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Le conflit des Malouines, entre guerre informationnelle et guerre économique

A l’occasion de la sortie du film « la Dame de fer » le 15 février et parce que le conflit des Malouines se ravive depuis ces dernières semaines entre l’Argentine et le Royaume Uni, focus sur ce petit archipel nœud de toutes les tensions

Ces derniéres semaines le conflit des Malouines pour les argentins et des Falklands pour les britanniques, est instumentalisé par les deux parties pour servir leurs intérets, tant économiques que politiques.
Le 1er Janvier, la Grande-Bretagne annonçait le déploiement  du HMS Dauntless pour une mission de « routine » dans les Falklands. Résultat de la hausse de ton de ces dernières semaines entre la Grande Bretagne et l’Argentine. Celle-ci dénonçait l’intention de la Grande Bretagne de militariser le conflit. L’attitude de la Grande Bretagne à l’égard des Falkland démontre clairement un affaiblissement de son influence au niveau diplomatique à l’image de celle des USA. En déployant, le Dauntless, dernier bijou technologique de la Royal Navy, le Royaume Uni illustre son incapacité à faire face à la crise et à mobiliser les pays de l’Union Européenne en sa faveur.
Autre symbole de souveraineté, Le Royaume uni a délégué sur le Dauntless le prince William, pilote d’hélicoptère chargé de finir son apprentissage, il a effectué son premier vol le 5 février. Malgré ces actions, le Royaume Uni perd en légitimité et laisse l’Argentine remporter la guerre de l’information sur le conflit.  Le Royaume Uni met ainsi en avant sa supériorité maritime et technologique sur l’Argentine et plus globalement, les pays d’Amérique du sud qui ont déjà élaboré des plans de modernisation de leur flotte.

Les britanniques ont tendance à instrumentaliser le conflit comme l’avait fait Tatcher en son temps pour occulter les difficultés du pays en matières économique et social. En effet, en 1982, Tatcher avait du faire face à une crise économique grave au Royaume Uni avec une agitation sociale du la hausse de chômage et de l’inflation. Le conflit des malouines avait fédéré les britanniques derrière leurs soldats envoyés pour défendre « le territoire nationale ». La victoire du Royaume Uni sur l’argentine avait beaucoup contribué à la popularité de Tatcher qui était réélu en 1983. Une technique de communication reprise par David Cameron et dénoncée par le vice-président argentin Amado Boudou.
Aujourd’hui, le premier ministre David Cameron, a mi-mandat des prochaines législatives, tente en effet de jouer sur la fibre nationaliste britannique. A l’image de Tatcher, il est lui même confronté à une crise économique grave et à une agitation sociale marquée qui s’oppose à la politique de rigueur du gouvernement. D’autres problèmes intérieurs viennent s’ajouter pour Cameron. La volonté d’indépendance de l’Ecosse dont le premier ministre à déjà présenté une feuille de route vers davantage d’autonomie pose problème à Londres. Le gouvernement britannique a besoin de remporter une victoire sur le front des malouines pour calmer les velléités intérieurs ou tout au moins les limiter. Les enjeux économiques et énergétiques encouragent également les britanniques à défendre leur souveraineté sur les Falklands. Avec la fin de vie annoncée des champs pétroliers de la mer du Nord, le gouvernement de Cameron souhaite clairement conserver l’archipel des Falklands, riche en ressources naturelles.

La prochaine erreur des britanniques serait de faire appel aux USA, déjà en disgrâce dans cette région du monde et qui en 2010 avait déclaré par le biais de la secrétaire d’Etat Hillary clinton, soutenir des négociations bilatérales entre les deux pays.

L’Argentine aura quant à elle retenue la leçon de 1982,  si elle mise sur la retenue et prône la non intervention militaire. La aussi, les enjeux de politique intérieure ont également une importance sur le conflit. En 1982, la junte militaire conduite par le général Galtieri avait également instrumentalisé le conflit pour occulter les problèmes intérieurs tel que l’inflation et le chômage que la junte au pouvoir depuis 1976 n’arrivait pas à régler. Et comme dans le cas britannique, la fin du conflit des malouines synonymes de défaite pour les argentins avait contribué à la chute du régime militaire en place et à une transition démocratique avec l’élection en 1983 de Raoul Alfonsin.

