Vous entendez souvent parler des sanctions conséquentes imposées par les États-Unis aux entreprises européennes, comme récemment l’affaire Volkswagen ou encore pour la banque française BNP. Mais sur quoi sont réellement basées ces sanctions ? Tout simplement sur la législation américaine qui use de sa puissance pour avoir une portée internationale.
FCPA, SOX, FACTA… autant de noms compliqués faisant trembler les chefs d’entreprises, qui ne sont pas forcément préparés à cela. « À partir des années 60, les États-Unis ont entrepris d’extraterritorialiser leur droit de la concurrence » affirme le magistrat Charles Prats.
Sachant que 70 % du commerce international se fait en dollars et selon Éric Denécé du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), une grande partie du commerce international serait entaché de corruption, l’État américain a de beaux jours devant lui.
Le jackpot du Foreign Corrupt Practices Act
Le Foreign Corrupt Practices Act datant de 1977 ne cesse d’être utilisé par les États-Unis. Il relève du Department of Justice (DoJ), mais peut disposer de l’aide de tout l’appareil américain en cas de soupçon comme le Federal Bureau of Investigation (FBI), la National Security Agency (NSA) ou encore la Securities and Exchange Commission (SEC). Ils peuvent réclamer tous les documents qu’ils souhaitent auprès des entreprises, aussi confidentiels soient-ils. Cette loi peut toucher une entreprise de n’importe quelle nationalité et de tout secteur. Par conséquent, dès qu’une compagnie étrangère commerce en partie en dollars, utilise un fournisseur d’accès américain ou commerce sur le sol américain ; le département de la justice peut utiliser le droit américain, même si l’activité ne représente qu’une part marginale de l’exercice général de l’entreprise. Les poursuites judiciaires arrivent par la suite.
Le DoJ fait une veille sur les entreprises faisant des affaires à l’international et en cas de doute, les pratiques de veilles sont renforcées sur lesdites organisations. Les agences américaines de renseignements peuvent être sollicitées pour obtenir davantage d’informations sur les éventuelles pratiques de corruption.
Les entreprises ont toutefois la possibilité de ne pas répondre aux sollicitations du DoJ, mais cela est encore plus risqué, car l’État peut prononcer des sanctions administratives, comme l’interdiction d’échanger en dollars, le retrait d’une licence bancaire…
La Sarbanes Oxley Act (SOX) sous couvert de lutte contre les scandales financiers
La SOX est entrée en vigueur le 30 juillet 2002 et intensifie la répression contre les fraudes comptables par des peines pénales. Cette loi vise les sociétés cotées sur le territoire américain, américaines ou non. La SOX a été mise en place pour mettre fin aux scandales financiers ayant secoué la société américaine (Enron) au début des années 2000, à la suite de manipulation de l’information comptable. Cet loi peut obliger toute entreprise à se présenter devant l’Autorité américaine des marchés financiers (SEC). La SOX a une conséquence directe pour les entreprises étrangères, dans la mesure où cette loi concerne les entreprises présentes au New-York Stock Exchange (NYSE). Étant donné qu’il s’agit de la principale place boursière mondiale, de nombreuses entreprises françaises et européennes sont concernées. L’extraterritorialité et le progrès des pratiques anglo-saxonnes s’appliquent toujours plus.
Cette loi peut faire peser de lourdes sanctions sur les entreprises françaises cotées aux USA. Si les états financiers ne sont pas respectés par le CEO, ils risquent 20 ans de prison et 5 millions d’euros d’amendes.
La dernière en date : la FATCA, l’extraterritorialité du droit fiscal
» L’ordre juridique mondial est en train de changer à l’initiative des États-Unis. Fatca, c’est notre glaive contre l’évasion fiscale. Celui des démocraties qui veulent reprendre la main sur leurs recettes en faisant payer les fraudeurs. Les pays devront choisir leur camp » précise Stanley Ruchelman avocat fiscaliste à New-York. Fatca pour Foreign account tax compliance act. En juin 2014, plus de 100 pays ont signé des accords Fatca, ainsi que quelques 100 000 institutions bancaires. Ainsi, les banquiers devront révéler à Washington les citoyens américains fraudant le fisc ; cela intervient à la suite des scandales de l’UBS et du Crédit suisse. Par ailleurs, cette loi demande un investissement conséquent aux institutions financières pour mettre de nombreux comptes aux normes. Les banquiers de ces établissements sont désormais au service des services concernés de Washington.
Une législation au service des intérêts américains ?
Sous couvert de lutte pour la transparence, contre la corruption et contre les scandales financiers, ces lois visent à extraterritorialiser le droit américain, qualifié par certains de « patriotisme juridique ».
Selon Roy Rayan, associé d’un cabinet d’avocat, la justice américaine est intègre, il précise que «les lobbys sont capables d’acheter les politiciens, mais pas d’acheter les juges. The law is the law et la justice est la même pour tout le monde.»
Or, selon Edmond Tavernier, «les États-Unis font passer leur intérêt en premier et savent utiliser leur puissance s’ils veulent obtenir quelque chose. Il s’agit ici de la loi du plus fort ». Il y a une situation hégémonique des Américains, ils développent leur droit au-delà des frontières au nom de bons principes. De 1999 à 2013, 70 % des entreprises sanctionnées sont des entreprises étrangères, ce sont également ces dernières qui obtiennent les sanctions les plus importantes.
Il est aujourd’hui de notoriété publique que la banque américaine Goldman Sachs a truqué les comptes de la Grèce, or cette dernière ne sera pas poursuivi par le Département américain pour des faits criminels. Comme le précise l’investisseur Ernesto Bertarelli, « les tribunaux américains savent faire preuve d’un patriotisme dont nous devrions nous inspirer ».
Alexandre MOUSTAFA