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La Suisse déclare la chasse ouverte aux fraudeurs

Les Suisses ont dit « oui » à la modification de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, permettant aux compagnies d’assurance d’espionner les assurés suspectés de fraude.

À l’issue d’un référendum organisé le dimanche 25 novembre 2018, les cantons suisses (exceptés Genève et le Jura) ont dit « oui » à 64,7% à la modification de la loi fédérale. Cette loi concède aux assureurs sociaux la possibilité d’engager des « détectives anti-abus » pour observer secrètement les assurés soupçonnés de fraude. C’est par le biais du nouvel article 43a que le Parlement a créé la base légale de la surveillance des assurés.

Cette modification est synonyme de victoire pour les assureurs sociaux. En 2016, la Suisse avait été épinglée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour avoir consenti une surveillance « illégale ». Les nouvelles dispositions concerneront au premier plan l’assurance SUVA (principal assureur-accidents de Suisse) et l’Assurance Invalidité. En effet, ces dernières étaient les seules à avoir eu recours à des observations avec des détectives avant le jugement de la Cour. En l’espèce, la CEDH avait donné raison à une assurée zurichoise ayant fait l’objet de mesures de surveillance en 2006, alors qu’elle était au bénéfice de l’assurance accidents. La Cour avait alors jugé que la Suisse n’avait pas de bases légales pour la surveillance des assurés et que la requérante avait subi une atteinte à la vie privée protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les assureurs sociaux, étant considérés comme une entité publique, engagent alors la responsabilité de l’État. La Suisse a donc été condamnée par la CEDH à verser à la requérante 8000 euros de dommage moral et 15 000 euros pour ses frais et dépens.

Depuis, l’administration fédérale et le Parlement ont précipité le processus de création d’une base légale pour habiliter les assureurs à procéder à la filature des clients suspects. De surcroit, environ 2000 enquêtes ont été réalisées chaque année entre 2009 et 2016 dès lors qu’un assuré était soupçonné de fraude. Ceci a révélé qu’un dossier sur deux étudié présentait un cas d’abus. Les observations alors menées par les compagnies d’assurance ont coûté huit millions de Francs sur les sept ans, pour réaliser 40 millions de Francs d’économies par an suite aux redressements ; ce qui représente une réelle faille à combler pour l’État.

La nouvelle disposition qui sera mise en place concernera également les autres assurances sociales, en l’occurrence l’assurance chômage, l’assurance maladie obligatoire, l’assurance militaire, les prestations complémentaires, le régime des allocations pour perte de gain et l’AVS. Elle va permettre des enregistrements visuels et sonores, mais aussi le recours à des techniques de localisation de l'assuré, comme les traceurs GPS fixés sur une voiture. Ces pratiques seront accomplies durant une période pouvant aller jusqu’à un an, nécessitant toutefois l'autorisation d'un juge. Par ailleurs, l'usage de drone n'est pas explicitement exclu. La surveillance ne sera pas limitée à l'espace public. Un assuré pourra être épié sur son balcon par exemple – la condition étant qu'il soit visible d'un endroit librement accessible. Les assurances sociales devront gérer le dossier de chaque cas d'observation de façon exhaustive et garantir la confidentialité des données. La destruction des dossiers devra être contrôlée et faire l'objet d'un procès-verbal. La nouvelle disposition prévoit déjà que l'assuré sera informé de l'observation effectuée et qu'il pourra contester la légalité de cette surveillance. Selon le projet d'ordonnance, l'assuré pourra consulter en tout temps l'intégralité du matériel recueilli.

Par conséquent, la modification de la loi fédérale fait polémique du côté du Parti socialiste, qui estime que ce changement octroie beaucoup trop de pouvoir aux assureurs dont l’intérêt principal, à travers cette loi, est de réaliser des économies au détriment de la vie privée de ses assurés.