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La vérification des faits à l’ère de la désinformation

Depuis la révolution numérique, le fact-checking n’a cessé d’évoluer. Face à la multiplication de la désinformation, ce travail de vérification s’est progressivement étendu à l’ensemble des informations véhiculées dans l’espace public. A l’ère d’internet, l’information circule très rapidement, la désinformation devient si facile à produire et à diffuser qu’il est important pour chacun de développer des compétences en vérification.

La
vérification de l’information est un processus qui permet de trouver de
nouveaux indices et de faire corroborer les preuves. Il existe
plusieurs outils permettant de vérifier l’authenticité d’une vidéo,
comme « YouTube Dataviewer » développé par l’ONG Amnesty International,
ou « InVID » développé par l’AFP. Ce dernier outil permet de
détecter, d’authentifier et de vérifier la fiabilité, l’exactitude et la
véracité des vidéos diffusées sur internet. Le logiciel extrait une
série d’images issue de la vidéo pour effectuer une recherche inversée
sur différents moteurs de recherche (tels que Bing, Yandex, ou encore
DuckDuckGo) ; ces derniers vérifient si les images capturées ont déjà
été référencées sur d’autres sites.

La
recherche d’image inversée se traduit comme une requête en
référencement auprès d’un moteur de recherche d’une image extraite à
partir vidéo. Elle ne donne pas systématiquement de résultat, pour deux
raisons : d’une part, dans le cas de figure où l’image n’a jamais
été publiée sur internet, soit parce qu’elle n’est pas encore indexée.

 

Le
recours aux indices visuels (enseignes de magasins, plaques de rues,
marquages au sol, arrière-plan, plaques d’immatriculation, etc.) peut
aider à retrouver le lieu voire à dater une image. Il s’agit d’avoir
recours à une technique d’investigation : GEOINT
(Geospatial intelligence). Elle peut être définie comme « une
information sur l’activité humaine ou environnementale sur Terre dérivée
de l’exploitation et de l’analyse d’images et d’informations
géospatiales décrivant, évaluant et représentant visuellement des
entités physiques et des activités géographiquement référencées ».

 

 Il
est à noter que les outils de recherche sont éphémères et de nouveaux
naissent constamment. Compte tenu de la rapidité avec laquelle une
information cruciale peut être perdue, la capture écran reste un
excellent moyen d’assurer l’enregistrement et la transparence d’un
processus de vérification.  

Prenons l’exemple d’Alexandre Capron
présentateur et journaliste d’ « Info ou Intox » chez France 24.
Lors d’une conférence intitulée « Fact-checking : Méthodes,
outils, et un peu plus que ça »,  le journaliste a présenté
une vidéo accusant des ouvriers de vol
qui aurait été partagée sur plusieurs sites dans différents pays,
comme  le Cameroun, le Gabon, ou encore la France. Suite à un
travail d’investigation de dur labeur et à l’aide de contacts, il s’est
avéré que la vidéo a été tournée au Mozambique.

 

En
outre, les motivations encourageant la propagation de fake news sont
multiples. La diffusion d’un contenu outrageant sur internet permet de
créer le « buzz », soit d’obtenir une forte audience en un
laps de temps réduit. Comme les algorithmes des réseaux sociaux mettent
en avant les contenus disposant de nombreuses mentions
« j’aime » ou de partage, ces contenus ont davantage de
visibilité et mènent souvent à des propositions de sponsoring et de
monétisation.

Sur Twitter,
une étude du MIT publiée dans le magazine Science démontre qu’une
information vraie met six fois plus de temps à parvenir à 1500 personnes
qu’une information qui ne le serait pas. En conséquence, il n’est
toujours pas évident de démêler le vrai du faux, d’autant plus que sur
internet et les réseaux sociaux les rumeurs sont démultipliées et
amplifiées. 

 

Il
est essentiel pendant la vérification d’un élément de contenu,
d’élaborer un tableau de bord couplé à un système d’alertes afin de
visualiser et comparer les résultats. Ainsi, plus le veilleur dispose
d’informations sur chaque pilier, plus sa vérification sera solide. En
outre, avant de vérifier la véracité d’une information en ligne, il faut
d’abord se poser une question fondamentale : le contenu est-il lié à un
événement qui s’est réellement déroulé ? 

