L’intelligence artificielle peut-elle renforcer la sûreté en France ?

L’intelligence artificielle (IA), a le vent en poupe ces derniers temps, nombreux sont les acteurs qui ont remarqué son importance capitale. Ainsi, la DARPA, l’agence américaine de recherche, a investi 2 milliards de dollars dans l’IA. Selon le Président russe Vladimir Poutine « celui qui sera leader dans l’IA sera le maitre du monde ». Le 28 novembre dernier, le gouvernement français a dévoilé son plan d’investissement de 1 milliards d’euros dans l’IA.

La sûreté en France semble mise à rude épreuve au vu de la recrudescence des actes de malveillances, notamment avec le terrorisme, et les attentats du Bataclan et du Stade de France le 13 novembre 2015, ou encore l’attentat de Nice le 14 juillet 2016. L’IA pourrait semble ainsi pouvoir donner de nombreuses pistes aux acteurs concernés afin de renforcer la sûreté publique et privée dans l’hexagone.

L’IA et la sûreté :

L’intelligence artificielle est l’utilisation d’un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une certaine forme d’intelligence réelle. L’IA a été conçue pour résoudre des problèmes d’une extrême complexité.

A travers l’IA, le machine learning (apprentissage de la machine) s’est développé, processus par lequel l’ordinateur apprend par lui-même après avoir été préalablement programmé pour le faire.

Afin que le machine learning soit efficient, l’ordinateur doit disposer d’une grande capacité de stockage de données, qui va lui permettre l’exploitation de ces données pour effectuer des analyses. Le Big Data est l’outil de l’IA, car plus le machine learning (ML) dispose d’une abondance de données plus il apprend, plus il devient performant. L’une des caractéristiques du ML est sa grande vitesse d’analyse des données, mais également la capacité de faire des analyses prédictives en se basant sur les informations contenues dans le Big Data.

Qu’est ce que la sûreté ?

La sûreté est définie par les Experts en sûreté pour l’entreprise à l’international (ESEI)

comme étant « l’ensemble des moyens humains, organisationnels et techniques mis en œuvre pour faire face à des actes intentionnels ayant pour objectif de nuire à des personnes, des biens ou des sites spécifiques ».

La définition apporté par l’ESEI, indique la finalité de la notion, notamment sur l’aspect préventif de tous les actes de malveillances, tels que les actes terroristes, actes d’incivilités etc… Cette intention volontaire de nuire est très importante, puisque cela permet de différencier deux notions relativement proches sûreté et sécurité.

Impact de l’IA dans la vidéosurveillance : prévention, élucidation, gain de temps :

La vidéosurveillance (VS) est devenue un outil indispensable à la fonction sûreté, et un important moyen de dissuasion contre tous les actes de malveillances.

Le 8 février 2018, dans le Vaucluse, la SNCF avait dénoncé un acte de malveillance, après qu’un train avait manqué de percuter une plaque de béton sur la voie ferrée. Le conducteur a pu constater cette plaque de béton et la retirer sans causer de dégâts matériels et humains. La VS aurait pu permettre d’identifier l’auteur de cet acte, mais également d’anticiper le délit, en alertant la SUGE (surveillance générale, police de la SNCF) ou les autorités de proximités.

Cependant, lorsqu’un délit, ou acte de terrorisme est commis sur le sol français, les enquêteurs doivent s’atteler à des taches très chronophages, tel que le visionnage de toutes les caméras de vidéosurveillance (CVS) de la zone touchée, sachant que la RATP dispose d’environs 50 000 CVS.

C’est à ce niveau qu’il est intéressant de constater l’avantage de technologies issues de l’IA. Cette dernière ouvre le champ des possibilités et des performances dans le domaine de la sûreté, notamment avec la VS. L’introduction de l’IA à la VS, consolide l’optimisation de la recherche d’informations dans un méandre d’images, et l’exploitation rapide de ces données. La VSI (Vidéosurveillance Intelligente) dispose d’une extraordinaire capacité de détection et d’identification telles que :

  • La détection d’attroupements indiquant une situation dangereuse. La VSI détecte ces anomalies en amont, lors de la collecte et l’analyse d’information. Ainsi, elle peut modéliser l’ensemble des données reçues, permettant d’anticiper des situations. Cela aura un impact fortement positif, car la VSI renforcera le sentiment de sécurité des usagers dans les transports, mettra également un terme au climat d’angoisse dans lequel vivent les citoyens.

