Le 21 novembre dernier, lors du rassemblement Milipol, se tenait une table-ronde abordant la question de la gestion de crise et de la résilience.
Animée par Christian Sommade, directeur général du Haut Comité Français pour le Défense Civile, la table-ronde a regroupé trois intervenants exposant leurs retours d’expérience : Delphine Arias-Buffard, Directrice des Relations Institutionnelles de Deveryware, Jean-Louis Fiamenghi, Directeur de la Sureté de VEOLIA et Vice-Président du CDSE, et Jean-Paul MAURON, Directeur Général de Techwan.
Souvent évoquées dans la gestion de crise, les notions d’« urgence » ou d’ « incident » ont pourtant des limites conceptuelles floues. Pour tenter de définir ces événements et d’en délimiter l’impact, Christian Sommade, en propose une classification, avant de s’intéresser pleinement à la gestion de crise et la résilience.
1. De l’incident au méga-choc : classification des évènements dans la gestion de crise
Au premier échelon de la classification proposée par Christian Sommade, se situent les incidents. Considérés comme un disfonctionnement à la normalité, les incidents sont gérés par les dispositifs de réaction planifiés et mis en place en amont. Evénements relativement mineurs, ils permettent d’agir rapidement et entrent dans la gestion quotidienne de chaque organisation.
Les situations d’urgence, elles, viennent se positionner à l’échelon supérieur. Elles possèdent une notion de gravité et leur impact est plus notable. Néanmoins des professionnels sont en capacité de répondre à ces situations qui ont été planifiées et codifiées. Par exemple, Un accident automobile avec des blessés est une situation d’urgence pour laquelle les pompiers sont l’un des corps professionnels en capacité d’intervenir.
Les situations d’exception se positionnent au cran d’au-dessus. Dans ce cas, la planification ne répond pas complètement ou parfaitement à la situation à laquelle l’organisation doit faire face. Les capacités d’adaptation et de résilience sont alors essentielles afin d’y faire face, auxquelles s’ajoute une notion d’agilité.
A l’échelon le plus élevé, se situent les méga-chocs. Ces situations rares rendent la planification caduque. La notion de résilience des individus prend alors tout son sens. On peut citer comme exemple, la triple catastrophe de Fukushima en 2011 ou encore le tsunami d’Asie du Sud en 2004.
Au cœur de cette classification, la crise se positionne selon la gravité des conséquences et des enjeux et de leur fréquence. Le niveau de préparation de l’organisme détermine où se situe le niveau de crise. Ainsi la maturité du niveau de préparation d’une organisation est essentielle. Dans ce cadre, la résilience se construit et se prépare, non pas seulement pendant la crise mais avant et après.
« Les plans ne sont rien, la planification est tout », D.D. EISENHOWER
2. De l’importance de la planification
« Détecter les crises, détecter demain, évaluer ce qui arrivera demain, c’est très difficile », annonce Jean-Louis Fiamenghi.
Alors que la crise survient, la partie de la planification est majeure et la gestion de crise se mesure au quotidien. Néanmoins, la seule certitude des crises de demain est l’incertitude ; à l’instar de l’attaque du Bataclan en 2015 qui a fait passer le terrorisme dans une nouvelle dimension pour laquelle le RAID n’était pas préparé.
Alors que la pression, le stress et la fatigue interviennent, chaque personne peut se retrouver rapidement en crise pour peu de choses. La planification sert alors à se connaître et à maîtriser les interfaces. La gestion de la crise se met plus facilement en place en connaissance des comportements. La notion de groupe prend tout son sens. Le décideur ne pourra pas gérer la crise s’il ne sait pas appréhender et communiquer avec son groupe : dans la crise, la solution est le groupe bien plus que l’individu.
Jean-Louis Fiamenghi insiste sur la différence entre le milieu public et le milieu privé :
- dans le public, du temps est consacré afin de planifier et préparer ;
- dans le privé, la logique de business prend le dessus ; le temps est plus restreint.