Identifier
la fiabilité d’une source est ainsi primordial, pour pouvoir par la
suite d’assurer de la véracité de l’information. La vérification repose
sur cinq piliers essentiels à respecter.

 

Le
premier est la vérification de la provenance, il est impérativement
nécessaire de s’assurer de l’originalité du contenu à partir des détails
présents et de nos connaissances pour ne pas nuire à l’ensemble du
contenu. 

Vient
ensuite la vérification de la source, soit la personne qui a créé ce
contenu, tout en insistant sur la nécessité de faire la différence entre
la personne qui a diffusé le contenu et qui l’a capturé. Il est par
exemple nécessaire de se demander si la personne qui détient le compte
était à proximité de l’endroit où l’événement s’est produit.

En
troisième lieu, il convient de recherche la date. Il faut reconnaitre
que chaque publication sur internet est horodatée, mais l’horodatage ne
précise que la date de diffusion d’un contenu pas celui de sa capture.
Pour déterminer la date à laquelle un élément a été capturé, on peut se
référer aux métadonnées grâce a plusieurs outils comme Jeffrey’s Image
Metadata Viewer.

Quatrièmement
il faut se concentrer sur la localisation, le lieu de création du
compte utilisateur à l’origine de la diffusion de ladite information. En
effet les publications sont souvent localisées, mais l’emplacement
diffère entre le lieu de capture et de diffusion, la compétence la plus
importante à développer pour vérifier un emplacement est l’aptitude
d’observation.

Enfin la
motivation, nul peut connaitre quelle est la raison de la diffusion d’un
contenu. Il est nécessaire de rassembler un maximum d’informations sur
le compte diffuseur pour connaitre la finalité de son acte, ou bien lui
demander directement afin d’avoir une réponse concrète, même si obtenir
une réponse est peu probable au regard des sanctions qu’il encourt. De
plus, un trop grand attachement sur la véracité d’une hypothèse peut non
seulement compromettre l’intégrité de la vérification, mais peut aussi
être une importante perte de temps.

 

De
ce fait, il existe plusieurs manières de lutter contre la
désinformation. Il convient tout d’abord de sensibiliser le grand public
aux techniques de manipulations de l’information. À cet effet,
l’association FAKEOFF est la première à se mobiliser contre les fake
news. Le contrôle des informations doit également être renforcé avant
toute publication par les administrateurs et utilisateurs, notamment sur
les réseaux sociaux. La dernière issue est le recours à l’intelligence
artificielle. Le fact-checking est toujours effectué manuellement et la
vérification manuelle de chaque contenu individuellement est une tâche
lourde. À titre d’exemple, Facebook emploie des milliers de modérateurs
dont l’unique mission consiste à nettoyer la plateforme des fake news et
autres contenus indésirables. L’intelligence artificielle permet de
traiter une gigantesque masse de donnée dans un laps de temps
réduit. 

 

En outre, Il existe de nombreuses précautions de sécurité à considérer lors de travaux de vérification :

– Avoir un niveau élevé de sécurité numérique personnelle, utilisation d’un mot de passe robuste.

– Vérification des empreintes numériques et des paramètres de confidentialité de tous les comptes sociaux utilisés. 

– Utilisation d’un VPN.


En cas de partage ou publication d’information dans des espaces fermés
ou anonymes, l’utilisation d’un pseudo est primordiale. 

 

Pour
conclure, une vérification efficace de l’information repose sur la
persévérance et l’utilisation d’outils d’enquête numériques couplé à la
créativité. Aujourd’hui, le fact-checking prend de plus en plus
d’ampleur et s’institutionnalise. Un certain nombre d’organisations et
d’institutions ont mis en place des structures dédiées afin d’y faire
face, notamment sur les sujets et les périodes qui suscitent le plus
d’intérêts. Malgré les actions entreprises, il reste beaucoup de travail
à faire pour limiter cette propagation. En effet, la plupart des
interventions ayant pour ambition de freiner la propagation de fake
news, souffrent du même problème. Elles tentent d’intervenir et de
rectifier les effets après que les fausses nouvelles aient déjà commencé
à se propager.  Or, même si la réaction est rapide, il est souvent
trop tard, étant donné la vitesse de circulation des fake news. 

Othmane Ouanaim