Christina Kirchner au même titre que Cameron entend également instrumentaliser la fibre nationaliste du peuple argentin et mettre à l’arrière plan les difficultés de politique intérieure. Lors des élections législatives de 2009, le « parti justicialiste » de Kirchner a perdu la majorité au Sénat et au parlement. Pour la présidente argentine, les Malouines dont l’Argentine revendique la souveraineté, sont un bon moyen d’accroitre sa popularité et de trouver dans le Royaume-Uni, un colonisateur qui permettra de fédérer tant les Etats que les populations latino-Américaines.

L’Argentine apparait comme étant d’autant plus légitime qu’elle fait appel à la communauté internationale et à l’ONU pour régler ce conflit. Le 10 Février, après que le « Daily Mail » ait fait part de rumeurs sur le déploiement par les britanniques d’un sous-marin nucléaire d’attaque, l’Argentine déposait plainte à l’ONU contre Londres. Partisane de la négociation, l’Argentine a réussi à fédérer derrière elle les Nations du MERCOSUR. Le 20 décembre, celles-ci s’accordaient sur une position commune dans leur déclaration « DECLARACIÓN DE LOS ESTADOS PARTES DEL MERCOSUR Y ESTADOS ASOCIADOS SOBRE BUQUES QUE ENARBOLAN LA BANDERA ILEGAL DE LAS ISLAS MALVINAS ». Elles marquaient le soutien du Mercosur à l’Argentine sur la question des Malouines et allaient plus loin encore. Par cette déclaration, les Nations du Mercosur et les Etats associés s’engagent à fermer leurs ports à tout navires battant pavillon des Falklands. Même le Chili, allié du Royaume Uni en 1982 a signifié clairement son soutien à l’Argentine. En jouant sur le colonialisme, l’impérialisme britannique, l’Argentine est parvenue à réunir à ses cotés l’ensemble du bloc latino américain. A l’inverse,  l’Union Européenne se tient à l’écart du conflit et ne soutien pas le royaume uni dans ses revendications. L’enjeu pour elle est trop important au vu du poids économique de l’Amérique latine.

Indépendamment de cette déclaration, le Brésil annonçait son soutien à l’Argentine alors qu’il s’emparait de la place de sixième économie mondiale,au détriment du Royaume Uni, tout un symbole. Le Chili, l’Uruguay ou plus encore, le Venezuela soutiennent sans réserves l’Argentine. Celui-ci s’est même dit prêt à participer à une guerre aux cotés des argentins si cela devait arriver. L’Equateur de son coté a annoncé son intention d’interdire la navigation dans sa zone maritime à tout navire militaire anglais qui serait destiné aux malouines. Le Pérou a adopté la même attitude de solidarité vis à vis de l’Argentine. Le quotidien Gestion mettait en avant l’entêtement de la Grande Bretagne sur la question des Malouines.

Suite à ce soutien, l’Argentine a réitérée  ses droits et sa souveraineté sur les Malouines par une déclaration le 3 Janvier au secrétariat du Mercosur. Elle y dénonce l’occupation illégitime depuis 179 ans, ainsi que la présence de forces armées britanniques et la spoliation des ressources naturelles par le Royaume Uni. Des actes qui viennent à l’encontre des résolutions de l’assemblée générale des Nations Unies comme le souligne l’Argentine. Celle-ci n’hésite d’ailleurs pas à rappeler le soutien unanime du Mercosur, mais également de l’Unasur ou encore de la  récente CELAC. Elle précise également qu’outre le continent latino américain, elle bénéficie de l’appuie de l’ASPA, de l’ASA, du groupe des 77 ainsi que de la Chine.

