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Un nouvel objectif dans le viseur des Sociétés de Sécurité Militaires Privées françaises ?

Les Sociétés Militaires Privées sont de plus en plus présentes sur les théâtres de conflits internationaux et sont impliquées dans des missions autrefois réservées aux forces armées traditionnelles.
Mais face à l’hégémonie anglo-saxonne, quel peut être l’avenir des Sociétés de Sécurité Militaires françaises dans ce secteur hautement compétitif ?

Depuis Executive Outcomes ou Sandline en Sierra Leone, au Liberia et en Angola dans les années 1990, les Sociétés Militaires Privées ne participent quasiment plus de manière directe aux combats mais occupent un large éventail des activités militaires, de la logistique au conseil militaire en passant par la prévention de la criminalité et du terrorisme.

Représentant plus de 200 milliards de dollars en 2008, ce marché en pleine expansion échappe malheureusement en grande partie aux Sociétés Militaires Privées françaises (ou assimilées). En effet, suscitant l’intérêt de grands groupes de l’industrie de la défense (illustré par le rachat de KBR par l’américain Halliburton et celui du britannique Armor Group, qui avait lui-même acquis DSL, par le groupe danois G4S), ce secteur a vu l’émergence d’acteurs anglo-saxons de grande taille et proposant un panel très varié de services.

Déjà peu nombreuses et de petites tailles, les possibilités d’actions des entreprises française restent en plus très limitées. Ceci est lié à la frilosité de l’Etat français à externaliser certains de ses métiers et à la loi française de 2003 encadrant leurs activités et censée limiter les éventuels dérapages. En effet, les autorités françaises sont réfractaires à l’externalisation de la fonction régalienne de Défense, qui, pour l’opinion publique, doit rester une activité exclusivement étatique. De plus, au niveau éthique, il est clair que la France ne veut pas être mêlée dans des scandales comme celui de Blackwater à Falloujah en 2004. Il faudra donc attendre tout d’abord un changement de mentalité du gouvernement français pour espérer voir émerger un groupe à portée internationale.

Mais si l’externalisation des activités militaires françaises parait être le relais de croissance le plus pertinent pour les Sociétés de Sécurité Militaires Privées françaises, il existe cependant de nouvelles opportunités. On distingue un savoir-faire de ces sociétés dans des problématiques de protection de personnes, de lutte contre le terrorisme, de formation et de sécurisation des installations. Or, ces compétences peuvent être mises au service des entreprises commerciales privées s’implantant dans des zones en voie de développement.

De fait, alors que le salut de la croissance française se trouve à l’international, certaines régions du monde, riches en ressources, représentent autant un levier de développement pour l’économie de l’Hexagone que des zones à grands dangers. L’enlèvement des employés des groupes français Areva et Satom, filiale du groupe Vinci, dans la région d’Arlit, le 16 septembre 2010, par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en est le révélateur alors que la majorité de l’exploitation d’uranium du groupe industriel se trouve dans cette zone du Niger. Ces zones, présentant des ressources en abondance, voit prospérer de multiples trafics avec en priorité le développement du trafic de drogue et du trafic d’armes, qui engendre l’apparition de seigneurs de guerre à l’influence grandissante sur ces territoires. Cette insécurité croissante peut se traduire par des enlèvements et des prises d’otage en échange d’une rançon. Plus grave, cela peut aussi se traduire en attaques armées contre des expatriés dont le pays d’origine est jugé comme l’« ennemi ». Couplé à la montée en puissance de ces groupes non étatiques, on observe aussi un déficit des Etats locaux à assurer leurs prérogatives régaliennes et une instabilité des gouvernements, ce qui n’arrange pas la situation.

Le personnel étranger n’est généralement pas autorisé à être armé. Il est donc inutile, dans bien des cas, de faire appel à des Sociétés Militaires Privées surarmées pour régler ces problèmes. Les intérêts stratégiques et financiers d’une implantation dans ces régions nécessitent la mise en place pour les entreprises de véritables fonctions support destinés à la sécurité. Ces divisions devront se consacrer à l’évaluation, l’anticipation et la prévention perpétuelles des risques. Le développement de telles fonctions permettra d’éviter les conflits et incidents de sécurité pouvant prendre des proportions considérables, et dont les retombées en terme financiers et d’images peuvent être considérables. Pour cela, les Sociétés de Sécurité Militaires Privées françaises peuvent jouer un grand rôle.

Elles n’ont pas forcément intérêt à vouloir égaler les entreprises britanniques et américaines du secteur. En effet, elles gardent certains avantages concurrentiels sur plusieurs niches en opérant sur des créneaux réduits où les grands prestataires de services privés n’ont ni d’ambition ni d’intérêts. Les entreprises de sécurités françaises disposent, par leur savoir-faire en intelligence économique et gestion des risques, les moyens de répondre aux problématiques de sécurité des entreprises souhaitant s’implanter dans des zones à risque. Elles sont aptes à décrypter les multiples enjeux, influences et multiculturalités de ces régions. Si leur taille peut poser problème, elles ont de multiples avantages liés à la France elle-même. En effet, le savoir-faire des anciens membres des services de renseignement, des forces spéciales et des unités de lutte antiterroriste françaises donne à ces entreprises une expertise incomparable. De plus, la France dispose de bonnes relations avec de multiples pays en voie de développement, ce qui apparaît comme un levier de coopération non négligeable. De par leur présence sur le terrain, les structures privées françaises peuvent permettre une grande remontée de renseignement. Mais plus que cela, les Sociétés de Sécurité Militaires Privées peuvent devenir un outil de puissance pour la France afin de lui permettre de se positionner comme une puissance mondiale dans l’environnement géopolitique actuel.

Cependant, les Sociétés de Sécurité Militaires Privées peuvent aussi s’associer avec des entreprises françaises autour de partenariats afin de créer de nouveaux métiers (comme la restauration ou la logistique) à destination des entreprises nationales ou étrangères souhaitant s’implanter dans ces zones.

Dans ces régions instables, de nombreux métiers ne peuvent être assurés selon les mêmes processus qu’en temps normal. En effet, les activités de soutien et de logistique nécessitent un savoir-faire en matière de sécurité que seul des Sociétés Militaires Privées peuvent fournir. Ainsi, de nombreuses entreprises et groupes industriels français disposent d’une opportunité stratégique en s’alliant avec les Sociétés Militaires Privées françaises afin de créer de nouvelles structures, avec des processus de production de service adéquats et adaptés à la problématique sécuritaire de ces régions. Ces nouvelles structures disposeront alors d’un avantage concurrentiel qu’elles pourront faire valoir auprès des entreprises étrangères officiant dans ces zones.

Sylvain Boivin, Simon Bourdet, Bruno de Franclieu