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[Conversation] Le Portail de l’IE reçoit Philippe Eudeline, président du cluster NAE (Partie 1/2)

Le Portail de l’IE a eu le plaisir de s’entretenir avec Phillippe Eudeline, président du cluster NAE. Christophe Moulin nous propose cet échange riche en enjeux contemporains. Tentatives de déstabilisations, impactes sur l’ensemble de la chaine de production, méthodes d’IE mise en place sont au programme… La seconde partie est à retrouver très prochainement.

 

Christophe Moulin : Pourriez-vous nous présenter Normandie AeroEspace, son histoire et le rôle de ce groupement d’entreprises en France ?

Philippe Eudeline : Normandie AeroEspace (NAE) est la filière aéronautique, spatiale, défense et sécurité sur la Normandie. Il s’agit d’une association à la fois de grands groupes industriels de ces secteurs présents en Normandie (Safran, Thales…), de PME dont plus de 90 font partie de ce groupement, les 4 aéroports civils et la base aérienne 105, mais aussi 24 laboratoires de recherches et 17 établissements d’enseignement supérieur. 

L’objectif de Normandie AeroEspace est de développer l’activité de nos 4 secteurs sur la Normandie en développant l’activité des membres, qu’ils soient industriels ou orientés sur la recherche et l’enseignement. Nous avons été créés il y a 21 ans, en 1998 ; nous sommes partis de 8, d’abord sur l’Eure et la Seine-Maritime (l’ex-Haute-Normandie), en 2006 nous avons étendu nos activités aux trois départements de l’ancienne Basse-Normandie, donc nous avions « réunifié » la Normandie sur nos activités dès 2006. 

Nous sommes soutenus à la fois par la région, par l’État pour nous aider à mettre en œuvre des actions pour développer nos membres. Nous avons à cet égard 5 grands axes de travail. Le premier concerne la recherche dans la technologie et l’innovation, car nous sommes dans des métiers dans lesquels il faut fortement investir et mettre ainsi en place des programmes de recherche entre les grands groupes, les PME et les laboratoires de recherche. 

Le rôle de NAE est de fédérer, de monter le projet, d’aller chercher des financements et parfois de piloter ces projets. Nous établissons des roadmaps sur nos activités en région, que sont entre autres la propulsion, l’électronique embarquée, les matériaux composites, auxquels nous venons ajouter l’industrie 4.0, soit la numérisation dans nos entreprises. Nous avons aussi deux nouveaux axes de recherches : les drones, puisque nous sommes en train de structurer l’écosystème de start-up qui travaillent sur ce sujet en Normandie et la fabrication additive. La région nous a demandé à cet égard de piloter les plateformes de fabrication additive, que ce soit métallique ou plastique, sur la Normandie. 

Un deuxième axe de travail pour NAE concerne le développement des PME. L’objectif était initialement de les faire travailler pour les grands groupes, ce qui manquait lorsque nous avons été créés, car les grands groupes avaient leur siège en région parisienne et non en Normandie, ce qui compliquait la relation de travail avec les PME. N’ayant pas de stratégie de développement territorial, nous avons agi pour faire comprendre à ces groupes que la proximité avec les PME était un atout, à partir du moment où il y avait de la compétence et de la compétitivité. Nous avons été écoutés et nos PME travaillent aujourd’hui pour les grands groupes, à la fois sur le territoire de la Normandie, mais aussi sur le territoire national. Il fallait aussi ouvrir nos PME à l’international, de telle façon qu’elles puissent entrer sur les marchés au niveau mondial. L’action a été de participer à de grands salons : à titre d’exemple, nous avons emmené 43 PME normandes au dernier salon du Bourget, où nous avions un stand de 700m2, ce qui a permis à nos PME de rencontrer les groupes de renom à l’échelle mondiale sur nos activités.

Le troisième axe concerne l’emploi/formation : notre difficulté majeure réside dans les ressources humaines, même si nous travaillons sur des métiers en forte croissance. L’année dernière, nous avons ouvert plus de 1300 postes dans nos entreprises normandes, mais nous rencontrons toujours des difficultés à recruter sur l’ensemble de la Normandie. L’idée est donc de travailler avec les établissements d’enseignement. Nous avons mis en place des formations spécifiques afin de recruter à l’échelle régionale dans le but de former nos jeunes normands et qu’ils restent sur le territoire. En parallèle, nous participons à beaucoup d’évènements pour trouver les ressources dont ont besoin nos entreprises. 

Le 4ème axe concerne la compétitivité. Je viens de lancer une action appelée « NAE 2028 » qui vise à faire en sorte que nos entreprises travaillent à leurs mutations technologiques, managériales… pour rester compétitives à l’horizon 2028. Pour cela, nous avons organisé un séminaire ou nous avons fait venir les dirigeants d’Airbus, qui ont requis de manière très claire que nous baissions nos prix de 5% par an sur les années à venir. Cela impose que nous ayons une vraie stratégie de compétitivité au sein de nos entreprises pour tenir ces challenges-là et faire en sorte que nos entreprises augmentent leurs parts de business avec les grands industriels que sont Airbus et Boeing, ce qui représente un effort colossal. 

Le dernier et 5ème axe est la communication, car malheureusement, la Normandie ne bénéficie pas d’une belle image de marque en termes d’industrie, alors que les industries que nous soutenons représentent 21% du PIB de la région. Inutile de dire que l’affaire « Lubrizol » ne nous aide pas non plus à cet égard. Donc nous communiquons énormément pour montrer que la Normandie recèle aussi de bien des pépites, des entreprises de très bon niveau et avec un savoir-faire important et une compétitivité qui répond aux attentes du marché. Voilà un rapide tour d’horizon de nos objectifs. Nous avons 7 permanents chez NAE à présent, qui permettent de mettre en place ces 5 axes évoqués.

 

C. M. : Intégrez-vous des start-ups dans ce groupement ?

P. E. : Effectivement, il y a 4 ans était voté en conseil d’administration un nouveau collège pour les start-up. Nous avons 8 start-up au sein de notre groupement à ce jour. Nous en accompagnons d’ailleurs d’autres, qui ne font pas encore partie de NAE, pour les préparer. Nous ne sommes pas un cluster ouvert : on a un processus d’adhésion assez strict, car nous jouissons aujourd’hui d’une grande réputation, basée sur la confiance que nous accordent les grands groupes. Ces derniers savent que lorsque nous labellisons un de nos membres, c’est parce que ce dernier répond à des critères de qualité, d’éthique… ce que nous souhaitons préserver, évidemment. Pour ça, nous devons nous assurer que nos membres ne viendront pas mettre à mal cette stratégie de communication sur l’excellence. Nous devons donc accompagner ces start-up avant de les intégrer à NAE.

 

C. M. : Faire partie de NAE est donc un gage d’excellence pour les entreprises concernées…

P. E. : Absolument ! Vous pouvez en être témoin : en général, les PME, dès qu’elles sont labellisées, mettent notre logo sur leur site web ou sur leurs cartes de visite. C’est une fierté pour ces entreprises que d’être membres de Normandie AeroEspace.

Suite et fin prochainement