 

  • La détection et prévention d’actes terroristes. Au-delà, de la capacité de détection d’anomalies, la VSI permet l’identification d’un ou plusieurs individus, l’identification biométrique (reconnaissance faciale, ou de l’iris). La reconnaissance faciale pourrait devenir une arme majeure dans la lutte contre le terrorisme. Initialement les algorithmes contenus dans la VSI permettent de reconstituer le parcours d’un terroriste, mais sont aussi capables d’analyser son comportement, et ainsi de prévenir une éventuelle action néfaste. Dominique Legrand, président de l’Association Nationale de la vidéoprotection, a fait un constat alarmant,  relatif à l’attentat à l’aéroport de Bruxelles en mars 2016. L’investigation permettant de connaitre l’auteur a pris un mois, tandis qu’avec la reconnaissance il aurait fallu quelques minutes pour connaitre son identité, et son profil. Un gain de temps, inestimable dans la détection et le suivi des actes délictueux et terroristes.

 

  • La détection d’actes d’incivilités. La VSI permet de retrouver et d’identifier les auteurs- même cagoulés – de ces incivilités. La VSI peut en effet, reconnaitre un ou plusieurs signes distinctifs sur leurs vêtements afin de retrouver d’éventuels suspects. En couplant toutes les données sur les différentes VSI avec les mêmes signes distinctifs.

 

 

La technologie IA est une ressource fonctionnant en continu, a contrario des forces de l’ordre. Les policiers ont un quota d’heure de travail à effectuer et  fonctionnent sur le principe des roulements. Dès qu’une équipe du matin termine son service, celle de l’après-midi prend la relève. De son côté, l’IA ne fait jamais de pause.

La vidéosurveillance peut devenir une solution indispensable pour garantir la sûreté en France, sans négliger les compétences humaines.

Opposition de la commission nationale informatique et libertés (CNIL) face à la vidéo en temps réel dans les lieux publics

Le maire de Nice, Christian Estrosi, avait critiqué la CNIL, en reprochant à la commission d’être un obstacle  au « développement de nouveaux moyens de lutte contre le terrorisme  et de pas vivre avec son temps». Cela faisait suite à l’interdiction de continuer le développement des tests de l’application Reporty, qui permet aux citoyens d’envoyer en temps réel aux forces de l’ordre des vidéos d’actes délictueux ou inappropriés.

La CNIL s’est opposée à cette application, qui pourrait être un bon outil en cas d’attentat, puisque cela permettrait d’aider les forces de l’ordre d’intervenir rapidement lors d’une constatation d’acte illégal mettant en danger la sécurité d’autrui. Cette attitude de vigilance citoyenne permettrait notamment de coordonner les échanges citoyens/police.

Le secrétaire général de la CNIL avait indiqué le mutisme du droit face aux nouvelles technologies de la reconnaissance faciale. La commission invite les politiques au débat public pour la VSI, car la législation actuelle n’apporte pas les réponses adéquates à ces nouvelles technologies. La CNIL base sa défense sur le prisme du respect de la vie privée des citoyens, et estime que Reporty ne prend pas en compte ces impératifs. Cela illustre une fois encore le délicat équilibre entre sécurité des citoyens et respect de la vie privée.

A l’inverse de l’abandon français du projet Reporty, le gouvernement chinois a autorisé l’expérimentation de la vidéosurveillance intelligente. Le pays dispose d’environ 170 millions de caméras à vidéosurveillance intelligente, dans l’optique de garantir la sécurité de ses citoyens. Pour le moment aucune autorité ne s’est opposée à ce système. D’ici 2020, le nombre de VSI serait multiplié par trois, soit près de 600 millions de VSI.

Jonathan Chaste pour le Club Sûreté de l'AEGE