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L’Olympique Lyonnais ouvre son capital à la Chine – Une stratégie d’ouverture à l’international

Le 12 Août 2016, l’OL Groupe, entité détenant le club de football de l’Olympique Lyonnais, annonçait le projet d’entrée dans son capital du fonds d’investissement chinois IDG Capital Partners. Cette prise de participation à hauteur de 20% s’inscrit dans une stratégie plus globale de développement du club à plusieurs niveaux et notamment vers la Chine. Décryptage.

Les investissements étrangers sont devenus assez courants dans le football européen. Cependant, ce cas est spécifique dans la mesure où aucune prise de contrôle du club par le fonds d’investissement n’est annoncée à terme. Le projet correspond à une prise de participation de 20% du capital d’OL Groupe sur la base d’un investissement de 100 millions d’euros, réalisé à travers une souscription d’actions et d’OSRANEs nouvelles réservées . Cette prise de participation s’effectue sur une base de valorisation d’OL Groupe de 500 millions d’euros post-investissement.

OL Groupe est une société cotée sur Euronext Paris. Cette entité, structurée autour du club de football de l’Olympique Lyonnais, a été créée en 1999 afin d’optimiser la gestion des activités d’un club dans le « sport-business » qu’est devenu le football. IDG Capital Partners est quant à lui un fonds d’investissement chinois fondé en 1993. Ce fonds détient une véritable ouverture vers l’étranger, ayant des bureaux en Chine, à Hong Kong ou encore aux États-Unis. IDG a réalisé de nombreux investissements notamment dans les technologies de l’information et de la communication, le tourisme, la santé mais aussi le sport.

Cet accord prévoit par ailleurs la création d’un joint-venture commercial (détenue à 55% par IDG et à 45% par OL Groupe) dans le but d’améliorer la notoriété de l’Olympique Lyonnais tout en valorisant son savoir-faire en matière de formation et d’école de football en République Populaire de Chine, à Taïwan, à Hong Kong et à Macao. 

Pour Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, « le rapprochement capitalistique et opérationnel avec le consortium IDG est une étape décisive dans la croissance d’OL Groupe et son positionnement comme un des acteurs européens les plus ambitieux du football européen. L’inauguration du stade et des complexes d’entraînements et de formations en 2016 permettra d’accélérer l’ambition internationale d’OLG et sa stratégie de développement, avec un partenaire chinois qui symbolise aussi à Lyon, étape essentielle de la route de la soie, une coopération ambitieuse et amicale entre la Chine et la France ». Li Jianguang, responsable à IDG, affirmait quant à lui qu’« il est certain que ce partenariat créera des synergies importantes grâce à nos investissements et à notre savoir-faire en matière de sport, uniques sur le territoire chinois. »

Ces annonces ont commencé à se mettre en œuvre puisque le 3 Janvier 2017, IDG a pris le contrôle de près de 7% du capital d’OL Groupe. C’est donc une étape de plus dans la prise de participation d’IDG au capital du club lyonnais, alors que l’apport des fonds à hauteur de 100 millions d’euros a eu lieu le 28 Février 2017. Bien qu’il soit minoritaire, cet investissement d’IDG Capital Partners n’en est pas moins une formidable opportunité pour les deux parties. Mais plus qu’un simple apport financier, cette prise de position dans le capital d’OL Groupe est accompagnée de plusieurs autres événements et accords permettant de comprendre qu’un projet stratégique commun à moyen long terme est envisagé.

 

Un accord correspondant à une vision stratégique à moyen-long terme pour les deux parties

Cette entrée au capital correspond à une stratégie à moyen ou long terme, aussi bien pour l’Olympique Lyonnais que pour IDG.

Jean-Michel Aulas présentait les objectifs liés à l’entrée au capital du groupe IDG comme permettant d’abord de « renforcer les fonds propres et facilitant le refinancement de l’endettement du Groupe lié à la construction du stade », puis de « créer une joint-venture pour promouvoir et développer la marque en établissant des partenariats avec des sociétés chinoises et en transférant nos savoir-faire». La joint-venture devrait être créée avec la société XingZhi Sport, liée à IDG Capital. Elle aura pour but :

  • D’établir des partenariats avec des sociétés locales : c’est d’ailleurs dans ce sens que l’Olympique Lyonnais cherche à développer ses contrats de sponsoring, notamment concernant son nouveau stade. Les négociations concernant le naming, contrat sur plusieurs années permettant à une entreprise d’apposer son nom à une enceinte sportive ou événementielle (comme l’Allianz Riviera de Nice), sont avancées avec deux groupes, un français (on parle de la société Fiducial) et un étranger vraisemblablement chinois. Comme l’a annoncé Jean-Michel Aulas lors de la signature du projet « de nombreuses entreprises chinoises sont intéressées pour s’associer à l’image de l’OL et à celle de joueurs et de joueuses ».
  • De créer et développer des écoles de football ainsi que des centres d’entraînement : De façon plus globale, la Chine cherche depuis peu à développer son football national, notamment en investissant des sommes colossales pour attirer des stars étrangères dans son championnat. Rattachée à une volonté politique, cette stratégie permettrait à l’OL de vendre son savoir-faire reconnu en matière de formation pour développer sur le long terme le football chinois. Depuis 2014, le football est par exemple devenu obligatoire à l’école pour tout enfant chinois.
  • De vendre et promouvoir la vente de billets pour les matchs de l’OL à des touristes chinois : Grâce à cette joint-venture, l’OL va chercher à s’ouvrir à l’immense marché que représente la Chine, Taïwan et Hong Kong. Cela permettra d’accroître la visibilité de son stade et ainsi augmenter la fréquentation lors des matchs ou des différents événements ayant lieu au Parc OL.
  • De proposer des services d’« hospitality » liés aux services proposés dans le Parc OL : le grand stade de Lyon ayant été pensé comme une enceinte événementielle connectée () et non pas comme un stade de football traditionnel, de nombreux services BtoB (« Business to Business ») et BtoC (« Business to Customer ») sont proposés. Ainsi, des loges sont vendues à l’année, permettant de faire office de véritable bureau ou salle de réunions louées à l’année. La présence d’une brasserie Paul Bocuse, figure emblématique de la gastronomie lyonnaise et plus globalement française, est un atout pouvant attirer les touristes chinois.

