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Transparency International : une éthique à géométrie variable

L’ONG Transparency International (TI) vient de publier son rapport sur la lutte contre la corruption dans le monde, soulignant un niveau d’éthique « décevant » en zone euro et suggérant des solutions souvent contestables

L’ONG poursuit un combat légitime auquel chacun peut souscrire : la corruption est immorale en soi, elle altère la confiance des citoyens dans le Pouvoir politique comme l’équité dans les relations commerciales internationales.

Mais pour être juge, faut-il être encore inattaquable !

TI n’est une organisation indépendante ni financièrement ni culturellement : son existence doit beaucoup à des fondations (Bill Gates et Soros) et des multinationales anglo-saxonnes (BP, Shell, General Electric, Procter & Gamble), des institutions gouvernementales (l’Agence américaine pour le développement international – USAID) et internationales, comme la Banque Mondiale dont le classement Doing Bussiness 2013 des « réglementations nationales intelligentes » dans le monde des affaires place notre pays entre l’Arménie et Chypre…

L’ONG publie ainsi tous les ans, depuis 1999, un « indice de perception » de la corruption s’appuyant sur des études d’opinions : quoi de plus subjectif ? Qui choisit le panel ? De qui est-il composé ? On n’en sait rien. A partir de cet « indice », TI classe les pays mais les bons élèves sont toujours les mêmes : pays scandinaves, Suisse, Nouvelle-Zélande, Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis. Enfin, après avoir mis en accusation les Etats, l’ONG propose ses « services », moyennant rémunération, soulignant le monopole international qu’elle exerce dans ce magistère moral : payez, vous serez considéré ?

C’est cette même méthode qui est utilisée par une autre ONG-sœur, TRACE(1), qui propose de fournir, à ses adhérents (entreprises et gouvernements) des intermédiaires vertueux (!) pour leurs relations d’affaires internationales. Ceux qui refusent, bien sûr, s’exposent au soupçon. TRACE, lancé par Franck Vogel, alors vice-président de Transparency International, est présidée par Alexandra Wrage, ancienne directrice du groupe américain de défense, Northrop Grumman, dont l’éthique a, pour le moins, été sujette à débat. Le point de départ de ces initiatives est la convention OCDE contre la corruption qui a été ardemment « vendue » dans le monde par les Etats-Unis, souhaitant que ses partenaires commerciaux soient, eux aussi, assujettis à une législation stricte sur le modèle du « Foreign Corrupt Practices Act » adopté en 1977. Mais simultanément, certaines grandes entreprises américaines, avec l’aide de leur gouvernement, ont su développer des pratiques habiles de contournement(2) pendant que ces ONG, dont l’administration fédérale avait suscité la création, pointaient du doigt les concurrents moins « organisés ».

La France qui applique depuis 2000 la convention OCDE de manière rigoriste, à la différence de la plupart des autres Etats signataires, n’a cessé, depuis, de perdre d’immenses marchés internationaux, en particulier dans les secteurs sensibles de la défense et de l’énergie. Pourquoi Transparency International, qui se targue d’éthique et d’équité, ne milite-t-elle pas pour que les traductions législatives nationales de la convention OCDE soient harmonisées, afin que chaque pays, engagé dans cette démarche vertueuse, puisse lutter à « armes égales » avec ses concurrents et que la vertu ne soit pas ainsi pénalisée.

La description, enfin, des pratiques françaises, dans le rapport de TI, ressemble fort à un procès fait à notre pays. Les turpitudes relevées ressemblent à un inventaire à la Prévert : trafic de diplômes dans le Var, abus de pouvoir dans la police, vol par un curateur des personnes placées sous sa protection, mais aussi dénonciation du groupe Safran, accusé d’avoir versé des pots-de-vin au Nigeria, sans même que l’ONG attende, dans le respect de nos procédures judiciaires, les résultats de l’appel interjeté par celui-ci ; l’ONG dénonce aussi le contournement par les micro-partis de « l’esprit » de la loi (Esprit où es-tu ?) garantissant la liberté de création d’un parti politique, alors qu’il s’agit d’un droit constitutionnel. Elle critique le cumul des mandats (quel rapport avec le sujet ?), qui permet aux élus, dans un pays encore jacobin, de disposer de plusieurs leviers face à l’Etat ; elle souligne les difficultés de la Justice face au « secret défense », pourtant garanti, à juste titre, par les Etats du monde entier.

Elle s’étonne enfin que les poursuites des cas de corruption d’agents publics étrangers soient si rares chez nous quand elles sont fréquentes aux Etats-Unis : mais pourquoi l’interprétation des statistiques pénales est-elle utilisée exclusivement à charge contre notre pays ?

On rejoindra au moins sur un point Transparency International : la nécessité de rendre inéligibles à vie les élus condamnés définitivement pour corruption : la proposition de loi que j’avais déposée n’a jamais été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée. Mais une bonne et juste idée ne « blanchit » pas pour autant une organisation qui dissimule les raisons et les conditions de sa création, cultive l’opacité dans ses méthodes et la subjectivité dans le « ciblage » de ses victimes.

Bernard Carayon
Président de la Fondation Prometheus
Avocat à la Cour
Ancien député (UMP)