3. Les formations à la résilience
- Formation du décideur
L’expression socratique « Connais-toi toi-même » est un principe essentiel pour un décideur. En effet, ce dernier doit savoir s’il est en pleine capacité ou non pour décider lors d’une crise. Les éléments psychologiques sont, de fait, importants ; une étude comportementale permet de mieux se connaître et d’adapter sa technique pour mieux manager un groupe en situation de crise. Les techniques d’utilisation du potentiel sont souvent apprises par les décideurs : relaxation, maitrise de la respiration, etc. ; afin d’être toujours adapté par rapport au stress. Afin de garder réactivité et efficacité dans la gestion d’une crise, il est important de faire des exercices quotidiens de gestion crise pour travailler en conditions réelles sur temps long (36 heures, par exemple).
- Formation de la masse
La résilience est un concept anticipateur : on se forme toute la vie à la résilience. L’intérêt est alors de s’appuyer sur les valeurs de base de l’être humain. En termes techniques, chaque formation pour répondre à une situation est une formation à la résilience, à l’exemple de la formation aux gestes qui sauvent. Le fait même de penser aux situations d’urgence, à titre personnel (voyage à l’étranger…) ou au sein d’une organisation, participe déjà à la résilience. L’important est alors de réfléchir aux risques en passant par une planification à l’échelon personnel. La formation à la gestion de crise reste néanmoins un vrai sujet, notamment au niveau des institutions étatiques où les formations sont peu nombreuses.
- Influencer les décideurs pour mieux se préparer
Il est quelquefois difficile de convaincre les décideurs à mieux se préparer et à mettre à profit un RETEX (retour d’expérience). Il existe néanmoins plusieurs leviers pour y parvenir, comme par exemple en développant une influence par le benchmarking.
Il faut également rappeler aux décideurs le besoin de trace écrite, notamment pour l’aspect judiciaire. Pour faciliter cela, les nouvelles technologies aident à la traçabilité, en particulier lors d’une recherche de responsabilité à l’issu d’un RETEX.
4. Les nouvelles technologies au service de la résilience
Les nouvelles technologies interviennent sur un élément clé de la gestion de crise : l’alerte. Une alerte peut se caractérisée de deux manières :
- Ascendante : un témoin qui remonte une information à une structure publique ou privée ;
- Decendante : l’alerte, provenant d’une structure, permet d’informer un groupe de personnes sur le comportement qu’il doit adopter.
Les nouvelles technologies permettent de faciliter le passage de l’information et rendent alors la résilience plus efficace, comme c’est le cas pour l’application pour smartphone Deveryware permet de remonter et de descendre de l’information. L’application mobile est une « brique à l’usage de la résilience », permettant à différents maillons d’être utilisés favorablement pour sortir de la crise.
Pour Jean-Paul Mauron, éditeur d’un outil de gestion de crise, l’important est alors de conceptualiser des logiciels conviviaux et quasi-intuitifs. Si des fondamentaux, tels que les mains courantes ou encore la cartographie, doivent se trouver dans un logiciel de gestion de crise, son accessibilité par l’utilisateur doit être simplifiée afin de renforcer la résilience.
Une des peurs de la société actuelle est que, par soucis de résilience, l’aspect humain, dans la crise, ne s’efface au profit des nouvelles technologies. Il faut alors se rappeler que la technologie est utilisée par des humains et pour des humains ; les deux notions sont indissociables. Au-delà de l’humain, la communication est essentielle : la capacité à faire circuler un message est la base de la résilience.
5. L’étape du RETEX
L’introspection est souvent difficile. Identifier une faiblesse n’a que peu d’impacts a posteriori si un RETEX complet et bien exploité n’est pas établi. Elément incontournable du monde militaire, le RETEX fait partie des solutions pour améliorer une technique et sert à la planification de la prochaine crise.
Plus précisément, il permet d’identifier les problèmes d’usage d’outils à propos de notamment la cohérence du message émis. Il permet également de définir les problèmes de langage et de technique et met en lumière l’important d’avoir un langage et des techniques communes.
Comme le souligne Delphine Arias-Buffard, des RETEX à l’étranger peuvent servir d’exemple et être adaptés en France. Lors de l’ouragan Sandy en 2012, par exemple, il est ressorti du RETEX que les applications mobiles ont été plus résilientes que d’autres solutions d’alerte.
La résilience ne se résume donc pas uniquement à l’adaptation et à la réactivité pendant la crise. Elle s’établit et se travaille en amont de la crise, par la planification et la formation, mais également a posteriori, grâce au RETEX. Notion transverse, la résilience est un élément clé dont il faut se préoccuper dans la gestion de crise.
Julie Soulié