Considérées comme peu crédibles ou hasardeuses, les crypto-monnaies connaissent un regain d’intérêt depuis quelques mois. En parallèle, les banques centrales asiatiques et occidentales comptent s’armer progressivement de leurs propres monnaies numériques pour tenter de préparer l’après-dollar. La Chine et l’Iran semblent être en avance sur le projet mais la riposte américaine semble déjà se mettre en place.
Alors que l’Iran risque de connaître de nouvelles sanctions économiques de la part des États-Unis, elle aurait trouvé dans le Bitcoin la solution à l’embargo qui lui est imposé. Il semble de ce fait bien résolu à ne pas infléchir la politique de puissance qu’il a entamé depuis quelques années. En commercialisant ses immenses ressources gazières et pétrolières dans une monnaie autre que le dollar, l’Iran échapperait aux lois d’extraterritorialité américaines qui l’ont conduit à l’isolement. De ce fait, la République islamique a récemment promulgué une loi forçant les crypto-mineurs iraniens à vendre une partie de leur Bitcoin auprès de la Banque Centrale. Cette décision vise à financer ses importations et à devenir le premier pays à faire du Bitcoin, une monnaie de réserve. Cela pourrait permettre un regain de confiance dans le rial iranien, en chute libre depuis quelques années.
La Chine en pole position pour l’après dollar
Si cela fonctionne, ce mouvement de digitalisation pourrait très rapidement être suivi par d’autres nations subissant des sanctions américaines comme Cuba ou le Venezuela. Dans la même optique, la Chine envisage la création d’un yuan digital pour contrer l’influence de la monnaie américaine dans ses échanges internationaux. Cette monnaie numérique, appelée CBDC (Central Bank Digital Currency), se démarquerait des crypto-monnaies traditionnelles dans la mesure où son émission proviendrait d’une banque centrale affiliée à un État.
Le nouvel axe sino-iranien autour d’un échange visant à garantir à l’empire du milieu du pétrole à bas coût, serait l’occasion rêvée pour soutenir ce projet. Bien qu’aucune date n’ait encore été officialisée quant au lancement de l’opération, il se pourrait que celle-ci se concrétise très rapidement.
La réponse du bloc occidental
Dans l’attente du projet chinois, les États-Unis ont d’ores et déjà prévu de contre-attaquer. Le président de la FED, Jérôme Powell multiplie les allusions depuis le début de l’année quant à l’instauration d’une CBDC capable de répondre à la concurrence. De son côté, la BCE suit aussi la tendance qui semble aller vers le développement de monnaies numériques, mais son projet est encore en phase d’expérimentation.
Parallèlement, un autre évènement est venu rappeler l’avenir dont les crypto-monnaies disposent. La grande banque d’affaires américaine JP Morgan a inauguré ces derniers jours les premières transactions de JPM Coin, sa nouvelle crypto-monnaie personnelle. Cette dernière repose sur la création d’une entité blockchain permettant de réduire certains coûts de transaction internes à la banque. Cela visera avant tout à fluidifier les flux interbancaires et moderniser un édifice datant des années 70. Cette innovation peut sembler paradoxale dans la mesure où l’un des arguments en faveur de l’utilisation des crypto-monnaies est justement d’éviter le circuit bancaire traditionnel. Mais JP Morgan fait le pari qu’intégrer cette technologie au système existant l’empêcherait de tomber en désuétude.
Alors que dans le même temps les planches à billets des banques centrales tournent à plein régime pour soutenir des économies exsangues, ce sursaut en faveur des crypto-monnaies et des CBDC n’est pas un hasard. On peut désormais légitimement se demander si l’emballement croissant qu’elles suscitent n’est pas la preuve d’un nouveau système monétaire en gestation.
Evan Tirologos