Nul besoin de le rappeler une énième fois, la catastrophe de Fukushima a été un évènement dramatiquement majeur de cette année 2011 et devrait avoir de grave répercussions pour l’avenir tant économique que sanitaire du Japon et de ses côtes.
Toutefois dans le climat émotionnel qui s’est créé immédiatement après la catastrophe, nombreuses ont été les voix en France et en Europe pour s’empresser d’instrumentaliser le désespoir des Japonais et remettre en cause le choix nucléaire.
Les réactions, tout aussi lentes, des autorités comme des entreprises ont ainsi de quoi surprendre dans un pays où l’énergie, et le nucléaire en particulier, fait pourtant figure de domaine d’excellence. Arme majeure d’influence économique, appartenance à un club fermé des pays avancés ou excellence technologique, le domaine nucléaire va bien au-delà d’un simple choix énergétique.
Les voix de la discorde venues d’Allemagne notamment, tentent ainsi de contrer l’influence française en utilisant les traditionnels biais émotionnels pour mieux camoufler des intérêts portant sur d’autres énergies. En effet ces dernières ne manquent pas mais leur faible maturité économique les laisse, pour l’instant, considérer comme des solutions « pour le futur ». Toutefois si un discrédit total venait à s’abattre sur le nucléaire, certains projets – Carbon Capture and Storage, plus grande promotion du gaz ou même charbon supercritique – viendrait sans doute à être réévalués et refinancés. Au moment où la Banque Mondiale repensait sa stratégie énergétique et envisageait d’inclure le nucléaire dans les projets « renouvelables », l’attitude de certains Etats qui ont fait d’autres choix devient patente.
Tout ceci pourrait réussir si les autorités françaises, toujours promptes à se réclamer du patriotisme économique mais plus lentes quand il s’agit de le mettre en œuvre, décidaient de rester en retrait. Le Président de la République a décidé de réaffirmer son soutien au choix français du nucléaire cette semaine, soit près de deux mois après l’accident de la centrale japonaise ! Les autorités russes, autre grand pays du nucléaire, ont été plus promptes à réagir puisque D. Medvedev s’est empressé de mettre en avant l’utilité de l’atome, avec un accroissement des dispositifs de contrôle et la nécessité d’un accord mondial sur les règles de sécurité.
D’autant plus que ce choix bénéficie du soutien des analystes du secteur tant privés que publics. L’AIE dans son scénario 450 ainsi qu’HSBC dans son Energy in 2050 soulignent la nécessité de doubler la part mondiale du nucléaire dans l’énergie de 6 à 13%. Ces scenarii destinés à établir les mix énergétiques les plus susceptibles de freiner le changement du climat mondial insistent bien sur l’équilibre nécessaire entre maturité technologique et faiblesse des émissions de CO2.
De même à titre il est intéressant de constater que Mitsubishi Heavy Industries, branche de la célèbre shosha spécialisée dans le nucléaire, reste optimiste sur le devenir de cette énergie en confirmant qu’elle devrait doubler ses ventes d’ici à l’horizon 2014.
La combinaison du lobbying adverse et de la frilosité politique risque bien de porter un coup décisif à l’industrie nucléaire française. La récente restructuration du secteur tout entier, à la suite de l’échec d’Abu Dhabi, aurait pourtant du permettre aussi à toute la filière de disposer d’une seule voix, ce qui n’est manifestement pas le cas.
Areva, EDF, GDF SUEZ ou Alstom présentent, heureusement, un profil économique diversifié avec un développement dans les énergies renouvelables. Toutefois l’instrumentalisation par des Etats ou des ONG de la détresse japonaise à des fins économiques est la marque actuelle d’une guerre d’influence qui se joue dans le domaine énergétique depuis de nombreuses années et qui, compte tenu des problématiques liées au climat, ne risque pas de cesser.