Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Encadrement des activités privées d’intelligence économique

L’Article 21 du chapitre IV du Projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure vise à encadrer les activités privées d’intelligence économique « afin de garantir la moralisation des professionnels de ce secteur », ainsi que l’indique l’exposé des motifs du projet de loi. Cet encadrement repose sur un agrément des dirigeants et une autorisation d’exercice accordée aux entreprises.

Si l'on retient la définition retenue par la circulaire du 21 mars 2007 relative au dispositif d'intelligence économique mis en œuvre au sein des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « l'intelligence économique est le dispositif par lequel tout acteur économique assure la maîtrise et la protection de l'information qui est essentielle pour ses activités. Ce dispositif a deux dimensions, l'une offensive et l'autre défensive. D'un côté, il s'agit de rechercher, traiter et exploiter l'information utile. De l'autre, il s'agit de la protéger, dans un environnement fortement concurrentiel ».

L'Etat conduit une politique d'intelligence économique dont la conduite vient d'être remaniée par le décret n° 2009-1122 du 17 septembre 2009 instituant un délégué interministériel à l'intelligence économique.
L'intelligence économique entre également dans la stratégie des acteurs privés qui peuvent faire appel, à cet effet, à des sociétés ou personnes spécialisées. C'est l'activité de ces sociétés ou personnes qu'il est apparu opportun d'encadrer, afin que ce volet de la protection et du développement des intérêts économiques de notre pays puisse s'appuyer sur un secteur professionnel opérant dans le plein respect des lois en vigueur.

Il faut préciser qu'a été fondée en 2005 une Fédération des professionnels de l'intelligence économique (FéPIE) qui revendique 120 adhérents, soit une majorité des professionnels du secteur et des associations liées à l'intelligence économique. La FéPIE définit l'intelligence économique comme « l'ensemble des activités coordonnées de collecte, de traitement et de diffusion de l'information utile aux acteurs économiques ». Pour la FéPIE, l'intelligence économique englobe les activités de renseignement des affaires (conclusion des contrats, prix des matières premières…), le renseignement industriel (procédés de fabrication, projets de recherche…) et la protection des entreprises contre les tentatives de pénétrations extérieures, publiques ou privées.

Au cours de ces derniers mois, cette fédération professionnelle s'est dotée d'une charte éthique et s'est inquiétée des amalgames parfois opérés entre intelligence économique et espionnage industriel. Elle s'est prononcée en faveur de l'encadrement du secteur privé de l'intelligence économique reposant notamment sur un agrément.
Tel est l'objet de l'article 21 du projet de loi qui vise à insérer des dispositions relatives à l'activité privée d'intelligence économique dans la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité. Cette loi régit jusqu'à présent les activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection physique des personnes, ainsi que les activités des agences de recherche privées.

Champ d'application des dispositions encadrant l'activité privée d'intelligence économique
Le texte proposé pour l'article 33-1 nouveau de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée définit le champ des activités privées d'intelligence économique relevant des nouvelles dispositions.
Le texte initial du projet de loi visait les activités qui ne sont pas exercées par un service administratif menées afin de préserver l'ordre public et la sécurité publique, qui consistent à titre principal à collecter et traiter des informations non directement accessibles au public et susceptibles d'avoir une incidence significative pour l'évolution des affaires.

L'Assemblée nationale a sensiblement modifié cette définition qui n'était pas satisfaisante. En effet, les entreprises d'intelligence économique n'ont pas pour vocation de préserver l'ordre public et la sécurité publique. Leur mission repose en grande partie sur l'exploitation de sources ouvertes et ne saurait passer par des méthodes de recueil de renseignement non accessibles au public qui doivent être réservées aux services de l'Etat.

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale, plus précise et plus conforme à l'objet des entreprises concernées, vise « les activités privées de sécurité consistant dans la recherche et le traitement d'informations sur l'environnement économique, commercial, industriel ou financier d'une ou plusieurs personnes physiques ou morales, destinées soit à leur permettre de se protéger des risques pouvant menacer leur activité économique, leur patrimoine, leurs actifs immatériels ou leur réputation, soit à favoriser leur activité en influant sur l'évolution des affaires ou les décisions de personnes publiques ou privées ».

