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La France veut confirmer son statut de partenaire clef en Égypte

Dans un regain de tensions suite au retrait des Américains de l’accord sur le nucléaire iranien, et suite au blocus du Qatar par le quartet dirigé par l’Arabie saoudite, la France tente de s’imposer comme un partenaire pour la stabilité politique de la région.

La visite du président Macron au Caire constitue une nouvelle étape dans la coopération entre l’Égypte et la France.  Cette visite s’effectue sous le feu des défenseurs des droits de l’Homme, très critique envers le régime du président Al-Sissi. Même si aucun contrat d’armement n’a été annoncé, il s’agirait de la passation de 30 contrats dans divers domaines selon le journal  libanais An-nahar, quand d’autres sources parlent de 40 contrats et de la poursuite des tractations entre industriels français et autorités égyptiennes. Même si E. Macron a annoncé qu’il ne signerait pas de contrats d’armement, de nombreux patrons dont ceux de Naval Group, Dassault Aviation et d’Airbus Helicopters ont accompagné le président lors de ce voyage.  La vente d’armes n’étant pas un commerce comme les autres, il suppose une entente politique entre les parties et une situation géopolitique et militaire particulière.

L’industrie française de défense : un outil diplomatique

La rencontre entre les deux présidents portait sur les grands dossiers affairant à la région, notamment sur la situation en Libye, l’évolution du conflit syrien ainsi que les tensions liées au dossier iranien. Une convergence d’intérêt entre l’Égypte et la France sur les différentes problématiques de la région s’est dégagée depuis quelques années. La vente de 24 Rafales en 2015 à l’Égypte fait suite à l’entrée en action de l’armée française contre l’État islamique. L’avion Rafale difficile à exporter a profité d’une entrée en action sur le théâtre d’opérations du Moyen-Orient. Ces contrats ont été soutenus par une politique d’exportation favorable envers les industriels et un alignement des normes juridiques au niveau européen concernant le transfert de produits liés à la défense.

Le déplacement d’E. Macron fait suite à celui de son homologue égyptien en octobre 2017 intervenu quelques mois après l’annonce par l’administration Trump de la réduction de l’aide militaire accordée à l’Égypte. Les États-Unis justifiaient leur aide dans un rapport du Congrès sur les relations Égypte-USA par la nécessité de maintenir l’accord de paix signé par Israël et l’Égypte en 1979, maintenir un accès facile à la mer méditerranée pour l’US Navy et favoriser la démocratie et l’économie.

Actuellement, les États-Unis et l’Égypte semblent diverger sur de nombreux sujets et on assiste à une érosion de la vision commune d’antan. La volonté de l’Égypte de soutenir le maréchal Haftar en Libye face aux factions soutenues officiellement par les États-Unis n’est qu’un exemple de la divergence générale entre les deux États. En 2013, l’aide américaine représentait 1,3 milliard de dollars par an. Cette aide permettait d’équiper à hauteur de 80% l’armée égyptienne. L’Égypte est devenue à la suite de ces réductions un client potentiel pour les industries de défense à l’affut des marchés ouverts à la concurrence.

Ainsi, suite aux réductions drastiques de l’aide américaine, l’Égypte a initié des rapprochements avec d’autres partenaires comme la France ou la Russie. C’est dans ce contexte que la France développe sa coopération avec l’Égypte.  

L’industrie française de défense : vers une diversification géographique des exportations ?

Même si la France a remporté de gros contrats d’armement par la vente de Rafales ou de bâtiments de projection, le Moyen-Orient représente près de 40% des exportations d’armes de la France comme le souligne le rapport au Parlement sur les exportations d’armement de l’année 2017 (page 15). Les commandes d’armes passées par les pays de la zone Moyen-Orient sont dépendantes de l’évolution des cours du pétrole. De plus, le refroidissement des relations entre l’Égypte et les États-Unis n’étant pas éternel, la France pourrait se trouver économiquement en difficulté si  de grosses industries américaines décidaient de reprendre le marché comme General Dynamics,  moteur de l’aide militaire versée à l’Égypte par le passé. La France a su profiter de la mise en retrait américaine en exportant ses armes en Égypte, le défi demeure de rester un partenaire clef pour le pays.

Tous ces aléas interrogent sur l’indépendance à long terme de notre industrie d’armement dépendante des exportations. Sa bonne conduite assure l’indépendance nationale et la capacité française d’influence politique. Si elle ne diversifie pas son portefeuille d’acheteurs, la France pourrait se voir dans une situation dangereuse due aux rapides évolutions de la zone Moyen-Orient. En outre, la France ayant décidé d’aborder officiellement les questions sur les droits de l’homme, elle devra le faire avec réalisme comme le soulignent certains auteurs,  sinon l’Égypte pourrait se tourner vers des partenaires comme la Chine ou la Russie.