Les Pôles de compétitivité et l’Intelligence Economique : il reste encore à faire…

Depuis 10 ans, en France, le développement des entreprises innovantes se fait plus particulièrement au travers de la logique collective des pôles de compétitivité. Mais a priori, l’évaluation en cours de nos 71 pôles de compétitivité ne devrait pas, semble-t-il, confirmer que ceux-ci ont rempli tous les objectifs de la « feuille de route » qui leur avait été fixée en 2012.

Au-delà de leur contribution indéniable à des très nombreux projets collaboratifs issus de la recherche, les pôles de compétitivité devaient, en tant qu’ « usines à produits », s’attacher à ce que des entreprises à fort potentiel de croissance issues de ces projets innovants, développent leur business et se lancent efficacement sur les marchés.

 Mais pour cela, il faudrait sans doute pouvoir aider ces entreprises à devenir plus autonomes dans la mise de leurs produits sur le marché, ce qui devrait se faire grâce à des méthodes éprouvées d’Intelligence Economique et des outils à la fois simples et robustes, issus des ressources de la digitalisation.

Les pôles de compétitivité devraient jouer un rôle plus affirmé en matière de diffusion de l’IE

Même si elles en ont une bien meilleure perception qu’il y a 10-15 ans, les PME/PMI sont encore trop peu à mettre en pratique l’Intelligence Economique (Veille / Sécurité / Influence) dont la promotion et la mise en œuvre sur le terrain revient toujours aux pouvoirs publics, dans le cadre de programmes « collectifs ».

La diffusion de l’IE auprès des entreprises innovantes revient ainsi aux pôles de compétitivité, acteurs-clefs de venus incontournables pour le développement économique, au travers des technologies d’avenir qu’ils couvrent et des collaborations qu’ils mettent en place en faisant circuler de l’information sensible. Ainsi, lorsqu’ils accompagnent les PME/PMI au développement sur le marché, en France comme à l’international, les pôles devraient appuyer celles-ci sur chacun des trois volets de l’IE, afin de leur assurer les meilleures conditions possibles pour favoriser leur expansion.

Pourtant, si l’on met de côté les programmes d’actions collectives portés par certains pôles de compétitivité et qui permettent aux PME/PMI adhérentes de bénéficier, dans les meilleures conditions tarifaires, de prestations d’IE spécialisées (c’est-à-dire essentiellement des missions ponctuelles de renseignement économique), on constate que les pôles ne constituent pas toujours des modèles en matière d’IE.

Les pratiques des pôles de compétitivité en matière d’IE sont, de fait, pour le moins « hétérogènes », avec trois caractéristiques principales (cf. rapport Claude REVEL, D2IE, juin 2015) :

–       Mise en place d’une veille collective (mais sans veilleur dédié à plein temps), très généralement centrée sur la technologie, mais qui ne permet pas de surveiller le marché ou bien d’anticiper les évolutions socio-économiques ;

–       Mise en place d’une plateforme collaborative sécurisée, mais qui peut être rapidement abandonnée parce que trop difficile d’utilisation par les membres du pôle ;

–       Pas d’action d’influence / lobbying pour favoriser notamment le développement de l’image du pôle.

Le manque de moyens, de temps et surtout de compétences sont bien entendu autant de facteurs d’explication de la modestie opérationnelle des pôles de compétitivité en matière d’IE.

C’est pourquoi les pouvoirs publics (Etat, agences spécialisées, collectivités territoriales) doivent encore intervenir pour soutenir et renforcer l’intervention des pôles de compétitivité, en les aidant à proposer aux PME/PMI qu’ils accompagnent des dispositifs simples et résolument adaptés à leurs besoins.

Quelques pistes concrètes à envisager pour favoriser l’intervention des pôles de compétitivité en matière d’IE.

–       Incitation à la désignation « volontaire » d’un référent IE au sein du pôle. Celui-ci serait responsable notamment de la sécurité / gestion des informations sensibles et de la conservation des données. Il diffusera en particulier un Vademecum IE simplifié (méthodes, bonnes pratiques) auprès des PME/PMI.

–       Incitation à l’organisation de permanences physiques régulières avec les services spécialisées en sécurité économique (Gendarmerie, Police / DGSI) et également en propriété industrielle (INPI). Dans ce cadre, incitation des PME/PMI à faire un diagnostic de sécurité économique, pour les aider à déceler leurs vulnérabilités et envisager avec les organismes compétents les meilleures parades pour y remédier.

–       Organisation à échéance périodique (fréquence semestrielle, sur une thématique spécifique définie pour chaque réunion) de formations pour les PME/PMI en IE (veille, e-réputation, sécurité) in situ, ou bien au travers d’outils en ligne (modules E-Learning sur : veille / renseignement économique ; sécurité / protection de l’information ; influence / e-réputation). Dans le cadre des formations IE, de modèles de cartographie d’acteurs et de documents clefs de position pourraient être ainsi élaborés pour préparer à l’organisation d’actions d’influence

–       Soutien (ingénierie et mise en place possible d’une « hot-line ») à la mise en place par les PME/PMI de dispositifs simples et robustes (et à coût modique) de veille stratégique individualisée (avec accès aux données marché pour assurer la croissance du business), complémentaire aux mécanismes collectifs existants au sein du pôle pour la mobilisation et le partage de l’information.

Denis Deschamps

Responsable du pôle Innovation/Intelligence économique à la CCI Paris IDF