Elle conserve le critère de l'ordre public, non pas comme l'une des missions des entreprises d'intelligence économique, mais comme la justification de la mise en place d'un agrément. En effet, aux termes de la directive européenne « services » du 12 décembre 2006, il n'est possible de déroger au principe de libre accès à une activité de service qu'à des conditions précisément définies, notamment pour des raisons d'ordre public.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise que les activités privées concernées seront encadrées « pour la sauvegarde de l'ordre public, en particulier de la sécurité économique de la Nation et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique ».
Comme le prévoyait le projet initial, le texte exclut du champ d'application de ces dispositions les activités d'officier public ou ministériel (notaires, huissiers, avoués…), d'auxiliaire de justice (avocats) et d'entreprise de presse.? Agrément des dirigeants des entreprises privées d'intelligence économique.

Le texte proposé pour l'article 33-2 de la loi précitée impose l'obtention d'un agrément délivré par le ministre de l'intérieur pour exercer à titre individuel, diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale entrant dans le champ des activités d'intelligence économique.
Deux conditions préalables sont nécessaires pour recevoir l'agrément :

  • posséder la nationalité française ou celle d'un État de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ;
  • ne pas avoir été condamné à une peine correctionnelle ou criminelle inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire.

En outre, l'agrément ne pourra être délivré s'il résulte d'une enquête administrative que « le comportement ou les agissements du demandeur sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées».
L'agrément est retiré si l'une des conditions ci-dessus cesse d'être remplie.

Autorisation d'exercice délivrée aux entreprises privées d'intelligence économique
Outre l'agrément des dirigeants, le projet de loi prévoit (article 33-3 nouveau de la loi précitée) une autorisation du ministre de l'intérieur pour l'exercice par une personne morale d'une activité d'intelligence économique.
La demande d'autorisation est examinée au vu :

  • de la liste des personnes employées pour mener les activités d'intelligence économique, cette liste étant réactualisée chaque année ;
  • de l'avis d'une commission consultative nationale chargée d'apprécier la compétence professionnelle et la déontologie de la personne morale ou physique ;
  • de la mention du numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ou à un registre équivalent, pour les personnes établies dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un autre des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen.

Cette dernière précision a été introduite à l'Assemblée nationale par un amendement de la commission de la défense pour placer sur le même plan les entreprises françaises et les autres entreprises européennes.
L'Assemblée nationale a également précisé, à l'initiative de la commission des Lois, les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur peut retirer l'autorisation d'exercice. Outre le cas du retrait d'agrément du dirigeant, il s'agit des cas d'insuffisance de la compétence professionnelle ou de manquement à la déontologie. La rédaction initiale du projet de loi se limitait à permettre le retrait de l'autorisation si les conditions nécessaires à son octroi n'étaient plus réunies.

Interdiction d'exercer une activité d'intelligence économique pendant une durée de trois ans suivant la cessation de certaines fonctions dans un service de l'État lié à la sécurité
Le texte proposé pour l'article 33-4 nouveau de la loi précitée vise à interdire l'exercice d'activités d'intelligence économique aux fonctionnaires de police, aux officiers ou sous-officiers de gendarmerie et aux agents des services de renseignement durant un délai de trois ans après la cessation de leurs fonctions.
Il est toutefois prévu que cette interdiction puisse être levée sur autorisation écrite du ministre compétent, l'Assemblée nationale ayant précisé que cette autorisation serait délivrée après avis de la commission de déontologie visée à l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Sanctions pénales
Le projet de loi instaure des sanctions pénales à l'encontre des personnes enfreignant les dispositions régissant les activités d'intelligence économique.
Le défaut d'agrément ou d'autorisation d'exercice ainsi que le défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés sont ainsi punis d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'absence de transmission annuelle de la liste mise à jour des salariés d'une personne morale exerçant une activité d'intelligence économique est punie de six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Deux peines complémentaires sont également prévues :

  • la fermeture, soit définitive soit pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans, des établissements exerçant une activité d'intelligence économique qu'elles dirigent ou qu'elles gèrent ;
  • l'interdiction, soit définitive soit pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans, d'exercer une activité d'intelligence économique.Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Lire l'intégralité du Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure