L’Agence nationale de lutte contre la corruption a été mise en place ce mois-ci. Les Jeudis du Risque profitent de cette inauguration pour vous indiquer les apports de la loi Sapin II du 9 décembre 2016, dans la lutte contre la corruption.
Dans son volet de lutte contre la corruption (Titre 1), la loi Sapin II traite trois thématiques :
- La mise en place de l’Agence française anticorruption
- Une protection accrue du lanceur d’alerte
- Un renforcement des obligations et de la responsabilité des entreprises
La partie concernant le statut du lanceur d’alerte sera traitée ultérieurement par le Portail de l’IE.
L’Agence française anticorruption
Le Jeudi 23 mars 2017, le Président de la République, a inauguré l'Agence française anticorruption en présence du ministre de la Justice Jean-Jacques URVOAS et de Michel SAPIN, ministre de l'Économie et des Finances. Dirigée par le magistrat Charles Duchaine, celle-ci remplace le Service Central de Prévention de la Corruption.
Son but est d‘aider les autorités à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.
Pour cela, l’Agence est chargée :
- D’élaborer des recommandations et un plan national de prévention de la corruption,
- De fournir un appui aux administrations de l’État et aux collectivités territoriales en matière de prévention et d’aide à la détection de la corruption.
- De contrôler le respect, par les grandes entreprises, de l’obligation de vigilance dans le domaine de la lutte contre la corruption et le trafic d’influence en utilisant un pouvoir de sanction en cas de manquement
. - De contrôler la mise en œuvre des mesures de mise en conformité, ordonnées par la justice.
L’instauration de cette nouvelle institution s’inscrit dans la lignée des institutions mises en place pour favoriser la transparence et la lutte contre la délinquance économique et financière :
- La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (loi du 11 octobre 2013).
- Le Parquet national financier (loi du 6 décembre 2013).
- Le statut général des lanceurs d’alerte et un répertoire numérique et public des représentants d’intérêts (loi Sapin II du 9 décembre 2016).
Des obligations accrues pour les décideurs économiques
La loi Sapin II s’applique à l’égard des dirigeants (présidents, directeurs généraux, gérants et membres du directoire de sociétés anonymes) de certaines sociétés uniquement.
Sont visées les sociétés privées ou publiques de plus de 500 salariés ou appartenant à un groupe de plus de 500 salariés et un chiffre d’affaire (consolidé ou non) supérieur à 100 millions d’euros.
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La mise en conformité
Les entreprises susvisées ont 8 nouvelles obligations à remplir pour se mettre en conformité :
- Comportements prohibés : Définir un code de conduite des comportements prohibés à intégrer au Règlement intérieur.
- Lanceur d’alerte : Définir une procédure interne pour les employés qui voudraient alerter d’un comportement ou d’une situation contraire au code de conduite.
- Cartographie des risques de corruption : identifier le risque d’exposition de la société à des sollicitations externes pouvant relever de la corruption.
- Corruption et influence dissimulées : Mettre en place des procédures de contrôle comptables internes et externes pour vérifier la possible dissimulation de sommes allouées à la corruption et au trafic d’influence.
- Evaluations des risques : Grâce à la cartographie, mettre en place des procédures d’évaluation des risques que représentent les clients, les fournisseurs et les intermédiaires.
- Formations : pour les cadres les plus exposés.
- Sanction : Mettre en place un régime disciplinaire pour les salariés bafouant le code de conduite.
- Auto-évaluation : Etablir un dispositif interne d’évaluation des contrôles mis en œuvre.
Si officiellement les entreprises ont jusqu’au 1er juin pour se mettre en conformité, le magistrat Charles Duchaine a annoncé qu’un "délai sera accordé aux entreprises" pour le faire.
En cas de manquement constaté à l’obligation de mettre en place un système de prévention des risques, l’Agence pourra adresser un avertissement au contrevenant ou saisir la commission des sanctions afin qu’il soit enjoint à la société d’adapter ses procédures de conformité interne.
La commission des sanctions de l’agence pourra également prononcer des sanctions pécuniaires (jusqu’à 200.000 € pour les personnes physiques et 1.000.000 € pour les personnes morales).
Ces sanctions peuvent faire l’objet de mesures de publications.
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En cas de détection de faits de corruption ou de trafic d’influence
En cas de détections de faits de corruption, l’Agence devra alerter le procureur de la République, voire le Parquet national financier.
Tant que l’action publique n’a pas été déclenchée, une solution amiable est envisageable pour les entreprises par le biais d’une convention judiciaire d'intérêt public dont le montant de l’amende se limite à 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel sur les 3 derniers exercices.
Ce dernier mécanisme est fort intéressant pour les entreprises. En effet, exempté de reconnaissance de responsabilité, il permet de ne pas faire subir d’inscription au casier judiciaire ayant pour effet d’exclure les sociétés des marchés financiers.
Aussi, cette transaction permet de faire supporter la condamnation à la personne morale seule, la responsabilité pénale des dirigeants n’étant pas recherchée dans de tels cas.
Il est fort à penser que les entreprises choisiront cette solution qui leur permet de se maintenir sur les marchés financiers et qui a pour effet de ne pas engager la responsabilité pénale personnelle des dirigeants.
Du fait de ses nombreuses sanctions potentielles, la loi Sapin II est donc un défi stratégique pour les entreprises qui doivent se mettre en conformité rapidement en mettant en place des outils efficaces de lutte contre la corruption. Il reste encore à attendre le décret d’application de la loi pour connaître ses modalités effectives.