La diplomatie britannique bute ainsi sur le bloc Mercosur qui a décidé unanimement de soutenir l’Argentine et perd petit à petit la guerre de l’image dans ce conflit. En mettant en avant le prince William en habits de militaire, le gouvernement britannique privilégie l’aura qu’une telle image pourra avoir auprès de sa population mais occulte l’interprétation d’une telle image à l’étranger.
Le ministre des affaires étrangères n’a pas manqué de le faire remarquer en précisant le 31 janvier que  « l’héritier de la couronne arrive avec l’uniforme du conquérant et non la sagesse de l’homme d’Etat qui travaillerait au service de la paix et du dialogue entre les nations ». Suite aux déclarations du premier ministre David Cameron qui répliquait à la décision du Mercosur du 20 décembre en accusant l’Argentine de colonisateur, de nombreuses manifestations ont eu lieu en Argentine.

Les Malouines, Une guerre avant tout économique?

Outre l’aspect politique pour l’Argentine comme pour le Royaume Uni, les enjeux économiques sont de première importance. Dés 2007, le Royaume Uni a demandé auprès du secrétaire générale de l’ONU l’extension de son plateau continental au delà de la limite des 200 miles comme l’y autorise l’article 76 de la convention de Montego Bay. Le plateau continental des Malouines est un enjeu majeur tant pour l’Argentine que pour le Royaume Uni de par les nombreuses ressources naturelles qu’il renferme. Les réserves en hydrocarbures seraient équivalentes à celles de la mer du nord jadis. Celles-ci sont en voie d’épuisement et avec la dépendance du Royaume Uni au gaz et au nucléaire, elles représentent un enjeu stratégique majeur. Selon certains médias, le pétrole des Falklands triplerait les réserves de pétrole britannique.
Dés février 2010, la société britannique Desire Petroleum commençait les forages pétroliers ce que dénonçait l’Argentine. Le Royaume Uni a clairement lancé une politique d’exploitation des ressources avec l’arrivée début 2012 de la plateforme d’exploitation de la société Falkland Oil and Gas. Celle-ci devrait commencer l’exploitation des gisements durant le premier semestre 2012. Les ressources en hydrocarbures pour la région sont un enjeux tant pour l’Argentine que pour ses alliés sud-Américain ou la Chine qui peuvent aligner des sociétés telles que Petrobras, PDVSA, China petroleum, Pemex.
Le Brésil n’a pas hésité une seule seconde à soutenir l’Argentine, Petrobras étant spécialiste de l’exploitation offshore du pré-salt, ce n’est peut-être pas un hasard. La encore, l’Argentine a reçu le soutien des Etats du Mercosur qui par leur déclaration du 3 Aout 2010 contestaient l’exploitation des ressources naturelles par les britanniques ou leurs sociétés. Ils argumentaient leur position sur les résolutions de l’assemblée générale des Nations Unies et notamment la résolution 31/49. La mise en avant de leur destroyer est maladroit de la part des britanniques. La royal navy avait déjà eu énormément de mal à s’imposer en 1982 face à l’argentine, elle avait par ailleurs perdu deux bâtiments d’importance stratégique pour elle dont le HMS Sheffield.  Nos amis britanniques devraient se rappeler que la Royal Navy n’est peut-être pas prête pour une aventure à prés de 12 000 km de ses cotes.

En envoyant le Dauntless, accompagné selon certains médias du sous-marin HMS Tireless ou du HMS Turbulent, la Grande Bretagne marque ainsi sa volonté de protéger ce qu’elle considère comme ses ressources et entend sécuriser ses approvisionnements énergétiques. Une volonté qui transparaitra d’autant plus dans le film intitulé la dame de fer et qui sortira le 15 février au cinéma.

Dans cet article, à chaque fois qu’il était question des britanniques, le terme « Falkland » était utilisé alors qu’a chaque fois qu’il était question des argentins, c’est le terme « Malouines » qui prévalait. Une dernière illustration de la guerre des mots que se livrent l’Argentine et le Royaume-Uni. Le Royaume Uni n’emploiera pas le terme de malouines pour désigner ces îles car cela équivaudrait à reconnaitre implicitement la souveraineté à l’Argentine. Celle-ci en fera de même pour le terme Falkland qu’elle évitera d’utiliser. La bande annonce du film »la dame de fer », produit par une britannique en est l’illustration.

Mathieu Dupressoir