veut réellement engendrer une dynamique de commerce extérieur, il faut développer le « Bistronomique », sur une base de cuisine raffinée mais abordable. 

 

PIE : Pourriez-vous revenir sur les notions de Gastro-Diplomatie et Diplomatie Culinaire? Quelle est la distinction entre ces deux termes ?  Quel est l’exemple le plus parlant selon vous ?

Alessandra Roversi : La Diplomatie culinaire est destinée aux hautes sphères du pouvoir. C’est un rapport d’Etat à Etat. La Gastro-diplomatie, c’est un rapport d’Etat à la sphère publique. (ndlir : ces concepts sont largement détaillés dans le compte rendu de la conférence)

Je pense que les Pays Nordiques disposent des exemples les plus construits et accessibles, car pour les autres pays (Corée, Thaïlande, etc.) la barrière de la langue  rend difficile l’accès aux documents qu’ils produisent. Ils sont organisés sous forme de groupes de travail diplomatiques construits et coordonnés, réfléchissant sur l’alimentation. Ils ont la particularité d’être parfaitement transparents, clairement budgétés, avec l’édition de rapports annuels.

Une des initiatives fondatrices a été le Manifeste de la Cuisine Nordique, valorisant les produits locaux et leurs producteurs,  la fraîcheur et la simplicité de la gastronomie nordique.

Je citerais également le #Nordicfood2024, véritable prospective de la cuisine nordique en 2024.

Les thèmes de santé, nature, développement durable (humain et environnement), design, à l’image de la diète Nordique, renvoient un aspect très brut de la gastronomie nordique.

A mon sens, ces initiatives  publiques jouant sur l’émotionnel sont de réels atouts économiques pour le privé. En effet, la promotion de la gastronomie nordique à l’international, et plus particulièrement aux USA et en Angleterre, via des food trucks, assurent de façon très pragmatique le développement de phénomènes de mode sur des populations très vastes.

 

PIE : L’exposition Universelle de Milan 2015, « Nourrir la planète, énergie pour la vie » se tient du 1er mai au 31 octobre, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

A.R : Milan, c’est 150 pavillons qui vont parler de nourriture. Il y en aura pour tout le monde. Les fans de « cooking show », comme Master Chef, Top Chef… mais aussi pour les personnes qui désirent aborder des sujets de fond, comme la dichotomie entre les forts taux d’obésité et les gens qui meurent de faim, les choix politiques (circuits courts, bio…), le développement des coopérations internationales…

Il y a également un programme riche de conférences et d’évènements : plus de 10.000 sur les 6 mois, avec des semaines à thèmes.

Le Pavillon Français diffuse d’ailleurs actuellement sur sa page Facebook des vidéos très intéressantes sur le savoir faire français, notamment en matière d’applications mobiles, de drones… C’est important de regarder déjà ce qui se passe dans son propre pays et les compétences dont il dispose !

Interview réalisée par Stéphanie Gino