En parallèle de la création de la joint-venture, la stratégie du président Jean-Michel Aulas d’ouvrir de façon minoritaire le capital de son club à un investissement chinois lui permet de garder le contrôle sur son club. Cette prise de participation lui permet d’annoncer une valorisation importante d’OL Groupe (à hauteur de 500 millions d’euros, dettes comprises), mais également d’accélérer le refinancement du stade. En effet, le risque important pris par le président de l’OL consistant en la création d’un stade totalement financé par des fonds privés et appartenant à 100% au club a dû passer par une part de crédit. L’investissement chinois permet donc d’accélérer le remboursement des dits crédits et ainsi d’améliorer la situation financière du club, qui s’est améliorée grâce au stade avec des résultats opérationnels courants positif de 27 millions d’euros, et un EBE s’élevant à 52,1 millions d’euros sur l’exercice 2015/2016.

Du point de vue d’IDG Capital, Li Jianguang, affirmait : « OL Groupe a été très exigeant quant au choix de son partenaire. La quantité et la qualité des investissements qu’IDG Capital a pu réaliser auparavant dans l’industrie du football a été un facteur clé qui explique le choix d’OL Groupe. Jusqu’à présent, nous avons investi dans l’aval de la chaîne de valeur de l’industrie, comme Super Sports dans les droits des médias, ou encore Shankai Sports dans le service et consulting des évènements sportifs. Cette prise de participation dans l’Olympique Lyonnais marque le premier pas de nos investissements vers l’amont de la chaîne de valeur qui détient les droits de propriété intellectuelle dans l’industrie. Nous nous réjouissons de ce partenariat avec Olympique Lyonnais qui est l’un des meilleurs clubs européens ». Il a également ajouté : « Nous allons nous appuyer sur le savoir-faire de l’Olympique Lyonnais en matière de formation, pour développer, en Chine, à travers la création d’une joint-venture des coopérations approfondies qui ne soient pas de simples licences de marque. C’est la première, et pour l’instant la seule joint-venture de ce genre en Chine, ce qui différencie notre partenariat avec l’Olympique Lyonnais avec les autres prises de participation ou rachats des clubs étrangers par des investisseurs chinois ».

Le fondateur associé d’IDG Capital, Shong Xiaoge, rappelle l’intérêt chinois concernant le football et explique l’attention particulière portée à la formation, objectif par définition à long terme : « L’industrie du sport en Chine est en plein essor actuellement. Nous sommes optimistes sur les perspectives du développement du marché de football en Chine et notamment dans le domaine de la formation. Le fait de pouvoir bénéficier de l’expertise de l’Olympique Lyonnais dans la formation va aider à favoriser l’ascension des jeunes joueurs chinois vers le football professionnel, mais aussi contribuer à la promotion même du football et à l’amélioration du niveau de l’éducation de la base du football en Chine. »

 

La Chine investit dans son championnat national, mais aussi en Europe

Comme l’Olympique Lyonnais, d’autres clubs européens ont mis en place des accords avec de grands groupes chinois pour faciliter leur développement en Chine. Par exemple, le FC Barcelone est sur le point de mettre en place un projet de joint-venture avec Mission Hills, un opérateur touristique dans le but de créer une académie « FC Barcelone », accolée à un centre d’activité sur l’île d’Hainan en Chine. Un autre club espagnol, l’Atletico Madrid a suivi une stratégie similaire à celle de l’OL, faisant entrer le groupe chinois Wanda à hauteur de 20% dans son capital. Il a en outre signé un contrat de naming pour son nouveau stade pour l’heure en construction avec le même groupe sur une base de 10 millions d’euros par an.

Mais ces investissements chinois ne sont pas toujours simplement minoritaires, et peuvent prendre parfois la forme d’une prise de contrôle pure et simple des clubs en question. En France, l’AJ Auxerre ou le FC Sochaux sont ainsi récemment passés sous pavillon chinois suivant cette logique. En Italie, 70% des parts de l’Inter Milan ont été vendues au géant chinois Suning. Même la République Tchèque fait l’objet des convoitises chinoises puisque le Slavia Prague, en difficulté financière, est passé sous le contrôle du groupe CEFC China Energy depuis septembre 2015.

Différentes stratégies sont donc possible, mais la vision globale reste la même : la Chine s’intéresse au football et adopte une stratégie offensive dans ce domaine basée sur des investissements massifs. L’Olympique Lyonnais va de son côté chercher à en profiter pour se développer, tout en gardant la main sur la stratégie générale du groupe.